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Série Mode : “Faces Of Love”
Pour notre numéro ESCAPISM Spring-Summer 2024, le photographe britannique Thomas Cooksey a réalisé la série mode “Faces Of Love”, mettant en scène le duo de mannequins Cosima von Moreau et Livia Hammar.
Dans certains mythes littéraires, connaître le nom d’une chose ou d’une personne, c’est prendre le pouvoir sur elle. La Manso, c’est le surnom donné à Adriana Manso par ses professeurs lorsqu’elle était à l’école. Un surnom qu’elle détestait alors, mais dont elle a fait sa force en le donnant à sa marque de bijoux. En cinq ans, La Manso est devenue une griffe synonyme de personnalité affirmée et festive. De quoi attirer l’attention du 3537 a.k.a. Dover Street Market Paris avec lequel la marque a initié un projet spécial en 2022 suivi, la même année, d’une collaboration avec la maison Jean Paul Gaultier. L’année suivante, Florence Tétier – creative director de la maison Gaultier – l’invite à réinterpréter l’univers de Tétier Bijoux, sa propre marque. Des collaborations qui parviennent à situer l’esthétique de La Manso dans le paysage mode actuel et qui ont séduit des célébrités comme Rosalia, Dua Lipa ou encore Kylie Jenner. 2023, c’est aussi une boutique qui a ouvert ses portes à Barcelone, de quoi confirmer l’ascension de cette marque singulière. À l’occasion des cinq ans de La Manso, Adriana Manso a choisi 5 villes parmi celles qui ont su accueillir son projet créatif avec bienveillance, dont Barcelone, Madrid et prochainement Paris. Rencontre avec une créatrice qui prouve, une pièce à la fois, que les bijoux fantaisies peuvent eux aussi devenir des intemporels.
Mixte magazine. Comment est née La Manso ?
Adriana Manso. J’ai commencé la marque en 2019, en plein confinement. Moi qui suis de nature anxieuse, j’étais heureuse d’avoir trouvé quelque chose sur lequel me concentrer. Chez moi, le bijou est une histoire de famille. Ma grand-mère possédait des milliers de pièces en plastique qu’elle trouvait sur un petit marché et elle me faisait créer des bijoux pour m’occuper. Quand elle est décédée, j’ai commencé à canaliser mon deuil grâce aux bijoux. À l’époque, je travaillais à l’opéra de Barcelone et je créais des bijoux de manière presque thérapeutique et j’ai compris que cela pouvait être un nouveau départ pour moi.
M. D’où vient l’esthétique singulière de la marque ?
A. M. Je suis une enfant des années 90 et j’ai toujours vu le plastique comme un matériau normal et accessible par les jouets que je pouvais avoir. À l’époque, on percevait le plastique de manière moins négative, on s’arrêtait surtout sur son apparence brillante et colorée, très enfantine. Et c’est ce à quoi renvoient les bijoux de La Manso ; des choses précieuses, brillantes et colorées faites dans une matière facile à travailler et ludique, qui ne donnent aucune allergie. Ce n’est pas prétentieux, c’est amusant et ça ne coûte pas énormément d’argent.
M. Votre présence sur les réseaux sociaux a beaucoup joué dans l’accueil fait à la marque…
A. M. Cela a été très rapide. Quand j’ai réalisé mes premières bagues, j’ai su que je tenais quelque chose de différent. Je parcourais les festivals et les événements avec ma petite boîte à bijoux que je montrais à qui voulait bien les voir. La réception a toujours été positive et cela a été similaire sur les réseaux sociaux. Les gens étaient curieux et se retrouvaient dans la marque. Je n’ai rien inventé si ce n’est une mode ou une tendance qui devait exister à ce moment-là.
M. Parmi les pièces phares, il y a les bagues La Manso.
A. M. Elles sont notre best-seller, c’est à partir d’elles que tout a commencé. À chaque fois que je vais trop vite, c’est vers elles que je reviens. Elles me ramènent à pourquoi et comment je suis devenue qui je suis. Lorsque je lance une nouvelle collection, je commence toujours par une bague, c’est elle qui va donner le ton. C’est notamment ce qu’il s’est passé avec METAL, la nouvelle gamme pour laquelle j’ai souhaité travailler des pièces en or et en argent sans pour autant oublier le plastique.
M. La marque a désormais cinq ans, comment voyez-vous cet anniversaire ?
A. M. Je suis tellement heureuse. On parle de cinq ans de ma vie, mais il faut garder en tête que j’avais 24 ans lorsque j’ai lancé La Manso, j’en ai aujourd’hui 29, bientôt 30. J’ai vécu ces années presque comme dans une relation un peu toxique, je ne pensais qu’à ça sans forcément y trouver de réconfort. Aujourd’hui, je veux aborder les choses différemment et c’est aussi la raison pour laquelle je veux en faire une célébration. J’ai choisi les cinq villes qui m’ont le plus soutenu ces cinq dernières années. Ce que j’aime, c’est pouvoir offrir un moment aux fans de la marque. La Manso, c’est aussi une communauté et cet anniversaire me permet de rencontrer les gens. Certains sont même venus avec des cadeaux pour me souhaiter un joyeux anniversaire… Parfois une fleur, un petit papier… Ils venaient acheter quelque chose, mais offrir aussi et c’est vraiment sympa.
M. Justement, quel lien entretenez-vous avec l’idée de communauté ?
A. M. J’aime cette idée, d’autant plus parce que j’ai commencé au moment du COVID qui a aussi été un moment de solitude. La Manso m’a permise de me connecter avec les gens, notamment à travers les réseaux sociaux. Mais je suis plus à l’aise avec une communication en face-à-face. J’aime faire la fête, réunir les gens… Je trouve que c’est une bonne manière de faire découvrir mon univers. Et puis j’essaye de rendre les choses les plus démocratiques possibles parce qu’il est là l’avenir de la mode selon moi. C’est comme ça que, selon moi, on parvient à toucher les gens.
M. Un moment phare dans l’histoire de La Manso a été la collaboration avec Jean Paul Gaultier puis le lancement de Tétier Bijoux de Florence Tétier. Cela vous a-t-il donné une autre perspective ?
A. M. Aujourd’hui encore, je trouve incroyable le fait que Florence [Tétier] m’ait fait confiance pour des projets, elle m’a beaucoup apporté et notamment m’a fait entrer dans l’industrie. Quand vous commencez, beaucoup de monde veut porter vos pièces, mais vous prenez le risque de devenir une tendance et il est très difficile de survivre seul. Et puis un acteur de l’industrie de la mode vous demande de participer à un projet et… Je ne sais pas comment dire si ce n’est que cela vous légitimise. Florence est l’une de mes personnes préférées dans cette industrie, c’est une femme qui inspire beaucoup de monde, laisse beaucoup de place aux autres…
Ces collaborations ont aussi changé ma perception de moi-même.
M. Vous avez lancé METAL, une collection plus unisexe. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?
A. M. On en revient à cette idée de créer des bijoux qui soient le plus démocratiques possible. Je voulais faire quelque chose qui puisse parler à tout le monde. Il y a beaucoup de designers qui m’intéressent dernièrement comme Martine Rose. Je cherche à être plus inclusive autant dans les tailles de bagues que dans les designs. Et si aujourd’hui, on sent des volontés maximalistes dans le bijou, je voulais au contraire revenir à quelque chose de minimal. Ce que je ne fais pas souvent, mais je crois que c’était le bon moment pour moi de le faire.
M. Les bijoux sont aussi des totems personnels que l’on achète ou offre à des moments importants, dont on veut se souvenir…
A. M. J’en parlais avec mon amie la styliste Elena Mottola qui fabrique des bijoux elle aussi. Quand je lui ai demandé pourquoi elle se lançait dans cette aventure, elle m’a répondu : « Adri, les bijoux sont les seules pièces véritablement transgénérationnelles ». Parfois, on a des bijoux qui se transmettront à la troisième ou à la quatrième génération… Peu d’objets ont autant de signification.
Les collections La Manso sont disponibles en ligne.