M. Tu aimes tourner dans la nature. Comment choisis-tu tes décors ?
A. D. J’aime les paysages connotés mais abstraits. Les montagnes, par exemple : on dirait presque un fond vert tellement l’horizon donne l’illusion d’un décor plat en 2D. Une forêt, ça serait trop compliqué pour moi, il y a trop d’informations, trop de relief. Je préfère les décors plats parce qu’ils se rapprochent visuellement de certains décors scéniques. Chez Pina Bausch, pour le spectacle 1980, c’est une pelouse avec un rocher et ça permet d’aller dans l’imaginaire sur scène comme si on était dans la nature. Et puis personne ne m’ennuie quand je suis au milieu de nulle part, c’est beau et facile à filmer. Ça me permet de faire n’importe quoi, d’avoir le champ libre, je peux crier, me déshabiller, faire péter des ballons, c’est la liberté.
M. Dans certaines de tes vidéos, tu danses aux côtés de tes sœurs, et tu as aussi fait danser ton père. Comment as-tu eu l’idée de danser en famille ?
A. D. Je suis retourné vivre chez mes parents pendant le confinement. Je pouvais sortir dans les coteaux, j’avais du temps et une caméra et c’est comme ça que j’ai fini par faire danser mon père. Je suis touché par les gens – non danseurs – qui dansent, comme mon père. Le geste devient plus abstrait alors que c’est un geste qui vient du quotidien. Ce qui m’émeut par exemple, c’est de voir des gens lever tous la main en même temps. Ça crée quelque chose de fort, alors que les danseur·euse·s, eux·elles, sont tellement conscient·e·s de leur corps. Quand je mets en scène des groupes, ça crée une alchimie car chaque personne est très différente mais a un geste commun, c’est quelque chose que l’on retrouve chez Pina Bausch, notamment dans le film Les Rêves dansants.
M. Tu as grandi à Castillon-la-Bataille, une petite ville de Gironde. Penses-tu que cela ait joué un rôle dans la relation que tu entretiens avec la nature aujourd’hui ?
A. D. Oui, complètement. Petit, j’étais dehors tout le temps, je me baladais à vélo ou je marchais dans les champs tout seul. J’étais dans un rapport hyper contemplatif à la nature, que j’ai perpétué en regardant des films. Aujourd’hui encore, j’adore être loin tout seul. Là par exemple je viens de faire un petit film en Écosse. Je suis parti seul dans les Highlands, j’ai loué une voiture et je me suis arrêté de temps en temps dans des petits hôtels. En étant complètement isolé, j’ai eu l’impression de retrouver un vrai rapport à la nature.