Je ne l’ai pas très bien pris, au départ. Mais après, j’ai compris ce qu’ils voulaient dire, et je crois que c’est dans le sens de l’artisanat, et aussi dans le fait de ne pas attendre la réponse de tel ou tel guichet de financement pour tourner. Sur YouTube, ils y vont et puis voilà. Peut-être que les festivals ne sont pas si importants…
M. Quel est l’avenir de la diffusion de De la terreur… ?
A. L. Il y a des choses qui se préparent… Mais la seule qui soit sûre pour l’instant, c’est que De la terreur, mes sœurs ! passera à la Cinémathèque française en avril prochain, dans le cadre d’une Carte blanche qui m’est laissée et où on me demande, en plus, de projeter des films que j’aime. J’adore, parce que tout le monde s’attend à ce que je montre du Gregg Araki ou du John Waters, or je vais pas du tout faire ça. Ça m’amuse. Je vais sûrement proposer The Girl Can’t Help It, un film qui se passe dans le milieu de la musique, où un gros producteur – un peu à la Weinstein – a une nouvelle “meuf” jouée par Jayne Mansfield, et demande à un compositeur de lui apprendre à chanter ; sauf que la fille ne sait pas du tout chanter. C’est très cartoon, très gag.
M. Il y a un principe qui revient beaucoup dans le cinéma LGBTQI+ mais qui est complètement absent du tien, c’est le récit de soi. Dans ton discours de remerciement au FIFIB, tu racontais même que ça t’était reproché en commission, où on te demandait souvent de raconter ton coming out, si possible de manière larmoyante, etc.
A. L. Beaucoup de cinéastes font très bien ça, le récit de soi, et je n’ai rien en général contre ça. Chantal Akerman a fait des autoportraits magnifiques. Mais je sais que je n’ai pas envie de faire ça. La question même d’appartenir à un cinéma LGBTQI+ n’existait même pas dans les films précédents, ça ne m’avait pas effleuré l’esprit. Un peu plus sur celui-ci, évidemment – et comme ces quatre filles racontaient leur histoire, on pouvait relier ça aux personnes trans qui se découvrent, donc à Girl de Lukas Dhont, par exemple. Et pour le coup, le projet était de prendre le contre-pied, de ne surtout pas raconter la transition, la découverte : le film les met en scène comme des stars. Quelque part, je crois que c’était aussi le cas du précédent, ma comédie musicale.
M. La comédie musicale, c’est un genre important pour toi ?
A. L. Oui, j’adore ça et j’aimerais en refaire, mais c’est hyper difficile. Il y a eu un article adorable sur moi dans Les Inrocks, où la journaliste parlait du film et disait que c’était “approximatif”. J’adore, parce que c’est affectueux, et c’est vrai que c’était approximatif, mais ça ne cherchait pas du tout à l’être… Même si j’ai fait le choix de tenter de le réaliser avec des acteurs et des actrices qui n’étaient pas danseurs professionnels, bien sûr ! D’ailleurs, ça a été très dur, les chorés… La prochaine fois, j’essaierai peut-être avec des pros.
M. La dimension artisanale, “cheap”, de ton cinéma, tu la renies ? Tu ne revendiques pas le lo-fi ?
A. L. Je crois que je suis tiraillé entre les deux. Bien sûr que je trouve ça drôle, le côté cheap de mon bout de dessin animé dans Fanfreluches… Et là, tout faire en studio pour De la terreur…, c’était une manière de faire maison de poupée et carton-pâte. Et je ne voudrais surtout pas que le rendu soit trop léché. Mais ce n’est pas pour autant que la direction artistique n’est pas choisie avec soin.