Alors que le MET Museum vient de clore l’exposition “Women Dressing Women” et que les articles se succèdent en réaction à la domination masculine à la tête des grandes maisons, trois designers japonaises subversives font bouger les lignes et explorent les codes de la féminité sans vague ni drame, mais le dos droit et les poings sur la table.
Akiko Aoki
La doyenne, Akiko Aoki, fondatrice de la marque éponyme en 2014, explore les différentes facettes de la féminité au sein de la société japonaise contemporaine. À travers ses créations, elle crée des espaces de friction entre les attentes sociales et la sensibilité propre à chaque femme. Cette saison était comme une ode consacrée à la “working girl” japonaise, souvent tirée à quatre épingles. Il semble que la designer l’ait saisie au moment où le masque se fissure et la respiration se relâche. Les tailleurs sont montés à l’envers, les jupes se dézippent sur les hanches pour révéler la doublure, les boutons sont prêts à craquer et la dentelle d’une camisole est révélée. Une tension habilement coordonnée qui démantèle l’uniforme de bureau jusqu’à son abolition complète.
Fetico
Emi Funayama, créatrice du label Fetico depuis 2020, propose une figure féminine affranchie du regard masculin jusqu’alors intrinsèque la construction de sa sensualité, souvent en revisitant les codes du fétichisme. Cette saison, sa collection intitulée “Eternal Favorites” est née de son désir de retrouver sa liberté qu’elle sent menacée en vieillissant par les normes imposées par la société. La designer a convoqué des sources d’inspiration ou des objets qui lui sont chers. Un savant mélange de robes en velours qu’elle adorait dans son adolescence, des vêtements d’enfants rehaussés de dentelle, l’esthétique de Mercredi Addams, les poupées érotiques et inquiétantes créées par l’artiste allemand Hans Bellmer… Frisson de plaisir garanti pour les fans de contre-culture gothique.
Kanako Sakai
La benjamine, Kanako Sakai, à trouvé l’inspiration pour sa nouvelle collection en lisant le livre de Marilyn Yalom, “A History of the Breast”, paru en 1997. “Bien qu’il soit la propriété d’une femme, le sein semble toujours appartenir à quelqu’un d’autre.“ De cette constatation, elle questionne et confronte son propre évitement de la “féminité”, concept avec lequel elle n’est pas à l’aise, peut-être justement parce que ses règles sont celles d’une construction sociale plutôt que personnelle. À la manière de l’artiste Yayoi Kusama qui, pour vaincre sa peur des phallus, l’a carrément surreprésenté dans son œuvre au point d’en recouvrir compulsivement des objets ou des environnements entiers, Kanako Sakai a décidé de prendre le taureau par les cornes en surjouant la “féminité”. Elle annonce la couleur dès le premier look, avec un bustier aux bonnets coniques excessivement saillants, rappelant l’insolence iconique de la maison Gaultier.