Histoire de bien finir 2024, Mixte vous a sélectionné 24 oeuvres pour enrichir votre culture mode et société. Des archives de Simone Rocha aux essais sociologiques d’Anas Daif, Stéphane Durand ou Nesrine Slaoui, en passant par les photos de Carjlin Jacobs ou les enquêtes historiques sur le vêtement de Denis Bruna ou Loïc Prigent, voici de quoi lire, regarder et écouter pour mieux se (la) raconter.

BEAUX LIVRES

1. “Sleeping Beauty”, special edition Flower, Carlijn Jacobs (Note Note Editions)

L’année dernière Carlijn Jacobs, l’une des meilleures photographes de mode de sa génération (et à qui Mixte avait consacré un portrait il y a quelques années) publiait un beau livre des ses photos baptisé “Sleeping Beauty”. Victime de son succès, le livre est heureusement republié en cette fin d’année par Note Note Editions dans une édition spéciale “Flower” limitée à 25 exemplaires. L’occasion de (re)découvrir le travail onirique et étrange de Carlijn Jacobs.

2. “Simone Rocha”, (éd. Rizzoli)

Ce tout “premier livre complet sur le travail de Simone Rocha, la bien-aimée créatrice irlandaise”, revient sur la carrière de celle qui a remis les perles au goût du jour. Avant ses collaborations avec H&M, Moncler ou la Couture de Jean Paul Gaultier, elle est fidèle à son ADN romantico-gothique façonnée dans son Irlande natale et confirmée au fil des années de défilés. Plus que certaines adeptes célèbres telles que Rhianna, FKA Twigs, Billie Eilish et Chloë Sevigny, elle a conquis toute une génération avec ses créations rassemblées dans ce recueil.

3. “Cornucopia : The Book”, Björk, (éd. One Little Independent / éd. Braquage)

Ce livre photo de 480 pages (22x30cm), publié en édition limité et maquetté par le célèbre duo de graphistes M/M Paris, retrace la légendaire tournée Cornucopia de la chanteuse islandaise qui s’est étalée sur quatre ans. Soit une expérience live ambitieuse, avec des images et des projections du réalisateur Tobias Gremmler, la chorale Hamrahlíð, ainsi que de nombreux autres artistes musicaux et visuels.

4. “Chanel : L’allure du maquillage” (éd. Thames & Hudson)

À force de trends TikTok et de tutos Youtube, on en oublierait presque les fondamentaux du maquillage. En 1924, Gabrielle Chanel a lancé les premiers produits de maquillage de la maison, puis, s’en sont suivies des années d’innovation et de campagnes publicitaires qui ont façonné l’univers de la beauté actuel. Ce recueil d’images d’archives pour certaines inédites rendent aussi hommage aux femmes qui ont incarné ces années flamboyantes, et restent ancrées comme les visages de l’allure ultime de Chanel.

5. “Pop Forever”, Fondation Louis Vuitton (éd. Gallimard)

Dans le cadre de son exposition “Pop Forever, Tom Wesselmann &…” consacré au Pop Art jusqu’au 24 février 2025, la Fondation Louis Vuitton publie avec Gallimard ce beau livre du même nom sur l’un des mouvements artistiques majeurs des années 1960 et dont la présence n’a cessé, jusqu’à aujourd’hui, d’influencer toutes les générations qui ont suivi. L’occasion d’y découvrir de 150 peintures et œuvres de Tom Wesselmann (figure de proue de ce mouvement artistique), ainsi que 70 œuvres de 35 autres artistes issu·e·s de générations et nationalités différentes qui partagent une sensibilité « Pop », allant de ses racines dadaïstes à ses prolongements contemporains, des années 1920 à nos jours.

OUVRAGES MODE

6. “Mille milliards de rubans, La vraie histoire de la mode”, Loïc Prigent (éd. Grasset)

“Comment la mode est-elle devenue la mode ? Comment le système s’est-il mis en place ? Qui a mis au point les machines, les prospectus, les vitrines, la frivolité comme modèle économique. Qui a décidé du rythme des collections ? Qui a eu l’idée de l’étiquette ? Le défilé et les mannequins ?”. Dans ce nouvel essai-récit baptisé “Milles milliards de Rubans”, Loïc Prigent, le plus célèbre journaliste mode de France, raconte avec son ton légendaire son histoire de la mode. Dans plusieurs volumes (dont celui-ci est le premier), il se concentre sur la naissance de la couture française et internationale à partir XIXe siècle, l’arrivée des premiers grands couturiers, l’ouverture des grands magasins, ou encore sur la manière dont le luxe s’est fondé sur les usines de Manchester où on traitait le coton récolté par les afro-américain·e·s esclavagisé·e·s. Bref, parler chiffons n’a décidément rien de frivole.

7. “75 créateurs pour une mode durable”, Céline Perruche et Anne-Laure Griveau (éd. La Martinière)

Marine Serre, Kevin Germanier, Duran Lantink et bien d’autres, sont toute une génération de créateur·rice·s engagé·e·s dans la conception et la production de vêtements sans déchets et conçus à partir de matières recyclées. Sous la plume des journalistes Céline Perruche et Anne-Laure Griveau, ce livre tente de répondre à l’éternelle problématique : “comment réinventer une mode plus durable”, voire transformer l’industrie textile en profondeur. Au travers de portraits et d’entretiens exclusifs, les deux journalistes offrent un panorama de talents prometteurs qui tentent de servir cette utopie par la force de la créativité.

8. “Petites histoires de nos vêtements”, Denis Bruna (éd. Textuel)

Pour son nouvel ouvrage, l’auteur de la bible “Histoire des modes et du vêtement” s’attaque à notre vestiaire du quotidien avec esprit et anecdotes inédites sous la forme d’un abécédaire. Par exemple, saviez-vous que l’ancêtre de notre sweat à capuche fut interdit par Charles VI, avant d’être adopté cinq siècles plus tard par la communauté hip-hop new-yorkaise qui le baptise « hoodie » ; que le slip kangourou n’est pas né dans les années 1940 mais existait déjà au Moyen Âge ; ou encore qu’il a fallu attendre les années 1960 pour que les femmes puissent arborer sans heurts un pantalon dans la rue ?

FILMS ET DOCUMENTAIRES

9. “Thierry Mugler, la mode avec un grand M”, documentaire Arte

Qu’on ait déjà tout lu et tout vu sur Thierry Mugler, sa vie, son œuvre, voilà un nouveau film qui mérite attention. Riche en images d’archives, de l’ambiance électrique des backstages, des défilés des années 90 (le climax de sa carrière), d’extraits d’interviews du créateur lui-même et de témoignages d’expert·e·s, le documentaire tient sa promesse de ce “retour sur la carrière d’un homme qui voulait sublimer les corps et les rendre plus forts”. Si le film célèbre en beauté les 50 ans de la maison, il ravive aussi avec émotion la disparition de son directeur artistique disparu en 2022.

10. “Les Reines du drame”, un film d’Alexis Langlois (en salles depuis le 27 novembre 2024)

Remarqué pour ses courts-métrages, Alexis Langlois, à qui Mixte avait consacré un sujet il y a presque cinq ans déjà, signe ici un premier long-métrage dans lequel il affirme son univers. Inspiré par le cinéma de John Waters et son actrice fétiche Divine, fan de la série télévisée Buffy et de Britney Spears, mais aussi amateur du cinéma classique américain, Alexis Langlois propose ici une œuvre survitaminée et boostée aux références queers avec ses collaborateur·rice·s fétiches telles que Bilal Hassani, Raya Martigny et Dustin Muchuvitz. Présentée à la Semaine de la critique à Cannes, “Les Reines du drame” est véritablement la pépite pop de cette fin d’année.

11. “Il était une fois Michel Legrand”, un documentaire de David Hertzog Dessites (en salles depuis le 4 décembre 2024)

Probablement connu comme l’un des plus grands compositeurs de son temps, Michel Legrand a marqué l’histoire mondiale du cinéma et de la musique avec des mélodies inoubliables créées pour des légendes comme Miles Davis, Jacques Demy, Charles Aznavour, Barbra Streisand ou encore Natalie Dessay. “Il était une fois Michel Legrand” revient donc sur l’histoire hors-norme de ce virtuose français récompensé entre autres de trois oscars et qui a fait tourner les moulins de nos cœurs.

OUVRAGES SOCIÉTÉ

12. “Et un jour je suis devenu arabe”, Anas Daif (éd. Tumulte)

Depuis quelques années, le journaliste Anas Daif s’est fait connaître pour son activisme anti-raciste et pro-LGBT sans faille, notamment au travers de sa page Instagram et de son podcast “À l’intersection” qui rebondissent sur l’actualité et éduquent sur les questions liées aux discriminations. En novembre dernier, il a sorti son premier livre “Et un jour, je suis devenu arabe” aux éditions Tumulte, un ouvrage qui mêle essai sociologique et éléments intimes, et dans lequel il interroge avec clarté et honnêteté son identité d’homme arabe, français, musulman, queer, et de quartier. Décrit par son auteur comme un « guide de survie », cet essai s’impose définitivement comme l’ouvrage de toute une génération pour celles et ceux qui tendent à se déconstruire, se libérer et repenser la lutte intersectionnelle.

13. “Bimbo, repenser les normes de la féminité”, Edie Blanchard (éd. JC Lattès)

Des clichés vestimentaires aux stéréotypes socioculturels, l’image de la bimbo est explorée par la réalisatrice Edie Blanchard dans un essai écrit à la première personne et ponctué de références de pop culture, d’”Alerte à Malibu” à “Loft Story” en passant par Barbie et Britney Spears. Si ce n’est pas la première fois que le sujet est traité, on n’aura jamais assez dénoncé le caractère sexiste de cette figure finalement subversive, émancipatrice et féministe : “Parce qu’il n’y a pas ‘une bimbo’. Juste des personnes qui s’identifient comme telles et font ce qu’elles veulent.”

14. “Période décès”, Stéphane Durand (éd. des Équateurs)

Dans cet essai rédigé à la première personne, Stéphane Durand (journaliste et collaborateur de Mixte), aborde sa notion du deuil et la façon dont il est encore tabou aujourd’hui. Étayée par des exemples concrets issus d’autres cultures mais aussi par des filtres et anecdotes plus intimes, cette pensée déroulée le long du livre nous aide à mettre des mots simples sur une épreuve de la vie compliquée. Par exemple, l’auteur suggère que l’on dise « vivre son deuil » plutôt que « faire son deuil » puisqu’il ne s’agit pas de faire ses courses. Ce livre, destiné à tous les endeuillés, est une exploration intime de la mort de son versant le plus trivial au plus symbolique. Une réflexion sur sa place dans nos vies autant qu’un guide pratique.

15. “Notre dignité, un féminisme pour les Maghrébines en milieux hostiles », Nesrine Sloui (éd. Stock)

Journaliste féministe et antiraciste, Nesrine Slaoui, qui a déjà collaboré par le passé pour Mixte en écrivant une tribune dans notre numéro spring-summer 2024 “Escapism”, vient de publier son nouvel essai baptisé “Notre dignité, un féminisme pour les Maghrébines en milieu hostile”. Elle y questionne, entre études sociologiques et récit personnel, ce qu’est être une femme maghrébine en France ou encore comment concilier féminisme et visibilisation des femmes racisées. L’autrice propose également de s’intéresser plus spécifiquement aux préjugés racistes et sexistes que subissent les femmes maghrébines et qu’elle a choisit de nommer sous le néologisme “arabisogynie” (la version arabe de “misogynoire”). Un indispensable.

16. “Coeur météore“, Damien Testu

Journaliste passionné de pop culture, Damien Testu s’est spécialisé dans le story-telling des industries de la mode, du luxe et du lifestyle. Le 9 décembre, il a sorti “Coeur météore”, son premier recueil de poésie. Présenté sous la forme d’un fanzine au format A5, il a été pensé comme un album de chansons. Comme un vinyle, cet ouvrage, qui aborde des thèmes liés à l’amour, la sexualité queer ou la santé mentale, se compose de deux faces opposées et complémentaires, l’une ne pouvant exister sans l’autre. “L’intériorité s’oppose à l’extériorité, le rire aux larmes et l’envie de vivre à la mélancolie”, explique Damien Testu. Chaque poème y est accompagné de photographies réalisées par Marivan Martins et Olivia Ghalioungui. Le recueil est disponible à la librairie emblématique Les Mots À La Bouche, Paris 11e.

17. “Ce que la Palestine apporte au monde”, collectif, Institut du monde arabe (éd. Seuil)

Si vous avez raté la super exposition “Ce que la Palestine apporte au monde” l’année dernière à l’Institut du monde arabe à Paris, vous pouvez vous rattraper avec son recueil éponyme. Richement illustré, ce dernier réunit près d’une centaine de contributions (dont celles d’Elias Sanbar, d’Hana Sleiman, de Leyla Dakhli et de Karim Kattan) et mêle analyses, poèmes et créations littéraires, le tout en s’articulant autour de trois axes : la Palestine en tant que territoire, en tant que cause politique et en tant que vecteur d’une importante création culturelle.

PODCASTS

18. “Catwalk Calling”, Fédération de la Haute Couture et de la Mode

Du quiet luxury au sportswear, en passant par la mode queer, punk ou encore Y2K, cette série de podcasts de six épisodes revient aussi sur le phénomène de la Fashion Week avec au micro, une batterie d’intervenant·e·s tout aussi pertinent·e·s les uns que les autres : Sophie Fontanel, Saveria Mendella, Manon Renault, Alice Pfeiffer ou encore les créateur·rices·s Jeanne Friot, Laminé Kouyaté et Victor Weinsanto, tous ces avis éclairés contribuent à ficeler une vision intelligente de la mode. De quoi réviser ses basiques pendant les fêtes.

19. “Fashion our Future”, saison 2, Kering

Lancé au printemps 2023, le podcast « Fashion Our Future » du groupe Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga…) revient après une pause d’un an. Si le thème de la saison 2 reste inchangé — le luxe durable — le format évolue avec la présence d’Andrea Cheong en tant qu’intervieweuse. Cette créatrice de contenu engagée est connue pour ses vidéos percutantes sur les réseaux sociaux à propos de mode éthique et consommation responsable. Elle est aussi l’autrice du livre : « Pourquoi je n’ai rien à me mettre ? Dépensez moins, achetez plus intelligemment, révolutionnez votre garde-robe ».

20. “Une histoire de la mode”, France Inter

Si vous n’êtes pas du genre à vous farcir des pages et des pages sur l’histoire de la mode, vous pouvez toujours écouter le podcast “Une histoire de la mode” sur France Inter. Vous vous rendrez compte que l’histoire de la mode en France, depuis les années 1920, épouse bien évidemment celle de la société. Ici, en dix émissions, Stéphanie Duncan retrace, décennie par décennie, l’évolution de la mode et du style (La mode sous l’occupation, le New Look, Le space age, la working girl des années 1980 etc).

EXPOSITIONS

21. “Corps In·Visibles, Une enquête autour de la Robe de chambre du Balzac” au Musée Rodin

Avant les débats sur la représentation et la diversité des corps dans la mode et sur les réseaux sociaux, il y a eu le mythe de Balzac et sa robe de chambre. Conçue à partir d’une sélection de sculptures issues des collections du musée, et notamment l’Étude de robe de chambre pour Balzac d’Auguste Rodin, l’exposition déroule une enquête sur la recherche d’un corps de Balzac par Rodin et interroge sur la perception des corps en faisant dialoguer couture et sculpture.

22.“Revenir, Expériences du retour en Méditerranée”, au MUCEM (Marseille)

Le retour est-il “le désir et le rêve de tous les immigrés”, comme l’a écrit le sociologue Abdelmalek Sayad ? C’est le sujet de la nouvelle exposition du MUCEM où se lit, au travers d’objets, d’œuvres d’art et de récits de parcours de vies, une approche sensible de cette notion du “retour” assez peu explorée lorsqu’il s’agit immigration. Fruit d’une longue enquête à la fois artistique et anthropologique, l’exposition “Revenir” soulève aussi les questions de l’impossibilité des retours et elle vaut vraiment le détour.

23.“Martine Syms“, à la Fondation Galerie Lafayette, Paris

Américaine, noire, féministe, artiste conceptuelle, cinéaste, vidéaste : Martine Syms explore de façon originale le concept d’identité des femmes noires et de la réappropriation de soi. En cette fin d’année, elle a droit à sa première rétrospective en France au sein de Lafayette Anticipations. Ici, elle invite les visiteur·euse·s à faire l’expérience d’une œuvre d’art totale qui se déploie dans tous les étages de la Fondation, la transformant en un magasin d’un nouveau genre. C’est satirique, drôle, politique et radicale. Tout ce qu’on aime. À voir jusqu’au 9 février 2025.

24.“TRANS*GALACTIQUE”, à la Gaieté Lyrique, Paris

On parle souvent de male gaze et de female gaze mais qu’en est-il du trans* gaze ? C’est justement le sujet de l’exposition TRANS*GALACTIQUE qui célèbre la possibilité d’un trans* gaze, pluriel et émancipateur. Invité·e·x par les commissaires et artistes Superpartners (SMITH, artiste et chercheur & Nadège Piton, commissaire d’exposition et performeuse), Frank Lamy (commissaire d’exposition, performeur et DJ) et Balthazar Heisch (artiste), et d’après le numéro éponyme de la revue photographique “The Eyes” paru en 2020, quinze artistes explorent par la photographie et la vidéo des manières alternatives, résistantes, queer et écologiques d’être en relation avec les autres et avec le monde, au-delà d’une esthétique de transformation des corps.