Qu’on le veuille ou non, on continue de mettre les gens dans des boîtes. C’est pourquoi j’apprécie particulièrement le terme queer qui reste assez large, ouvert et libre d’interprétation et dans lequel beaucoup de personnes peuvent s’intégrer quels que soient leur genre, leur identité ou leur sexualité.
M. Quel regard portes-tu sur l’acceptation de l’identité queer aujourd’hui ?
C. Y. Il y a évidemment encore énormément de travail à fournir. Et peutêtre encore davantage maintenant que la visibilité queer augmente. Parce que ces dernières années, on a vu de plus en plus de personnes queer représentées dans les médias et dans la culture, c’est un fait, mais au final les vraies problématiques et les véritables enjeux n’étaient traités qu’en surface. C’est le même schéma avec les personnes racisées. En revanche, ce qui est plus fort je crois aujourd’hui, c’est que les minorités – même si je n’aime pas ce terme, ont pris possession de leur propre récit. Elles savent pourquoi elles sont là, ce qu’elles ont à faire, à partager, à raconter.
M. Qu’as-tu justement voulu raconter avec N****Swan, ton autre projet réalisé en 2018, qui avait été présenté au musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam ?
C. Y. Le musée nous a contactés, Sedrig et moi. L’équipe cherchait à l’époque à produire des performances autour d’une grande exposition de peintures de Rubens qu’ils accueillaient. Avec Sedrig, on a finalement décidé de danser et de créer quelque chose autour de La Reconnaissance de Philopoemen car on avait été marqués par le grand cygne blanc qui est représenté sur ce tableau. En le voyant, on a fait le lien avec le chanteur Blood Orange et son album Negro Swan (“cygne noir” en français, ndlr) qui venait de sortir. Cet album est une ode à l’humanité, mais surtout une hymne aux personnes noires, à leur beauté, à leur esthétique. C’est précisément ce qu’on a voulu transmettre à travers cette performance, qui a pris place devant le tableau en question. Mais c’était aussi une façon pour nous de transformer le musée en un lieu plus inclusif et de montrer le corps noir dans un espace où il n’a pas l’habitude de se mouvoir ni de s’exprimer. La preuve, c’est qu’il y avait à peu près 40 toiles de Rubens exposées, et parmi elles, une seule représentait un homme noir. Et alors que dans les légendes des autres tableaux tout était nommé, aussi bien les humains et les fruits que les animaux, l’homme noir lui, qui prenait pourtant quasiment toute la place, n’était pas mentionné…