Raconter des histoires, les pimper, les renouveler, c’est clairement ce qui définit le mieux le travail de Clément. “Ce que j’aime, c’est prendre à contre-pied toutes les références et les incarner d’une manière différente”, explique-t-il. Logiquement, c’est aussi ce qu’il a mis en œuvre quand il est arrivé sur le projet Grand Amour. C’est lui qui, pour cette campagne de prévention, a proposé de réaliser un vrai film scénarisé avec une liste d’acteur.rice.s, chanteur.se.s et personnalités de renom, plutôt que de produire simplement des appels au don classiques. “Je voulais apporter quelque chose de plus frais, de plus inattendu et replacer les artistes au cœur de projet”, décrypte Clément. Persuadé de sa vision, il défend ses idées avec conviction et il obtient finalement le soutien de ses collaborateur.rice.s tout comme l’aide de personnalités qui comptent dans l’industrie du cinéma, tel Laurent Lafitte qui, probablement porté par la beauté du projet comme tou.te.s les autres qui se sont lancé.e.s dans l’aventure, a accepté d’être metteur en scène associé pour l’épauler ainsi que son coréalisateur Nicolas Mongin. Résultat, ce métrage, que Clément définit comme “un geste pour la culture”, est préparé en trois mois et tourné en cinq jours “alors qu’une production de ce type prend généralement deux ans”. “J’ai l’impression que, toute ma vie, toutes ces années où j’ai évolué, toute mon expérience, tous les boulots que j’ai faits et tous les projets auxquels j’ai participé étaient en quelque sorte le moodboard général de ce que je savais faire et qui m’a permis de concrétiser Grand Amour, analyse Clément, pensif. Pour moi, c’était aussi la récompense d’avoir été simplement sympa depuis toujours. Même quand j’étais juste assistant sur les shoots, j’ai toujours été celui qu’on rappelle après ; sûrement parce que je traite les gens comme il se doit. Dans ce métier, tu n’as rien sans rien. Malheureusement, je dois reconnaître que, peu importe l’investissement et le talent, tu deviens quelqu’un à partir du moment où ton nom est exposé.” Clément en a fait récemment l’expérience douce-amère quand, dès la sortie et la diffusion de Grand Amour, il a par exemple reçu des messages de soutien et de félicitations de la part d’anciens camarades de classe alors qu’à l’époque, justement, dans les couloirs du collège et du lycée, il était dénigré : “Pour moi, le harcèlement scolaire a été la pire des choses. Mon premier rapport à la différence ce sont les autres qui me l’ont violemment mis dans la gueule alors que moi je me trouvais complètement normal. Je n’avais pas encore exprimé quoi que ce soit, qu’on avait déjà affirmé pour moi très jeune que j’allais être homosexuel. On me traitait de pédé et mon corps était martyrisé par les autres parce que j’étais très mince, voire maigre. J’étais la tapette, la victime… J’ai des souvenirs ignobles où on me prenait la main et on la collait sur mon casier avec de la superglue en me disant : ‘Tiens, c’est du sperme !’”.
Des moments d’humiliation intenses qui ont certes provoqué de gros traumatismes, mais dont Clément a réussi à opérer un retournement de stigmate. “À l’époque, des profs de langue m’ont encouragé à écrire, à prendre la parole, à m’exprimer, parce que c’était le seul moyen de survivre à toute cette violence. Le rejet que j’ai subi a aussi été ma force. C’est la raison pour laquelle je me bats, pour être accepté et ne plus être défini par des étiquettes en rapport avec mon intimité.” Cette histoire personnelle que Clément a vécue, emplie d’homophobie et de discrimination, fait étrangement écho à celle de Grand Amour dont le message, dans un cadre plus large, dénonce évidemment la sérophobie, la queerphobie et toute haine née de la différence. Un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, puisqu’il écrit actuellement l’adaptation ciné de la comédie musicale Starmania de Michel Berger, un autre conte moderne racontant les déboires et combats de personnes mises au ban de la société. “Toute la violence que j’ai subie, je l’ai finalement métamorphosée en émotion, explique Clément. S’il y a une chose à retenir de tout cela, c’est qu’il faut avoir confiance en qui on est et en ce qu’on a à raconter dans ce milieu de l’image. Car même si on a l’impression que tout a déjà été dit et montré, on peut toujours trouver un moyen d’exprimer les choses d’une nouvelle manière. Il faut être capable de tout transformer pour pouvoir se définir soi-même et pour ne plus jamais laisser personne d’autre le faire à notre place. Le plus beau conseil qu’on m’ait donné, c’est ça : ne pas laisser le regard des autres devenir la définition de soi.” Preach boy !