Combinaison et sac banane HOMME PLISSÉ Issey Miyake, baskets en cuir Maison Kitsuné x Puma

Directeur artistique et jeune réalisateur, Clément Guinamard redéfinit avec amour et douceur la pop culture française à coups d’images de mode, de films et de scénarios. 

Si jamais vous rêvez de voir le plus gros casting ciné et musique de tous les temps derrière un écran, pas besoin de vous taper un énième spin-off movie soporifique tiré de la saga Marvel (no offense). Tout ce que vous avez à faire, c’est de regarder Grand Amour. Produit par la société Les Monstres dans le cadre de la campagne d’appel à dons #fetelamour, portée par l’association AIDES qui lutte contre le VIH/sida, ce moyen métrage d’une heure, sorti digitalement en juillet 2020 et diffusé tout l’été sur MyTF1.fr, a connu un succès retentissant. Normal. L’œuvre a réussi à réunir pour la bonne cause la crème de la crème de la pop culture francophone : Chiara Mastroianni, Laurent Lafitte, Yseult, Marina Foïs, Juliette Armanet, François Sagat, Nicolas Maury, JoeyStarr, Doria Tillier, Aloïse Sauvage, Guillaume Gallienne, Yousra Mohsen, Raya Martigny, Félix Maritaud…
Bref, une A-list d’une quarantaine de personnalités à faire pâlir n’importe quel red carpet de festival et qui, à travers différentes séquences tournées dans les chambres du mythique hôtel Grand Amour à Paris (d’où le nom), réaffirme la liberté d’aimer, par-delà les désirs, les genres et les sexualités tout en abattant les tabous et les préjugés sur le VIH/sida. À la réalisation de ce coup de maître, on retrouve Nicolas Mongin et surtout Clément Guinamard, arrivé sur le projet de façon plutôt inattendue, qui signe là son tout premier film en tant que coréalisateur et scénariste. Si pour le moment son nom ne vous dit pas grand-chose, rassurez-vous, ça ne saurait tarder. “Un jour, pendant le confinement, en avril 2020, alors que j’en étais à mon 17e gâteau au chocolat, que je n’en pouvais plus, que je tournais en rond et que j’avais déjà regardé 250 films, Hélène Orjebin – une amie et collègue de longue date, qui travaille pour la boîte de prod’ Les Monstres – m’appelle, nous explique le jeune réalisateur. Je décroche et elle me dit direct : ‘j’ai un projet de dingue pour toi. AIDES vient de nous appeler. Ils veulent qu’on organise une levée de fonds pour les soutenir et on voudrait que tu sois le directeur artistique du projet’. Moi j’étais là, en pyjama… Je n’y croyais pas.” Si Hélène Orjebin et Nicolas Mongin contactent Clément, c’est justement parce qu’ils croient en son talent et en son potentiel. Et surtout parce qu’ils connaissent son travail, ses références et ses inspirations allant des écrits d’Hervé Guibert au cinéma de Christophe Honoré. “Des personnes qui ont permis que le SIDA ait aujourd’hui une place dans la culture”, reconnaît-il. 

Pantalon et Chemise en laine Louis Vuitton, Chapeau en velours côtelé Ami.

Passionné d’images, Clément est à l’origine un gars de la mode qui touche un peu à tout : stylisme, photographie, direction artistique. Originaire de Dijon, il est arrivé à Paris le bac en poche et les valises remplies d’ambition et de créativité, notamment grâce à des parents qui l’ont laissé s’exprimer et se cultiver librement depuis son plus jeune âge : du chant, de la danse, des petites vidéos maison réalisées avec ses ami.e.s lycéen.ne.s de l’époque, le tout complété par son amour de la nouvelle vague (À bout de souffle) et des années 80 (La Boum), son envie d’être scénariste et sa passion pour les comédies musicales (Jacques Demy)et la chanson française (Céline Dion, Johnny Hallyday…) ainsi que l’univers de la mode (c’est sa grand-mère maquilleuse qui lui achète, en 2004, son premier Vogue avec Kate Moss en couverture. Un choc). Après avoir été refusé en fac de ciné, Clément ne désespère pas et fait comme tous les jeunes étudiants en “hess”, des petits boulots pour joindre les deux bouts. Il devient vendeur chez AMI. C’est là qu’il peaufine sa culture du vêtement et qu’il se lie d’amitié avec le créateur de la marque, Alexandre Mattiussi, qui, au bout d’un moment, accepte de le “mettre dehors” pour qu’il “vive enfin sa vie”. Clément se lance donc en freelance pour différents médias et assiste la styliste Linda Addouane avec qui il conçoit ses premières pubs et premiers éditos mode. Un parcours qui lui permet de rejoindre, en 2018, l’équipe du magazine Please au poste de coordinateur éditorial. Un moyen pour lui de bousculer les codes de la beauté et des représentations en mettant, par exemple, en couverture une bobybuildeuse habillée en Gucci. “J’ai toujours cherché à faire incarner la mode par des gens qui ne sont pas forcément du milieu et j’adore réinterpréter les codes de la culture populaire pour le luxe, raconte-t-il. Mon rêve, ce serait de faire le come-back de Loana en Gucci. Ça ne ferait peut-être rire que quatre personnes à Paris, mais ce serait finalement revaloriser quelque chose qui a marqué notre vision de la culture populaire et qui, à l’époque, était injustement considéré comme du mauvais goût. Qu’on le veuille ou non, le ‘mauvais goût’ inspire la mode et le luxe. Comme la fois où Britney Spears avait porté son string par-dessus son jean.” Récemment, pour le magazine Lula, dont il vient d’être nommé Fashion Editor, Clément a photographié sa première série mode et a choisi une fille qui “n’était pas du tout mannequin et qui pourrait être la fille d’Adjani”. “C’est ça que j’essaie de faire dans mes projets, ajoute-t-il. Mettre en avant d’autres beautés. Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est de raconter des histoires d’une nouvelle façon, de les dépoussiérer. Que ce soit à travers le vêtement, l’écriture, la chanson, à partir d’un fait du quotidien… J’observe beaucoup ce qui se passe autour de moi quand je marche dans la rue. Je suis toujours un peu tête en l’air, à capter des choses qui vont ensuite me donner envie de développer des situations, des émotions. C’est un peu ma source d’inspiration première.”

knit vest en coton mouliné Hermès, bermuda en velours côtelé Ami, Lunettes TWENTY ONE en acétate G.O.D eyewear, Boucle d’oreille Swirl Ear Drop en polymères, chrome liquide et perle Hugo Kreit.

Raconter des histoires, les pimper, les renouveler, c’est clairement ce qui définit le mieux le travail de Clément. “Ce que j’aime, c’est prendre à contre-pied toutes les références et les incarner d’une manière différente”, explique-t-il. Logiquement, c’est aussi ce qu’il a mis en œuvre quand il est arrivé sur le projet Grand Amour. C’est lui qui, pour cette campagne de prévention, a proposé de réaliser un vrai film scénarisé avec une liste d’acteur.rice.s, chanteur.se.s et personnalités de renom, plutôt que de produire simplement des appels au don classiques. “Je voulais apporter quelque chose de plus frais, de plus inattendu et replacer les artistes au cœur de projet”, décrypte Clément. Persuadé de sa vision, il défend ses idées avec conviction et il obtient finalement le soutien de ses collaborateur.rice.s tout comme l’aide de personnalités qui comptent dans l’industrie du cinéma, tel Laurent Lafitte qui, probablement porté par la beauté du projet comme tou.te.s les autres qui se sont lancé.e.s dans l’aventure, a accepté d’être metteur en scène associé pour l’épauler ainsi que son coréalisateur Nicolas Mongin. Résultat, ce métrage, que Clément définit comme “un geste pour la culture”, est préparé en trois mois et tourné en cinq jours “alors qu’une production de ce type prend généralement deux ans”. “J’ai l’impression que, toute ma vie, toutes ces années où j’ai évolué, toute mon expérience, tous les boulots que j’ai faits et tous les projets auxquels j’ai participé étaient en quelque sorte le moodboard général de ce que je savais faire et qui m’a permis de concrétiser Grand Amour, analyse Clément, pensif. Pour moi, c’était aussi la récompense d’avoir été simplement sympa depuis toujours. Même quand j’étais juste assistant sur les shoots, j’ai toujours été celui qu’on rappelle après ; sûrement parce que je traite les gens comme il se doit. Dans ce métier, tu n’as rien sans rien. Malheureusement, je dois reconnaître que, peu importe l’investissement et le talent, tu deviens quelqu’un à partir du moment où ton nom est exposé.” Clément en a fait récemment l’expérience douce-amère quand, dès la sortie et la diffusion de Grand Amour, il a par exemple reçu des messages de soutien et de félicitations de la part d’anciens camarades de classe alors qu’à l’époque, justement, dans les couloirs du collège et du lycée, il était dénigré : “Pour moi, le harcèlement scolaire a été la pire des choses. Mon premier rapport à la différence ce sont les autres qui me l’ont violemment mis dans la gueule alors que moi je me trouvais complètement normal. Je n’avais pas encore exprimé quoi que ce soit, qu’on avait déjà affirmé pour moi très jeune que j’allais être homosexuel. On me traitait de pédé et mon corps était martyrisé par les autres parce que j’étais très mince, voire maigre. J’étais la tapette, la victime… J’ai des souvenirs ignobles où on me prenait la main et on la collait sur mon casier avec de la superglue en me disant : ‘Tiens, c’est du sperme !’”.  

Des moments d’humiliation intenses qui ont certes provoqué de gros traumatismes, mais dont Clément a réussi à opérer un retournement de stigmate. “À l’époque, des profs de langue m’ont encouragé à écrire, à prendre la parole, à m’exprimer, parce que c’était le seul moyen de survivre à toute cette violence. Le rejet que j’ai subi a aussi été ma force. C’est la raison pour laquelle je me bats, pour être accepté et ne plus être défini par des étiquettes en rapport avec mon intimité.” Cette histoire personnelle que Clément a vécue, emplie d’homophobie et de discrimination, fait étrangement écho à celle de Grand Amour dont le message, dans un cadre plus large, dénonce évidemment la sérophobie, la queerphobie et toute haine née de la différence. Un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, puisqu’il écrit actuellement l’adaptation ciné de la comédie musicale Starmania de Michel Berger, un autre conte moderne racontant les déboires et combats de personnes mises au ban de la société. “Toute la violence que j’ai subie, je l’ai finalement métamorphosée en émotion, explique Clément. S’il y a une chose à retenir de tout cela, c’est qu’il faut avoir confiance en qui on est et en ce qu’on a à raconter dans ce milieu de l’image. Car même si on a l’impression que tout a déjà été dit et montré, on peut toujours trouver un moyen d’exprimer les choses d’une nouvelle manière. Il faut être capable de tout transformer pour pouvoir se définir soi-même et pour ne plus jamais laisser personne d’autre le faire à notre place. Le plus beau conseil qu’on m’ait donné, c’est ça : ne pas laisser le regard des autres devenir la définition de soi.” Preach boy !  

Combinaison multipoche en ottoman moiré technique Dior men, Chaussures en cuir EgonLab, Collier en palladium Justine Clenquet.

Coiffure : Jacob KAJRUP @Calliste Agency. Maquillage : Khela @Call My Agent. Opérateur digital : Antoine @A-Studio. Assistant lumière : Guillaume LECHAT.