M. Vous avez parlé du Prix de l’Andam et du LVMH Prize qui vous ont aidés à développer votre marque. Que pensez-vous de l’industrie de la mode française qui, grâce à ces initiatives, permet de plus en plus à de jeunes créateur·rice·s de se lancer et de s’exprimer ?
A. V. C’est une super opportunité, c’est évident. Mais ça reste quand même très compétitif. Quand tu regardes le calendrier de la fashion week parisienne, il y a au moins une dizaine de défilés par jour. Malgré tout, on est encore dans un contexte où il faut se battre pour faire sa place. Et je crois que ça passe notamment par le fait d’avoir des idées fortes et marquantes qui, amplifiées et relayées par les réseaux sociaux, permettent de créer du désir et une véritable communauté.
S. M. Je crois que le fait d’être de jeunes créateurs indépendants nous donne aussi une liberté folle et une agilité toute particulière. On peut se permettre plus de choses et oser davantage. Comme cette fois où on avait eu l’idée de faire un défilé drive-in pendant la pandémie de COVID-19. À l’époque, on était régis par les restrictions sanitaires et la distanciation sociale. Alors, on a eu l’idée de ramener tout un tas de bagnoles au milieu de la fosse de l’Accor Arena à Bercy. C’était une véritable prise de risque, et ça a payé.
M. Comme cette fois, en 2022, où vous avez breaké internet et le milieu de la mode avec votre Spray Dress, peinte en live sur Bella Hadid nue. C’était un véritable moment de pop culture, qui vous a fait connaître dans le monde entier. Une fois la frénésie retombée, comment on perçoit et analyse tout ça ?
S. M. Honnêtement, on n’avait pas imaginé que ça aurait ce succès. On pensait même que ça ferait un énorme flop. On avait trop peur. Même le lendemain, on s’est réveillés en ne captant pas trop ce qu’il se passait. Ça a fait le tour du monde, bien au-delà des médias mode. On parlait de nous sur CNN, Forbes…
A. V. C’était un moment juste magique. On est hyper reconnaissants et heureux d’avoir pu vivre ça. Et avec Bella en plus, c’est exceptionnel. Quand je revois les images, je me dis que c’est si poétique. Un moment hors du temps qui restera gravé dans les mémoires. La vérité, c’est qu’on ne vend pas des robes en spray, donc avec ce genre de performance et de happening, on a voulu montrer que Coperni était aussi une plateforme nous permettant de nous exprimer sans contrainte, de raconter notre passion de la mode et notre attrait pour l’innovation. Avoir pu faire tout ça en même temps, c’était magnifique.
M. Vous avez ressenti une forme de pression à devoir réitérer un tel événement lors de vos défilés suivants ?
S. M. Pour le défilé de la collection automne-hiver 2023, les gens nous attendaient au tournant. C’est sûrement pour ça que certains nous ont accusés de vouloir reproduire le buzz – au détriment du vêtement, selon eux –parce qu’on avait décidé de mettre en scène des robots chiens Spot de Boston Dynamics au côté des mannequins sur le catwalk. Mais les personnes qui nous font ce type de reproches sont souvent les premières à sortir leur téléphone pendant le show pour filmer. C’est peut-être à elles de commencer par poser leur téléphone pour apprécier le moment présent et l’expérience qu’on leur offre. Je trouve que c’est une forme d’hypocrisie.
A. V. Chez Coperni, on a la chance d’avoir Sébastien qui est un mec hyper créatif, avec plein d’idées et des rêves de science-fiction. Chaque saison a sa particularité. La prochaine sera sans doute moins show-off et conçue avec une approche plus intellectuelle. On veut surtout raconter des histoires et offrir une expérience en allant là où les gens ne nous attendent pas nécessairement. Alors, oui c’est un exercice assez difficile puisqu’on doit vachement se réinventer, que ce soit dans les formes, les matières, les silhouettes, les coupes, les présentations… Mais c’est ce qu’on veut pour notre communauté. Le principal pour nous, c’est d’apporter constamment de nouvelles idées. Peu importe si elles semblent moins spectaculaires. On ne veut pas perdre cette magie-là.