Un racisme qui colle à la peau
Comme si l’extinction du léopard provoquée par la frénésie consommatrice capitaliste ne suffisait pas, ce dernier s’est souvent retrouvé impliqué dans la représentation raciste et coloniale des indigènes à qui l’on a collé volontiers les qualificatifs de sauvages et primitifs. Sans oublier de mentionner son association à la fétichisation et la sursexualisation des femmes racisées. C’est ce que relève l’épisode 24 du podcast Couture Apparente de Claire Roussel, intitulé “Peut-on sortir de la mode des représentations racistes ?”. Christelle Bakima Poundza, autrice de “Corps Noirs” (éd. Les Insolent·e·s), y intervient pour dresser un parallèle flagrant entre imprimé félin et misogynoir. “Si l’on prend le cas spécifique des mannequins, il y a un vrai continuum dans la représentation raciste des femmes noires dans la société française, dans les médias, au cinéma, et dans la mode”, explique-t-elle. Avant d’ajouter : “Cela consiste à cantonner les femmes noires à des rôles très spécifiques (incarnation d’une allégorie d’une panthère, d’un félin). Sur des séances photo ou des défilés, elles porteraient, comme par hasard, des imprimés d’animaux. (…)
L’idée n’est pas de dire qu’il ne faut pas faire porter des imprimés animaliers à des femmes noires parce que c’est raciste, la question est : pourquoi dans la grande majorité des cas, ces types d’imprimés sont portées par des femmes noires ?”. Parmi les figures de fiction populaires qui ont renforcé ce stigmate dans l’imaginaire collectif, le personnage de Tarzan ou encore, souvenez-vous, la petite mascotte des biscuits Bamboula dans les années 90, représentant un petit garçon africain vêtu d’une peau de léopard. Un véritable phénomène de mode, puisqu’il sera décliné en magazine, figurines ou porte-clés… L’histoire aurait pu s’arrêter là si l’équipe marketing de la marque n’avait pas eu la nauséabonde idée d’inaugurer il y a seulement 30 ans, en 1994, un parc à thème du même nom à Port-Saint-Père (Loire-Atlantique), où une vingtaine d’Ivoiriens (hommes, femmes, enfants) y étaient parqués comme des animaux dans un zoo et vêtus, on vous le donne dans le mille, de fausses peaux de léopard. Un histoire complètement WTF qui d’ailleurs fait l’objet du documentaire ahurissant sorti en 2022 “Le village de Bamboula” de Yoann de Montgrand et François Tchernia (France 3 Pays de la Loire) et raconté par l’acteur Jean-Pascal Zadi. Mais cela n’est qu’un infime détail comparé au fait que ces “employé·e·s” vivaient dans le dénuement le plus total, qu’on leur avait confisqué leur passeport, que des femmes étaient forcées à danser seins nus…