Pour son défilé homme automne-hiver 2023/24, la maison française Celine a squatté le Palace, cet ancien antre parisien de la fête et de la débauche. L’occasion pour Hedi Slimane de se taper une bonne petite nostalgie bien marquée entre mode, musique et décadence rock.

Alors qu’on a tou·te·s plus ou moins repris nos habitudes depuis qu’on a appris à vivre main dans la main avec Miss Rona, certain·e·s continuent de faire bande à part. C’est par exemple le cas de Celine. Car, si la plupart des grandes marques redéfilent depuis un moment de façon physique, la maison française dirigée par Hedi Slimane a mis du temps avant de les rejoindre. D’abord concentrée sur des formats “défilmés“ (poke Loïc Prigent et Isabel Marant), Celine est enfin revenue sur le catwalk mais hors calendrier officiel, sinon c’est moins drôle. La vérité, la stratégie on la connaît : littéralement jouer les outsiders et s’affranchir du planning mode, c’est s’assurer de s’approprier un temps mort du monde de la sape afin de briller plus que les autres et d’avoir les yeux rivés sur soi ; et ce sans être en compétition avec 10 autres marques passées en mode attention whore le temps d’une journée pendant la fashion week.

Opening look, Celine menswear FW23/24.

Résultat, Celine a choisi de défiler ce vendredi 10 février pour présenter ce qu’elle sait faire de mieux : une collection homme typique de l’identité de la marque développée par Hedi Slimane depuis qu’il a été embauché par LVMH pour s’en occuper. À savoir une ode à la culture rock bourgeoise, dévergondée et pseudo-rebelle. En témoignent les silhouettes des mannequins à l’allure OSEF et nonchalante composées de pantalons en cuir acérés, de cardigans déboutonnés, de cols lavallières à moitié défaits, de cravates fines, de manteaux de pimp en fourrure, de vestes en shearling imprimé léopard ou tigre, de blousons de motard cloutés, d’abondance de paillettes, de lunettes de soleil noires et de coupes mulet. En gros, avec ce nouveau défilé masculin automne-hiver 2023-2024, le créateur est parti à la recherche d’une certaine effervescence perdue propre à la culture rock des années 2000. Cette période révolue où la plèbe parisienne écoutait Franz Ferdinand, The Kills, The Libertines ou BB Brunes avant d’aller se la coller au Baron, au Paris Paris ou au Montana #nostalgie.

Le concept de présentation de cette collection aurait pu s’arrêter là et on aurait eu ce qu’on attendait de Celine. Mais cette saison, il y a eu deux petits bonus : un premier nommé Suicide, groupe de rock électronique qui a composé une bande-son exclusive pour le show. Et un deuxième nommé Le Palace. Car c’est bien dans cet ancien équivalent parisien du Studio 54 que Celine a choisi de défiler. Et ça n’est pas hasard (vous vous en doutez) quand on sait qu’Hedi Slimane y a fêté son cinquantième anniversaire surprise en 2018 et qu’il avait déjà l’habitude, dès l’âge de 16 ans, de faire le mur pour aller s’encanailler dans ce haut lieu de la fête, de la musique, de la mode et de la décadence des années 80. Comment était donc ce jeune Hedi fêtard à l’époque, lui qui aujourd’hui reste si discret et si low key au sein de l’industrie ? What happens in Palace stays in Palace, comme dirait l’autre. Ce qui est certain en revanche, c’est que pendant l’âge d’or de ce club à la renommée internationale, les célébrités et habitué·e·s du lieu en ont vu passer des lignes. Mais c’est sans doute l’une des rares fois où une foule d’invité·e·s s’y est rendue pour y découvrir une ligne… de vêtements.

Jane Birkin, Étienne Daho et Catherine Deneuve en front row du défilé Celine menswear FW23/24.

Parmi elleux, on a d’ailleurs pu apercevoir une assemblée de “jeunes gens cools” qui animent la nuit parisienne (apprenti·e·s acteur·rice·s, mannequins, musicien·ne·s, auteur·rice·s), la clique germanopratine classique de Celine (Chiara Mastroianni et sa mère, Pete Doherty et son chien, Mathieu Kassovitz et son enfant, Benjamin Biolay, Jane Birkin, Etienne Daho, le duo Justice…). Sans oublier d’autres sphères comme celle du rock UK et US avec Lime Garden et Jack White, du hip-hop français et américain avec Gazo et Wiz Khalifa ou de la K-pop avec Lisa du groupe Black Pink. Soit une certaine idée de la diversité qu’on a eu malgré tout du mal à retrouver sur le catwalk. En effet, sur 61 looks présentés et portés par des mannequins à l’allure twink — maigres, imberbes et émacié·e·s —, on n’a compté que 6 models noir·e·s (dont trois light skins). Et ça, c’est pas très rock and roll.