Après les différents scandales qui ont entaché la maison la saison passée, Balenciaga continue de jouer la carte du low key avec un défilé resort 2024 en version digitale, sans invité·e·s et sans artifices. Retour sur une collection qui revient à l’essentiel tout en prônant un regain d’intérêt pour la notion de quotidien.

L’année dernière à la même période, Balenciaga présentait en grande pompe son défilé resort 2023 au sein de la bourse de New York à Wall Street, entre promotion du capitalisme financier et initiation au kink. Une certaine idée de l’opulence et de l’excès qui semble aujourd’hui avoir totalement disparu du moodboard de la marque. Scandale oblige : depuis les Balenciaga-gate de l’automne 2022 (Kanye West, la campagne pour enfants avec des oursons en peluche tout droit sorti d’une soirée BDSM…), la maison dirigée par Demna s’est faite (très) discrète avant de revenir avec un défilé automne-hiver 2023 tout en sobriété. Sans décor, ce dernier revenait à l’essentiel de la marque en se concentrant uniquement sur les vêtements et les silhouettes, histoire de confirmer un mea-culpa et de signifier qu’on peut enfin passer à autre chose.

Un positionnement toujours d’actualité pour cette nouvelle collection resort 2024 que Demna a choisi de baptiser Capital B (B pour Balenciaga, obviously). Pour les vrai·e·s fans de pop culture et membres de la Beyhive, le terme “Capital B” n’est pas sans rappeler l’une des fameuses punchlines de Beyoncé dans son titre “Bow Down / I Been On“ sorti par surprise sur Soundcloud il y a tout juste 10 ans et dans lequel elle s’exclamait : “The capital B means I’m ‘Bout that life”. Comprenez littéralement : “Le B majuscule signifie que je suis de cette vie”. Selon Urban Dictionnary “To be about that life” signifie “vivre d’une certaine façon” mais aussi ”être en harmonie et en paix avec soi-même et son environnement” ainsi que “se foutre de ce que les autres disent et pensent”. Soit un statement qui sied parfaitement à la mentalité de Balenciaga depuis que Demna a mis le grappin dessus.

Cela dit, “The capital B means I’m ‘Bout that life”, c’est aussi et surtout une façon de célébrer la vie (parisienne) dans ce qu’elle a de plus simple, voire de plus banal. Et c’est exactement ce que Balenciaga nous a montré dans ce défilé digital. À peine la vidéo commencée, on entend en fond une version piano acoustique de “Sous le ciel de Paris” d’Édith Piaf. Une chanson sur laquelle on peut voir défiler toute une série de personnes qui vivent leur vie en entrant et sortant du siège historique de Balenciaga situé au numéro 10 de l’avenue George V à Paris , ou qui passent simplement devant l’édifice en vacant à leurs occupations : des adolescents, un livreur à moto, un jeune qui oublie ses clés, un autre qui checke son téléphone, une fille qui se protège de la pluie avec son parapluie, une autre qui commande un taxi, un dog-sitter qui promène les chiens de la bourgeoisie du quartier, un skateur lambda qui dévale le caniveau ou encore une vieille dame qui rentre du marché avec son caddy de course.

Ici, tous et toutes sont vêtu·e·s des classiques de la garde-robe Balenciaga : costumes surdimensionnés, manteaux trapézoïdaux enveloppants, trenchs gonflés, sweats à capuche, ensembles noirs formels, denim, cuirs de moto ou pantalons de survêtement. En somme, une vision du quotidien version Balenciaga avec un message clair : finies l’opulence, la surenchère et la provocation. Il est temps de revenir à des choses simples. Car la mode, c’est surtout la rue. Une obsession qu’a fait sienne Balenciaga version Demna, lui qui aime tant regarder non sans ironie la façon dont les gens s’habillent et se comportent dans l’espace public selon leur profession et/ou leur statut social. Dans une époque post-pandémie où la mode et le luxe ont fait machine arrière en faisant la promotion d’une certaine idée de l’exubérance et de l’abondance alors que le monde s’empêtre dans les crises sociales et écologiques, montrer la simplicité et la sobriété de notre quotidien a quelque chose de rafraîchissant auquel on peut parfaitement s’identifier. On en serait presque à vouloir profiter à fond du moment présent et à vivre simplement sans artifice, pour enfin envoyer tout valdinguer en suivant à la lettre les vers de Pierre de Ronsard dans son ouvrage ‘Sonnets pour Hélène’, écrit en 1578 : “Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie”.