Mixte. Tu l’as mis où, ton César ?
Ella Rumpf. Il est chez mon oncle et ma tante, à Paris. Comme je bouge beaucoup, c’est plus pratique. C’est un bel objet, un César, mais c’est encombrant aussi ! Dans tous les sens du terme. Je crois que le voir tous les jours me mettrait trop la pression. Je préfère le visiter. Mais j’en suis fière, hein ! Surtout que je n’y croyais absolument pas.
M. C’est impressionnant comme ta carrière est vite devenue internationale. La Suisse, c’était trop petit ?
E. R. Parler de nationalité me met très mal à l’aise. Moi, je veux pouvoir vadrouiller partout. Évidemment, on naît quelque part, on a une langue, un passeport… Mais c’est à peu près tout. Tu vas trouver ça naïf, mais je rêve d’un monde où il n’y aurait plus de frontières. Pourtant, je dis ça en sachant à quel point je suis privilégiée. C’est drôle car en France, on me parle de la Suisse, et en Suisse, on me considère comme française ! Moi je me sens très européenne. Je fais partie d’une génération qui a eu la chance de pouvoir bouger plus librement au sein de l’Europe. J’ai fait des études d’art dramatique à Londres, j’ai vécu à Berlin… Je vois la Suisse comme un port où je reviens, où je défais des valises pour en refaire de nouvelles. Ceci dit, je me sens de plus en plus chez moi à Paris.
M. Tu joues en allemand, en anglais, en français. Pour Sympathie pour le diable, le film de Guillaume de Fontenay, tu t’es même mise au serbo-croate. Est-ce qu’on joue de la même manière dans toutes les langues ?
E. R. Je me pose beaucoup cette question en ce moment. Il y a des différences de jeu d’une langue à l’autre. Le jeu allemand est très marqué par les écoles de théâtre d’État. Il y a une forte influence du jeu brechtien, où l’on n’aime pas aller dans l’émotion ou l’intimité. On y voit une forme de manipulation. Pour les Allemands, la priorité c’est de faire comprendre la forme et le texte de la pièce. En France, l’acteur veut émuler la vraie vie. C’est un jeu plus naturaliste. Je crois que je cherche une voie médiane entre ces deux approches.
M. À ce propos, le thème de notre numéro est “State of nature”. Que t’évoque cette notion ?
E. R. J’ai googlé ce que c’était que l’”état de nature”. C’est un terme qui évoque le monde avant que nos sociétés soient organisées, avant les lois… C’est une notion intéressante, mais ambivalente. Ça m’évoque tout autant le règne de la beauté que la loi de la jungle où le·la plus fort·e gagne.