Exposé en ce moment à la Loft Art Gallery à Casablanca, le photographe maroco-belge Mous Lamrabat capture des images de mode teintées d’ironie pour mieux dénoncer la société de consommation dans des paysages naturels (très) souvent à couper le souffle.

Depuis sa première exposition, « Mousganistan » au Musée Stedelijke à Saint-Nicolas en Belgique en février 2019, les photographies de Mous Lamrabat ont fait le tour du monde. Que ce soit les marques de prêt-à-porter ou les publications comme Stylist France, Naatal, Tush magazine, etc. personne n’est passé à côté du talent de ce jeune photographe autodidacte maroco-belge qui était pourtant parti pour devenir architecte d’intérieur. Il aura fallu que le « mektoub » (le destin de l’homme fixé par la volonté divine dans la culture arabe et musulmane, ndlr) passe par là et mette Mous sur la route du travail de l’artiste JR. C’est après avoir vu son reportage en 2004 « 28 Millimètres : Portrait d’une génération », qu’il s’intéresse de près à la photographie. « J’ai tellement aimé ce projet que j’ai acheté un appareil photo dès le lendemain », explique-t-il. S’il fait d’abord ses armes comme photographe de mode, Mous se fait une nouvelle fois vite rattraper par le mektoub – et surement également sous l’impulsion de son regard engagé sur le monde – et développe un style propre à lui, entre photo de mode et photo d’art avec des clichés de silhouettes pris dans les paysages naturels sublimes du Maroc. « J’essaye, à travers ma photographie, d’extraire des émotions profondément ancrées en chacun de nous. »

Le style de Mous est désormais reconnaissable par tous pour son audace à mélanger, toujours avec humour, les codes du luxe avec des vêtements traditionnels marocains et des symboles liés à la pop culture. Cela donne lieu à des images décalées, souvent drôles, révélatrices d’une identité plurielle, comme, par exemple, celle d’une femme en niqab reprenant la pose « Break the internet » de Kim Kardashian avec une théière de thé à la menthe en guise de bouteille de champagne. « J’utilise le vêtement traditionnel comme quelque chose de tendance, mais pas seulement. Selon moi, une djellaba blanche va au-delà de la mode. Au Maroc, c’est un uniforme. Qu’on le veuille ou non, les vêtements en disent beaucoup sur une personne, mais le port d’une djellaba supprime tout particularisme. Ce type de vêtements gomme le statut social, on en sait pas si la personne qui le porte préfère le hip-hop ou la musique chaâbi (musique populaire au Maroc). C’est comme une toile blanche. Avec le vêtement traditionnel, on supprime tous les préjugés. » Avec ses images, Mous Lamrabat entend rassembler les gens, dans une société actuelle où on tend plutôt à les diviser. Si celles-ci ont parfois heurté les sensibilités (Vogue Italia s’était fait lyncher sur le Gram après avoir partagé une de ses images en 2019), Mous n’arrête pas pour autant de brouiller les pistes pour mieux nous confronter à ce que nous sommes, en tant qu’humains du 3ème millénaire : des êtres de culture tiraillés entre tradition et modernité, broyés par une société de consommation dont l’essor nous a échappé à un moment donné.

Le fait que les clichés de Mous respirent autant l’authenticité tient surement au fait qu’il fasse appel aussi bien à des jeunes modèles, comme Athiec Chol, qu’à des modèles non-professionnels, qui ont tout autant des traits particuliers. « Je travaille avec des stylistes parce que, de cette manière, je peux renforcer et partager ma vision avec d’autres esprits créatifs. Je travaille beaucoup avec ma petite amie, Lisa Lapauw, qui est styliste, et avec sa recherche créative de mon ADN en tant que photographe, commencée il y a un moment. » Enfin, au delà de dénoncer les travers de la société de consommation, le travail de Mous a également vocation à porter haut et fort les couleurs du Maroc sur la scène artistique internationale. « Je veux inscrire le Maroc sur la carte de l’art parce que je pense sincèrement que le futur de ce pays est prometteur dans ce domaine, tout comme celui de l’Afrique en général. », dit-il, avant de renchérir « aussi longtemps que mon travail voyagera, le Maroc et son drapeau aussi… »
Le travail de Mous Lamrabat est à découvrir à la galerie Loft Art, à Casablanca et sur son compte Instagram.