TORISHÉJU DUMI
Originaire du Brésil et du Nigeria, la créatrice britannique propose une mode poétique et politique qui tend à donner une visibilité nouvelle aux femmes noires. “Fire on mountain”, sa première collection qui joue avec les tropes du costume, a été présentée en septembre dernier à paris lors d’un show ouvert par Naomi Campbell.
“Le monde est devenu atroce, effrayant… Parfois, j’ai l’impression qu’il est terriblement égoïste de se consacrer à la création. Je tombe dans le silence, je ne sais plus comment répondre à tout ce qui se passe. Pourtant, il faut agir et pour moi, agir c’est tenter de construire des rêves. Ma première collection, présentée à Paris, était une introduction en douceur dans mon univers. Le vêtement, la musique, l’atmosphère : j’ai imaginé le tout comme l’ouverture d’un film qui présente le décor, mais ne dit rien de plus. Le suspense demeure, le public est désorienté, se pose des questions et à envie de découvrir la suite. Le cinéma m’a fait aimer la mode. J’adore revoir des vieux films et me concentrer sur les costumes, la musique et le craftsmanship de l’image. Le Cinquième Élément, Moulin Rouge… Finalement, la mode ce n’est pas que des vêtements. C’est aussi des histoires, des paysages pleins de vie qui permettent à chacun·e de se projeter librement. En tant que femme britannique noire, j’ai sans cesse l’impression que les gens ont des attentes et des préjugés sur moi. Ils ne regardent pas mon travail de façon neutre. Quand ils me voient, ils voient évidemment ma couleur de peau et tous les stéréotypes qui y sont liés. Il m’est déjà arrivé de discuter avec des personnes persuadées que ce n’était pas moi qui avais créé mes pièces… Heureusement, je suis soutenue et bien entourée. J’ai des liens très forts avec ma famille, mes ami·e·s ainsi que mon entourage professionnel. Cela fait une énorme différence. C’est ce qui m’autorise encore à rêver et c’est d’autant plus précieux que parfois, c’est la seule chose qui nous reste. Rêver, c’est espérer. Je ne suis ni docteure, ni avocate : tout ce que je peux faire, c’est prendre soin de ce qu’il reste du monde en m’engageant dans une mode durable.”