Une fois la masterclass terminée, nous retrouvons en tête à tête le maestro Gaultier afin de le questionner sur cette filiation, lui qui, après avoir quitté les podiums en 2020, invite chaque année un couturier qu’il sélectionne personnellement afin de créer une collection Gaultier haute couture. Simone Rocha, Olivier Rousteing ou Glenn Martens se sont déjà prêté·e·s à l’exercice, tandis que la prochaine cuvée sera confiée à Nicolas Di Felice : “Je n’interviens jamais lors de leur processus créatif. J’aurais adoré travailler pour Saint Laurent, mais si j’avais eu M. Saint Laurent derrière moi en train de me donner ne serait-ce qu’un conseil, je l’aurais suivi sans hésiter, au détriment de mon propre processus créatif. Je préfère tout miser sur l’émotion naturelle”. Et aussi un peu sur la provocation ? “Je vais vous dire franchement, lorsque j’ai fait des choses qui étaient provocantes, je ne les ai pas faites pour être provoquant, j’exprimais juste une autre vision des choses, nous précise le couturier. Ce n’est pas un truc abstrait, une invention, ou choquer pour vouloir choquer. La provocation, lorsqu’elle est gratuite, ne prend pas. Elle doit toujours correspondre à un mouvement de pensée”.
Lui qui a fait les 400 coups avec toute la clique du Palace se serait-il assagi ? “Comme vous pouvez le voir : j’ai quand même vieilli, donc il est évident qu’on voit les choses peut-être un peu différemment en prenant de l’âge. On devient un peu moins rebelle à vouloir dépoussiérer tel et tel sujet. Peut-être que l’on s’habitue, ou que l’on s’est adouci…”. En revanche, la chose pour laquelle il ne s’adoucira jamais, c’est son engagement pour défendre une cause qui lui tient à cœur, en l’occurrence celle de la recherche contre le Sida, notamment au travers de sa participation accrue à l’événement Fashion for Sidaction. Alors lorsqu’on lui fait remarquer qu’il est une des dernières personnalités publiques à constamment arborer, comme aujourd’hui, un pin’s en forme de ruban rouge, le regard du couturier devient plus franc, comme si la pseudo frivolité de nos questions précédentes restait suspendue le temps d’un instant : “C’est une cause qui est très importante et qui continue de l’être. C’est plus que nécessaire”.