F. M. Une fois, je me suis retrouvé sur un plateau télé avec Vincent Cassel. Il disait : “J’ai appris à moins donner mais à être toujours aussi intense.” Je l’ai un peu envoyé chier. Moi j’aime perdre pied quand je joue. Du coup, dès que je ne suis plus en tournage, la question qui revient, c’est : “Est-ce que je suis vraiment quelque chose ?” Car à partir du moment où tu commences à générer tes propres sentiments sur un plateau, les émotions de la vie courante te paraissent très fades. Par exemple, je réfléchis beaucoup en ce moment sur l’amour : quand je joue l’amoureux, je le suis vraiment, mais dans la vie, j’ai l’impression que je ne connaîtrai plus jamais une telle intensité. On a tout le temps l’impression que les acteurs ont un ego surdimensionné. Au contraire, mon réalisme d’acteur c’est justement d’avoir totalement annihilé mon ego pour laisser place à toutes les possibilités de personnages. J’ai vu des vidéos dans lesquelles Marguerite Duras parle très bien de l’identité des acteurs comme quelque chose d’évanescent.
M. Vous lisez Duras ?
F. M. Non, je ne l’ai jamais lue. Mais j’ai décidé de le faire, je viens de sortir un de ses livres de ma bibliothèque. La Vie matérielle. Je lis très peu, parce que la lecture me provoque une excitation sexuelle incroyable. Les mots sont formés les uns à côté des autres par des espaces et je trouve ça trop excitant.
M. Vous avez été présélectionné pour les César. Qui est votre parrain ou votre marraine de cœur ?
F. M. Béatrice Dalle ! Elle est comme ma mère. Avec mon meilleur ami, Damien Moulierac – le meilleur céramiste de Paris à mes yeux –, on était fans de Béatrice Dalle. Il y a quatre ans, on a même cherché son adresse juste pour la voir passer. Un jour, je l’ai aperçue au Progrès, rue de Bretagne, dans le 3e, et je me suis assis à côté d’elle. Je lui ai dit : “Je t’adore. Et on a un point commun, on a tous les deux tourné avec Yann Gonzalez.” Je sortais juste du tournage d’Un couteau dans le cœur. Et puis, il y a un an, on a scellé notre relation. Avec Damien, on était allés à Bourges pour la voir sur scène lire du Pasolini avec Virginie Despentes, sur une musique un peu perchée de Zëro. Le lendemain, il y avait une grève de trains. On a été bloqués pendant quatre heures à Vierzon. Avec Béatrice, on est allés dans un café en face de la gare. Des mecs qui sortaient de taule sont venus la voir. Elle attire tous les bras cassés du monde et elle les accueille. Avec elle, ils se sentent respectés pour eux-mêmes, pas par charité.