C’est l’histoire d’une ado américaine lambda qui, pour s’acheter une créd’, va fouiller dans les souvenirs de sa mère punk féministe rangée des pogos, et en sort tout l’attirail de la rébellion : à coups de paroles braillées par les Bikini Kill, de perfecto dépoussiéré et de fanzine féministe, notre ado va dire un gros “fuck” au patriarcat et à son bahut qui dictent ses règles consensuelles dans une logique du “pas de vague”. Bien que dispensable, le film Moxie sorti en 2021 sur Netflix et réalisé par Amy Poehler a rappelé à notre bon souvenir l’existence du fanzine, ce petit magazine perfusé au Do It Yourself. Si, dans l’imaginaire collectif, le fanzine est relégué à la simple passion d’une poignée d’introverti·e·s ascendant·e·s nolife, cette publication papier anti-normative attise toujours autant la curiosité. Exposé récemment au musée des Arts décoratifs de Paris dans le cadre de l’expo Années 80, mode, design et graphisme en France, le fanzine se retrouve aussi au cœur de l’excellent documentaire Fanzinat, passion et histoires des fanzines en France, sorti en octobre dernier. Célébré lors d’événements comme le Fanzine ! Festival et la Paris Ass Book Fair qui se tiennent en juin respectivement à Montreuil et Paris – sans oublier le Prix de la bande dessinée alternative remis au Festival d’Angoulême qui récompense un fanzine depuis 1982 –, l’objet en question est aussi devenu l’outil de com’ alternatif privilégié des marques de mode : JW Anderson avec JWA Zine en 2009-2011, Kenzo avec un folio paru en 2017, la marque Heaven de Marc Jacobs avec Kiko in Heaven, publication consacrée à la mannequin muse Kiko Mizuhara, ou encore Bottega Veneta et son tout récent “Katezine” consacrée à Kate Moss.
Un engouement tel que la nouvelle presse magazine spécialisée et engagée n’hésite pas à afficher le qualificatif de “fanzine” dans sa baseline (le trimestriel écolo Climax, le fanzine des pasionné·e·s de nature Les Others) pendant qu’en parallèle les récentes publications féministes indépendantes comme Gaze, La Déferlante et Censored s’inscrivent en dignes héritières des fanzines de la mouvance Riot Grrrl. Même la musique a été piquée, avec la sortie l’été dernier d’un fanzine érotique créé par le chanteur Sébastien Delage pour la sortie de son single “La chanson de baise”, ou avec l’édition la même année du Harry’s House Zine par le chanteur Harry Styles pour la sortie de son troisième album. Une stratégie rappelant celle de Frank Ocean qui, en 2016, accompagnait son deuxième album Blonde d’un fanzine intitulé Boys Don’t Cry. À l’heure du tout numérique et de la mort annoncée de l’objet culturel tangible, qui aurait cru qu’un bout de papier pourrait déchaîner autant les passions ? Dans ce joyeux bordel d’idées éditoriales et graphiques, le fanzine n’a pas perdu de son intérêt ni de son influence, et a encore beaucoup de choses à nous dire (qui ne se disent pas en DM ou avec juste un SMS (poke Aya).