M. Tu as commencé assez jeune. Quand tu revois des images de ton début de carrière, par exemple dans LOL, en quoi te dis-tu que tu as changé ?
F. M. L’angoisse est apparue. Quand j’étais jeune acteur, je n’avais pas du tout le trac. Aujourd’hui, énormément. La veille des tournages, j’ai toujours des sensations de vide qui me prennent, l’impression de n’avoir aucun savoir, aucune science de mon métier. Alors qu’on a quand même, avec le temps, accumulé des choses, des trucs, des idées sur tout ça. Mais soudain, ça disparaît.
M. Le film a été un très grand succès à son époque et vu les débuts de plusieurs personnes comme toi, Christa Théret, Pierre Niney dans un petit rôle… Est-ce qu’il y a une génération LOL ?
F. M. Je ne sais pas. C’est un film dont on me parle encore aujourd’hui, j’ai réalisé très tardivement qu’il y avait un petit culte autour. À l’époque, je ne me rendais compte de rien. Les autres non plus d’ailleurs. C’était une sorte de colo, on était dispensés d’école. Beaucoup d’entre nous n’imaginions pas prolonger l’expérience au-delà. J’étudiais la littérature et la philosophie, j’étais en hypokhâgne, je n’envisageais pas une carrière d’acteur. Mais des relations se sont nouées, qui ont subsisté. Louis Sommer, qui jouait mon pote Mehdi, est toujours un de mes meilleurs amis. Et puis c’est aussi pour moi le début de la célébrité, donc un changement de vie.
M. Préférerais-tu ne pas être célèbre ?
F. M. J’adore qu’on me reconnaisse. Je ne vis pas du tout mal la notoriété. Je peux me le permettre parce que celle-ci n’est justement pas démesurée. Je ne suis pas un footballeur ou un chanteur, ou Dany Boon qui a dû déménager en Angleterre pour pouvoir sortir dans la rue. Je n’ai pas à me priver de fréquenter tel ou tel lieu. Mais il y a toujours un regard sur moi, donc c’est dans un coin de ma tête. Et ça forme une espèce d’injonction à être d’une certaine manière, à se tenir. Ce n’est pas rien.
M. Tu sors cet automne Mikado de Baya Kasmi. Celle-ci forme avec Michel Leclerc un couple de cinéastes et scénaristes avec lequel tu as tourné quatre films, ta collaboration la plus fidèle. Que représente ce duo pour toi ?
F. M. Une double reconnaissance, à la fois artistique et personnelle. Je les considère et les admire immensément en tant que cinéastes, et je leur dois également beaucoup en tant qu’homme, car ils m’ont appris sur moi-même. Michel Leclerc a été le premier à m’offrir un premier rôle, qui plus est dans un film assez sérieux, Télé Gaucho : à l’époque, c’était un vrai pari et je ne l’en remercierai jamais assez. J’ai en commun avec lui et avec elle une culture politique bien sûr, une langue aussi, assez méditerranéenne. Il·elle·s n’ont pas leur pareil pour capter dans leur art les remous de la société, avec toujours beaucoup d’humour et de panache. Mikado marque pour Baya une mise en danger, un changement de cap vers le mélodrame.