Pauline Dujancourt, directrice artistique et fondatrice de la marque éponyme
Demi-finaliste du prix LVMH 2024, passée par Duperré et Central Saint Martins, la créatrice française tisse des récits intimes à travers des créations mêlant fils ultra-fins, rubans en organza et ruchés délicats. Inspirée par des techniques artisanales entre France, Royaume-Uni et Pérou, sa mode texturée rend hommage, sans les hiérarchiser, à une pluralité de savoir-faire.
“Vivre à Londres ces dix dernières années m’a ouvert les yeux sur la force de l’originalité. Les Anglais·es assument pleinement qui il·elle·s sont, sans excuses. S’habiller devient une fête : il·elle·s ne cherchent pas à plaire aux autres, mais à eux·elles-mêmes avant tout. Dans ce sens, la mode est bien l’incarnation de quelque chose de ludique et de léger propre à l’enfance. D’ailleurs, si je devais conseiller mon moi enfant, je lui dirais de ne pas craindre son hypersensibilité ni son empathie, même si elles peuvent sembler envahissantes. J’aimerais qu’elle sache que se sentir différente n’est ni une faiblesse ni quelque chose de négatif. J’aimerais qu’elle écrive ses rêves et se perde dans ses dessins, car c’est là que tout commence. Qu’elle ose s’exprimer plus librement, qu’elle assume son amour pour les oiseaux, son côté onirique et un peu décalé. Ces singularités sont les racines de ce que je suis devenue, à la fois humainement et dans mon travail. Être soi-même est une force, pas quelque chose à lisser pour entrer dans un moule. Mais en tant que jeune marque, on se heurte forcément à la réalité de la société et de l’entreprise. Il y a tellement de facteurs à considérer : la production, la logistique, les prix, les financements, les ventes… On veut rester fidèle à sa vision, créer des pièces artisanales, complexes et très travaillées, mais il faut pouvoir les produire, les livrer à temps, respecter les prix, répondre aux attentes des acheteur·se·s, de la presse, des consommateur·rice·s, tout en réussissant à faire grandir la marque. Parfois, tout cela devient lourd, et le côté ludique semble bien loin. Dans ces moments de doute, je me reconnecte à ce qui me fait plaisir : dessiner une nouvelle collection sans penser à la logistique, rêver, expérimenter de nouvelles techniques, m’étonner moi-même. Ces instants magiques de recherche sont essentiels. Sinon, à quoi bon ?”