En décembre de la même année, la maison choisit le désert du Sahara pour présenter sa collection printemps-été 2021. Des dunes à perte de vue, un ciel paisible sur lequel se détachent des silhouettes perchées sur des talons vertigineux. Ce défilé, plutôt que de présenter du nouveau, réactive les grands succès de la maison créés entre l’automne 1968 et le printemps 1971 : saharienne, jumpsuit, trench de vinyle, blouse de cigaline, etc. La quintessence créative d’Yves Saint Laurent est déplacée dans un désert qui joue évidemment un rôle capital. En lien avec le communiqué de presse, il incarne le lieu de la renaissance et d’une nouvelle temporalité. Et finalement, c’est assez logique. Quoi de mieux que le désert, achronie par excellence, pour faire table rase et écrire un nouveau chapitre ? Mais ne nous méprenons pas. Comme l’a très bien montré Catherine Delmas dans son texte “Soif de déserts : découverte ou désir d’Orient ?”, publié au sein de Rêver d’Orient, connaître l’Orient (sous la direction d’Isabelle Gadoin et Marie-Élise Palmier-Chatelain, ENS Éditions, 2008), le désert, a priori vide et hostile, n’est pas un espace neutre. Revenir à la nature la plus inhospitalière pour partir à l’aventure s’inscrit directement dans le continuum historique du mouvement orientaliste, lié à l’expansion coloniale. Dans un monde globalisé, les espaces naturels sont les derniers remparts où cette nature s’exprime et c’est en ça que la chose est infiniment politique. Alors, pourquoi le désert est-il si important dans la mode pour impulser une nouvelle dynamique créative ?