Chanel Haute Couture AH 24-25

Du 24 au 27 juin 2024 a eu lieu la semaine de la Haute-Couture automne-hiver 2024-2025 à Paris. L’occasion d’admirer les tenus géométriques de Viktor&Rolf, le vestiaire work-in-progress de Thom Browne mais aussi les silhouettes solaires et festives de chez Giorgio Armani et Alexis Mabille ou celles plus dramatiques de chez Chanel et Robert Wun. Bref, tout était réuni pour faire de la capitale, un sacré terrain de jeu. Allez, coup de sifflet. Prêt, feu. Show.

1. LIBERTÉ CHÉRIE chez Schiaparelli et Viktor&Rolf

Schiaparelli
Atterrissage en douceur pour Schiaparelli qui ouvre le bal de cette nouvelle semaine de couture. Pour l’occasion, la maison déploie ses ailes sur l’hôtel Salomon de Rothschild, avec une première silhouette en trompe l’œil, faites de plumes chromées en 3D, enserrant la taille d’une mannequin. S’ensuit un bestiaire que le directeur artistique Daniel Roseberry définit comme “surréaliste et hyper sensuel” avec des robes méduses, à motif zèbre, bourrées d’épines ou reprenant les antennes d’un scarabée. Un safari créatif placé sous le signe du phœnix et de la renaissance, tous deux chers à Elsa Schiaparelli, pour qui la femme est insaisissable d’audace et se transforme sans cesse. Comme pour mieux défendre bec et ongles, sa liberté.

Viktor&Rolf
Puis, quelques heures plus tard, Viktor & Rolf nous offrent un show en avance sur l’avant-gardisme. S’inspirant de leur précédente collection Atomic Bomb, on s’amuse des silhouettes gonflées à bloc voire carrément sous stéroïdes, avec des pièces délicieusement absurdes, à la géométrie mutante, faites d’imprimés lignes de fuites et d’illusions d’optique. Volontairement libre et exploratoire, cette présentation est le consensus parfait entre un tableau de Picasso et un jeu aux formes géométriques pour enfants. Sauf qu’ici, le triangle se met dans le rond et le rond, dans le carré.

2. SORTIR DU MOULE chez Balenciaga & Imane Ayissi

Balenciaga
Côté Balenciaga, on tient un sacré numéro. Composée de 39 passages à la fois hybrides et décontractés, l’expérimentation des matières si chères à Cristobal Balenciaga est à son paroxysme. Traitements de vieillissement raffinés, trompes l’œil peints à la main ou couche d’aluminium sur cuir, tout est fait pour troubler le regard. Et on ne parle même pas de la chapellerie extravagante mi-soucoupe volante mi-abat-jour ou encore des masques papillons, combo parfait pour battre longuement des cils.

Imane Ayissi
Qu’elle soit brute ou plutôt travaillée, chez Imane Ayissi, premier créateur de mode Camerounais à figurer sur la liste de la Fashion Week Haute Couture de Paris, tout est une question de matière. À l’occasion de ce nouveau défilé, il invoque le lin, la faille de soie mais aussi le raphia et l’obom que l’on retrouve tour à tour sur une robe bogolan, un ensemble vaporeux ou parsemés sur une cape mini mini. À la croisée entre tissage et métissage, le créateur magnifie, comme toujours, le savoir-faire et le talent du continent africain.

3. FASHION OLYMPICS chez Thom Browne et Dior

Christian Dior
Le mont Olympe semble ne jamais avoir été aussi proche. C’est en tout cas ce que propose Maria Chiuri avec une ode à l’athlétisme et à la Grèce Antique. Toge et tenue de sport se mêlent et s’emmêlent donnant à voir des débardeurs en jersey sous des robes au tombé parfait, des jupes en jacquard moiré flirtant avec des justaucorps à plume ou encore des ensembles aux plis cousus pour un mouvement perpétuel. Le tout dans une palette neutre et sans une goutte de sueur, qui détonne avec le décor en mosaïque colorés, reproduction de l’artiste Faith Ringgold, par les artisans Chanakya ateliers et School of Craft.

Thom Browne
Chez Thom Browne, le podium croule sous les symboles. Après un concours de tir à la corde, on découvre des talons à crampon de très haut niveau, des superpositions de toiles en flanelle grises déstructurées et prêtes à en découdre, des broderies anatomiques façon cursus universitaire ou encore des couronnes de laurier. Suivis de près par une remise de prix tout en personnification : les médailles de bronze, d’argent et d’or se font blazer, la flamme olympique s’arbore à la manière d’une couronne puis bouquet final, des fleurs tendues à la fin du défilé par le créateur à son amoureux de toujours.

4. SF LOVERS chez Stéphane Rolland et JPG by Nicolas Di Felice

Jean Paul Gaultier by Nicolas Di Felice
Pour son défilé pour Jean Paul Gaultier, le créateur belge Nicolas Di Felice convoque de nombreux éléments. Avec une petite préférence pour le 5ème. Clin d’œil plus qu’assumé au film de Luc Besson, dont Jean-Paul Gaultier avait designé les costumes, on découvre des cols qui jouent à cache-cache avec les yeux, des drapés comme des caresses, des costumes décousus et à paillettes qui laissent entrevoir de la corseterie, évidemment. Ajoutez à cela, un piercing nasal à oxygène, des bijoux d’oreille équilibristes et des poches pour y glisser son “multipasse”, et vous obtenez le prochain blockbuster à 3 millions d’entrées.

Stéphane Rolland
C’est sur un podium XXL et sablonneux que Stéphane Rolland annonce un horizon prophétique aux allures de science-fiction. Une armée de robes sculptées, strictes et démesurées fait son entrée, non sans rappeler les costumes du film Dune. Au milieu des silhouettes, des capes en plumes d’autruches, des cols pare-soleil et autres carapaces, débarque une Coco Rochas, lovée dans une robe coquille immaculée. Avec un défilé aussi annonciateur, le créateur ne serait-il pas le nouveau Lisan al-Gaib ?

5. DE L’AIR chez Julie de Libran et Iris Van Herpen

Julie de Libran
On retiendra du défilé de la créatrice française Julie de Libran, qui prend place dans sa propre maison, une atmosphère intime et intergénérationnelle ainsi qu’un air de maison de campagne. Pour l’occasion, les meubles ont été poussés, et remplacés par une succession de silhouettes vivantes et délicates, parfois en chanvre et souvent en broderie. Car après tout, la petite maison dans la prairie se trouve aussi à Paris.

Iris Van Herpen
Puis, on reprend un shoot de hauteur chez Iris Van Herpen qui décroche la médaille de l’originalité en accrochant littéralement ses mannequins au mur. Tels des insectes précieux, Coco Rocha, Gia Bab, Lily Cole, Isshe Hungry ou encore Iekeline Stange sont suspendues, leurs pieds coulés dans le béton et parés de tulles imperceptibles, de perles, de fossiles ou de coraux. Une performance artistique qui a des airs de cabinet de curiosité dont la beauté absolue est à couper le souffle, tant par l’élégance de l’exécution que son aspect monumental qui n’est pas sans rappeler l’exposition actuelle tenue au MAD, Sculpting the Senses. Un moment en bonne compagnie (aérienne) que la créatrice a imaginé pour “pour rendre hommage au mouvement, à la danse et au temps qui passe”.

6. COUP DE THÉÂTRE chez Charles de Vilmorin, Chanel et Robert Wun

Charles de Vilmorin
Petit nouveau du calendrier officiel et plus jeune créateur dans sa catégorie, Charles de Vilmorin adore décidément nous raconter des histoires. On plonge dans un monde en clair/obscur avec une anthologie de personnages étranges et très émotifs : une grande méchante chauve-souris, une mariée-édredon un peu inquiète qui fuit avec Carel aux pieds, un pas si petit chaperon-rouge à griffes suivi de la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, toute de rouge et de mouvements vêtus. Une “escapade enchanteresse, loin de la réalité pour mieux s’en échapper” qui nous donnerait bien envie de binge watcher, au choix, du Tim Burton, du Robert Stromberg ou un livre de Kafka.

Chanel
Le fantôme de l’opéra n’a qu’à bien se tenir. Mise en scène par Christophe Honoré, la collection de 46 silhouettes réinvente les codes de la Maison. Des capes laissent entrevoir des bodies richement brodés, des tailleurs s’enfilent et défilent dans une palette mauve, la robe de mariée portée par Angelina Kendall est chamallow et le tulle et l’organza ne sont pas oubliés. L’ensemble est habillé de nœuds délicats cousus sur les tissus ou arborés dans les cheveux pour un twist résolument drama-romantique. Opéra-tion séduction réussie donc pour cette première collection réalisée à la suite du départ de Virginie Viard par les ateliers de la Maison.

Robert Wun
Pour les 10 ans de sa marque, Robert Wun propose une symphonie. Ou plutôt un remix contemporain de la célèbre œuvre du compositeur Vivaldi. Printemps, été, Automne, Hiver, la femme Robert Wun se balade de saison en saison, visitant une serre à papillon, flirtant avec des montagnes enneigés, se jetant dans un tas de feuilles mortes ou ramassant des fleurs pour les glisser sur ses robes, cramées et rongées par l’acidité des couleurs. Puis, la ritournelle s’éteint doucement. Pour mieux renaître, la saison prochaine. C’est certain.

7. COUP D’ÉCLAT chez Armani Privé et Alexis Mabille

Armani Privé
Aussi scintillant que détonant, le show Armani a déjà de quoi faire pâlir le feu d’artifices du 14 juillet. La perle, idée créatrice et conductrice de cette collection se retrouve tout à la fois brochée sur un béret, arborée dans une cascade de sautoirs ou plus abstraite, dans les matières et la palette de couleur. À la fois shiny et liquide, le jacquard se fait translucide, le velours moiré et le tulle impalpable. Sourire en coin, les sirènes Armani défilent, irisées de douceur et de lumière, comme un coucher de soleil sur la mer Méditerranée.

Alexis Mabille
Bellini, French 75 ou Mojito Royal, cette saison sera arrosée ou ne sera pas. Pour l’occasion, le créateur éponyme fait mousser le Lido avec une collection s’inspirant du champagne. 40 passages vite fête bien fête qui imaginent l’arrivée d’invités prestigieux, arborant des robes du soir sensuelles, des fontaines de diamants, de la broderie comme s’il en pleuvait, le tout teinté de satin, de lamé, de velours et de sequins. Puis, champagne shower oblige, la fin du show débute par un autre, plus bullesque, réalisée cette fois-ci par la sublime Dita Von Teese, BFF du créateur. Bref, une collection qui ramène enfin la coupe à la maison.