Cette semaine, l’école de mode parisienne LISAA a présenté son défilé de fin d’année en partenariat avec MiXTE et remis ses prix à trois lauréats. De quoi jeter un œil sur la jeune garde qui fera (très sûrement) la mode de demain. Reportage.

Parmi les 32 élèves sélectionné·e·s sur la promotion de l’année 2024 dont le travail a été exposé dans un showroom à la fin du mois de mai, 20 ont été choisi·e·s pour présenter leurs créations au défilé organisé par LISAA cette semaine, celles et ceux dont “la collection qui bouge particulièrement bien et qui mérite d’être portée pour prendre vie”, nous explique Thomas Bucaille, directeur de L’Institut Supérieur des Arts Appliqués. Afin de donner de la visibilité aux jeunes créateur·rice·s, notamment en invitant les professionnel·le·s de la mode, LISAA a remis le Prix du Jury, le Prix du Public ainsi que le Prix Spécial de la Mode Responsable à trois élèves, aussi bien récompensé·e·s pour leur créativité que leurs compétences acquises au cours de leurs études. “En plus de leur maîtrise des savoir-faire traditionnels, il·elle·s ont acquis des outils numériques (3D, IA etc.), il·elle·s ont joué avec et cela donne un tour nouveau à beaucoup de leurs créations. C’est ce dialogue inédit et excitant entre la main et le numérique que nous avons voulu mettre en lumière.”, a développé Thomas Bucaille. Et pour la suite ? Le directeur souhaite à cette nouvelle génération de créateur·rice·s succès et bienveillance : “Qu’elle fasse son chemin en restant elle-même. Qu’elle trouve les voies de sa créativité et de son accomplissement. Que notre monde les accueille dans leur diversité. Ce n’est pas évident !”. Retour sur les lauréats du défilé. 

 

Adrien Walz – “Théâtre Magique” – Prix du Jury Pro

Le Théâtre Magique est une collection inspirée par l’esthétique des garde-robes féminines appliquée aux coupes masculines, transcendant le regard des autres. Cette créativité audacieuse redéfinit les lignes et dimensions du corps avec des formes géométriques pliées, courbées ou plissées. Lauréat du Prix du Jury Pro, Adrien défilera à la Graduate Fashion Week de Milan.

“Le point de départ de ma collection le ‘Théâtre Magique’ est la volonté de me défaire du poids du regard des autres, par conséquence aussi du mien, et ainsi d’être réellement libre de créer en accédant à l’entièreté de mes personnalités. Ces questionnements viennent d’une lecture : ‘Le Loup des Steppes’ de Hermann Hesse – Le personnage principal se retrouve à un moment du roman dans un espace imaginaire, où il est pris d’une folie créative ; c’est le Théâtre Magique. J’ai voulu transmettre un message coloré, nuancé de dégradés de couleurs et de textures, dans lequel nous sommes libres d’interpréter les identités que nous souhaitons ; pour cela j’ai utilisé la géométrie”.

“Par exemple, un carré sous sa forme la plus littérale est facile à reconnaître, seulement une fois plissé et cousu d’une certaine manière, alors il nous est possible de reconnaître un cercle ! Sûrement car j’ai beaucoup apprécié les cours de modélismes. C’est une forme de sciences à mes yeux, telle que l’architecture. La magie de passer d’un plan 2D à une création 3D. Désormais je souhaite accumuler le plus d’expérience possible, ce n’est là que le début d’une aventure. J’aimerais aussi développer tout ce que j’ai découvert cette année : la 3D, les teintures, le plissé, le savoir-faire tailleur, etc. Mais surtout je vais participer à la graduate fashion week de Milan !”

Timothé Decamps – “Bien à vous” – Prix du Public

Bien à vous est un héritage d’un vieil homme à sa famille. Passionné d’ébénisterie et de photographie, il y intègre du bois provenant de l’arbre familial et des photos prises tout au long de sa vie, un symbole puissant de la continuité et de l’amour familial. En plus d’avoir reçu le Prix du Public, Lisaa a offert à Timothé une année d’études de Mastère en Artistic Direction and Fashion Tech.

“Ma collection partait d’un remerciement à ma famille. J’ai voulu y intégrer des techniques que j’ai en commun avec mes parents, la passion pour le travail du bois avec mon père, et la photographie avec ma mère. J’avais également comme défi de créer des silhouettes marquantes, qui sortent de l’ordinaire. J’ai repris le concept de ma toute première création, une robe très volumineuse avec des écailles de chêne. J’avais pris énormément de plaisir à travailler dessus, et je voulais continuer à expérimenter cette matière. “Bien à vous” raconte l’histoire d’un vieil homme, Zéphyr, qui offre en tant qu’héritage, une toute dernière collection à sa famille. Étant passionné d’ébénisterie et de photographie, il y intègre des morceaux de bois provenant de l’arbre familial, et des photos de bouquets de fleurs”.

“Certains éléments de la collection proviennent réellement de cet homme, qui n’est autre que mon grand-père. Le bois provient de son parquet, et les chapeaux étaient les siens. À travers cette collection, je voulais montrer la continuité et le lien d’une famille, à l’aide d’un petit héritage, simple mais puissant. Mes projets désormais, sont de valider mon bachelor avec un stage de 6 mois, puis de continuer d’évoluer à Lisaa dans leur nouveau Master Direction artistique et Fashion tech. J’aimerais continuer à me perfectionner en photographie, en continuant les collaborations avec différentes marques et créateurs. L’école m’a surtout permis de créer mon réseau, grâce à différentes collaborations ou événements organisés qu’elle a organisés. Aussi l’esprit bienveillant et encourageant des professeurs et intervenants m’a conforté dans mon parcours et mes choix tout au long de la réalisation de la collection.”

Eugène Larée – “Vieilles Cloches” – Prix Spécial de la Mode Responsable

La collection est réalisée en seconde main, inspirée du vestiaire des sans-abris de Paris et raconte leur histoire marquée par la rue. C’est une invitation à changer de regard sur son prochain. Avec son Prix Spécial, Eugène a reçu de la part de l’école un mannequin et ciseaux pro de Hamon ainsi qu’un chèque de la part de Nelly Rodi (membre du jury).

“Sur les différents chemins entre l’école, mon boulot et chez moi, j’ai croisé un nombre choquant de sans-abri. C’est là que m’est venue l’idée de mettre en valeur ces personnes souvent oubliées et pourtant tellement présentes à nos côtés. Karl Bryan, un sans-abri devenu mon ami, m’a introduit aux maraudes d’Emmaüs Paris. J’ai pu les inviter à collaborer sur cette collection en leur demandant des services tels que l’emprunt de leurs bureaux, afin d’inviter des sans-abri en atelier avec moi, ce qui a eu un réel impact dans la collection. J’ai pris ce temps pour les écouter, changer leur quotidien, les initier à une vision créative et au travail manuel. À force de discussions avec eux, j’ai compris que le réel problème était le regard qu’on portait sur eux, la considération qui leur manquait et le fait qu’ils s’effacent peu à peu de la société”.

“C’est pourquoi j’ai préféré travailler sur une invitation à changer notre regard sur les sans-abri. Plutôt habitué au prêt-à-porter, je voulais pour cette dernière année, travailler sur une collection plutôt haute couture, en développant des pièces fortes, des pièces image. La collection reste entièrement upcyclée. Je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans un monde où nous devons normaliser l’aspect éco responsable de la mode. C’est par ce biais que nous pourrions lui donner une chance d’exister à long terme. Il est encore difficile de savoir où je souhaite aller aujourd’hui. Malgré cela, j’ai compris que créer des projets uniques et s’investir dans des collections capsules à thème étaient parmi les choses qui me plaisaient le plus. Alors pourquoi pas un jour faire de cette chance une réalité en lançant ma marque, malgré un paysage de petites marques déjà très dense.”

Les coups de coeur de Mixte : Onyinyechi Rosebud Ukpeli et Jenifer Zako

 

Elles n’ont pas remporté de prix mais leur travail ont fait l’unanimité chez Mixte : Onyinyechi Rosebud Ukpeli et Jenifer Zako signent respectivement des collections joyeuses et chargées d’émotions où le rêve occupe une place centrale. La première, dont la collection intitulée “Big Screens : Where The Sidewalk ends Big Screens” est inspirée par les artistes Loïe Fuller et Margaret Bowland et insuffle de la douceur et de l’onirisme à la mode masculine. Pour Jenifer Zako dont la collection s’intitule “OGO”, le nom d’une déesse bienfaitrice célébrée par des silhouettes parées de raphia, une matière naturelle est un symbole de joie et de tradition.

Ci-dessous, le slide-show avec les photos des collections des candidat·e·s (défilé et backstage) :