C’est sur les berges du fleuve Huangpu, situées dans le parc de Tank Shanghai, anciennes citernes et dernier lieu arty en vogue de la mégalopole, que s’est déroulé le premier opus de “Message in a bottle“ (une bouteille à la mer), le défilé Louis Vuitton itinérant de la collection homme printemps-été 2021 qui poursuivra ensuite son voyage maritime vers Tokyo.

Pour son premier défilé post-confinement, Virgil Abloh a choisi un territoire urbain aux allures futuristes – la vue est saisissante – qu’il a transformé en playground afin de filer la métaphore d’un univers conçu comme un dessin animé, comme annoncé précédemment dans le teaser de la collection. Un territoire peuplé de créatures – “zooooms with friends” – qui envahissent la réalité et ancrent l’imaginaire dans le paysage quotidien.

“NO SEASON IS AN OLD SEASON”

Aussi étonnant que cela puisse paraître dans une industrie qui à l’heure de l’instantané ne vit que pour la nouveauté, la première partie du défilé a présenté une partie de la collection précédente automne-hiver 2020, dont certains modèles se retrouvent également dans la collection 2021, plaçant ainsi l’esprit de la maison Vuitton sous le signe d’une idéologie de l’upcycling, tant dans la réutilisation des matières pour plusieurs looks, que dans les idées, qui deviennent des caps à aiguiser, et non à changer en permanence. Le message ? Concentrer son énergie, pour des lignes assumées, intègres et responsables.

LE MÉLANGE DES GENRES

Effigies flottantes, arc-en-ciel et ballons gonflables géant plantent le décor d’un défilé qui se déploie à moitié sur terre et à moitié sur l’eau. Un flottement entre les frontières adopté dans le style même des pièces, caractérisées par une certaine légèreté et un éclectisme affirmé : un jeu entre des coupes classiques – Virgil Abloh pourtant connu pour son penchant streetwear, confirme son retour au tailoring, déjà amorcé dans la collection précédente – et un goût pour le rétro-futurisme (notamment avec les accessoires). Une oscillation entre les époques – un retour aux années 1970 – un jonglage entre des couleurs fluos et primaires, des total looks unicolores et des motifs… Quant au fameux damier, il est un élément central de cette nouvelle collection, une référence au plateau de jeu mais aussi à un pilier de la maison.

UN VÉRITABLE TERRAIN DE JEU

Autre caractéristique notable du show : des créatures imaginaires omniprésentes comme directement greffées aux vêtements ou suspendues aux accessoires. Une présence insolite, qui ferait douter de la réalité de la vision, car les coupes des vêtements elles-mêmes ressemblent à des personnages de dessins animés croqués, quand les chapeaux revêtent des contours incertains, les lunettes des structures asymétriques et disproportionnées… Rêve ou réalité ? L’univers est ludique, les références à l’enfance sont directes, l’imaginaire s’organise autour d’éléments classiques (rassurants ?) mais dont on peut déborder. Parce que le mot essentiel est aussi la liberté.

UN “MESSAGE” ANCRÉ DANS LE 21E SIÈCLE

Incarnée par le voyage et donc l’ADN de La maison Vuitton, la collection est une invitation à la découverte de l’autre, la rencontre des cultures : le défilé de Shanghai revendique une couleur locale : des dragons sont entrés dans la danse et la cabine mannequin était uniquement composée de modèles asiatiques. Mais si le voyage joue sur les clins d’œil et l’imagination, il n’en reste pas moins une prise de conscience de son environnement (25 looks ont été conçus à partir de matières recyclées) et un engagement humain bien ancré dans la réalité de son époque et ses enjeux cruciaux : la bataille pour l’égalité et les minorités.

C’est avec un hommage à la Jamaïque, à ses couleurs vert-jaune-rouge, que Virgil Abloh signe cette collection. Il a choisi la voix de Lauryn Hill, sa muse, pour soutenir le show et le faire résonner dans le monde. Son discours de clôture a rappelé le rôle de la chanteuse auprès de MLH Foundation, et affirmé l’engagement et le soutien de Louis Vuitton auprès des blacks businesses affectés par la crise du Covid-19. De la fantaisie, du sens, de l’appréciation et de l’engagement : tout ce que la mode du 21e siècle devrait être s’est illustrée chez Louis Vuitton.