M. Quand le métier d’actrice est-il devenu une évidence pour vous ?
L. K. Quand j’ai arrêté d’être animatrice en MJC. Je tournais en rond. J’avais un bac théâtre-histoire de l’art et j’ai décidé de reprendre mes études. Au départ, je voulais faire l’École du Louvre, travailler dans les musées… Bref, un métier en lien avec la culture, mais je ne savais pas encore que je voulais faire du cinéma. C’est lorsque je suis montée sur scène pour la première fois, à la fac, que c’est devenu une évidence. J’ai senti monter en moi un truc incroyablement jouissif, un plaisir que je n’avais encore jamais ressenti. J’ai baissé les masques.
M. Tu étais du genre à masquer ?
L. K. Énormément. Avec tout un tas de masques sociaux : celui qu’on affiche en famille, celui avec les ami·e·s… Je viens d’une culture où le regard des autres est très important, et ça m’encombrait. C’est sur scène que j’ai trouvé ma liberté. Ça m’a transformée.
M. Quand on rentre à la maison et qu’on dit à ses parents : “Je veux être actrice”, ça passe crème ?
L. K. Pas du tout (rires) ! Ce travail leur faisait peur. Toujours, d’ailleurs. Mes parents ont eu beaucoup de désillusions. Quand ils sont arrivé·e·s en France, ça a été compliqué pour elle·lui d’exercer leur métier. En Algérie, mon père était journaliste, ma mère professeure de violon. Mon père a pu se débrouiller, mais on exigeait de ma mère qu’elle passe tout un tas d’équivalences pour pouvoir exercer ici. Ça a été très difficile pour elle d’accepter qu’aux yeux de la France, son savoir ne valait rien. Elle qui enseignait la musique, une langue universelle. Ça l’a rendue très malheureuse. Quand je lui ai dit que je voulais être actrice, une part d’elle s’est dit : “T’as rien compris, en fait ? Tu n’as tiré aucune leçon de ce qui m’est arrivé ?”. Elle aurait voulu que je sois dentiste, médecin ou avocate. Un truc carré. Mon père, lui, me faisait davantage confiance. Mais j’ai eu la chance que le succès arrive vite. Ça m’a permis de leur fermer leur gueule (rires).
M. Ils ont un peu contribué à votre cinéphilie ?
L. K. Au début. Mon père était passionné de cinéma égyptien, russe… Il m’a fait découvrir les films d’Asghar Farhadi, Abdellatif Kechiche ou Rachid Bouchareb. Il aime le cinéma politique. Et Cannes ! Il a eu l’occasion de couvrir le festival quand il travaillait pour la télévision en Algérie. Grâce à lui, j’ai appris que la seule Palme d’or africaine était un film algérien, Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina (1975).