M. Grâce à des figures comme Judith Godrèche et plus récemment Sarah Forestier, la parole sur les violences faites aux femmes dans le cinéma français se fait enfin entendre. Pourtant, le mouvement #Metoo a retenti dès 2017 dans le cinéma américain. Pourquoi en France, aborder ces sujets semble plus compliqué ?
M. C. Parce que c’est super dur et il y a encore beaucoup de paroles qui n’arrivent pas à se libérer. Si tu parles, même si tu es entendue, tu vas très vite être catégorisée, d’autant plus quand tu es une actrice peu connue. C’est ça qui est compliqué : les gens qui agressent, abusent de leur pouvoir et se font dépasser par leurs pulsions noires, le savent très bien.
M. La place des femmes et le regard masculin que l’on porte sur elles, c’est aussi un sujet central dans le cinéma. Comment vois-tu les choses évoluer aujourd’hui ?
M. C. J’ai l’impression qu’il y a quand même des rôles un peu plus intéressants, pour les femmes plus âgées notamment. De beaux premiers rôles qui ne sont pas juste des mères, des grands-mères ou des putains. Mais bon, le risque que l’on revienne en arrière existe toujours, parce qu’il y a des résistances très fortes. Par exemple, Judith Godrèche reste très décriée. Je suis tellement reconnaissante envers elle et d’autres femmes, comme Andréa Bescond, qui ont mis en péril leur carrière. Grâce à elles, mais aussi aux hommes qui se déconstruisent, les choses évoluent un peu et je me sens commencer ma petite carrière dans de meilleures conditions, plus en sécurité et plus respectée. Même si certains clichés sur les actrices sont encore durs à faire péter.
M. Hormis le jeu, que penses-tu avoir gardé de ton âme d’enfant ?
M. C. Mon empathie. Pour ma mère, c’est une valeur très importante. Elle nous répétait souvent “Ne fais pas aux autres ce que tu n’as pas envie qu’on te fasse”. Elle nous a vraiment transmis l’empathie, à mes frères et sœurs et à moi. Je me souviens de mon arrivée à Paris, je venais de la campagne et même si j’avais déjà vu des gens vivant dans la rue, je ne savais pas qu’en France, des enfants pouvaient dormir dehors. La première fois que j’en ai croisé, ça m’a bouleversée, j’ai fondu en larmes. J’étais avec un copain et il m’a dit “Tu verras, tu t’habitueras”. Ce jour-là, je me suis promis de ne jamais m’y habituer.