Entre les “year wrapped” de Spotify et de la SNCF, et l’obsession de notre monde capitaliste pour les classements et la compétition, l’heure est au bilan. La campagne la plus fierce, le fait divers le plus WTF, le meme le plus impactant ou encore le défilé le plus ouf, Mixte dresse son palmarès mode de l’année 2024. And the award goes to…

1. Le défilé où on a le plus gag : Maison Margiela Haute Couture PE25
Maison Margiela Haute Couture PE25

Janvier 2024, la semaine de la Couture bat son plein et le génie poétique de John Galliano frappe la collection de Maison Margiela. Le défilé est un véritable show, ouvert par une performance de Lucky Love et suivi d’une mise en scène so drama. Inspiré par les portraits de Brassaï des années 1920 et 1930, John Galliano a mis au point des silhouettes fantasmagoriques aux tailles ultra fines serrées dans des corsets comme à la Belle Époque et se déplaçant comme des jouets désarticulés. Une véritable collection de poupées dont les “glass skin”, teints de porcelaine signés Pat McGrath, make-up artist star, ont tout autant marqué les esprits. Magistral, ce défilé Margiela entre dans l’Histoire de la mode.

2. Le meilleur porte-manteau de l’année : Zendaya en promo

Ces dernières années, grâce à l’aide de son styliste attitré Law Roach, Zendaya est devenue pour beaucoup une véritable fashion icon. La preuve, tous ses déplacements et toutes ses promos sur tapis rouge sont désormais scruté·e·s à la loupe par la plèbe mode. Unpopular opinion : si la go a bien marqué la saison avec notamment deux passages sur les marches du Met Gala (forceuse) et surtout avec le fait d’avoir porté l’armure archive de Mugler pour la sortie de Dune 2, chez Mixte on trouve que l’actrice n’a pas vraiment de ligne éditoriale consistante ni d’identité sartoriale. C’est bien là le problème : si elle rentre bien dans tout ce qu’on lui fait porter, ça manque cruellement de saveur. Cela dit, ça a moins le mérite d’en faire le meilleur porte-manteau de l’année. Werk Miss thing.

3. LE STATEMENT LE PLUS BADASS : les robes pro-Palestine de Cate Blanchett et Bella Hadid au Festival de Cannes
Pamela Anderson à la Fashion Week de Paris

Alors que Thierry Frémeaux, le délégué général du Festival, avait déclaré vouloir à Cannes “un festival sans polémiques” (autrement dit sans prises de position ou manifestations politiques), certain·e·s artistes ont réussi à déjouer avec ingéniosité la consigne afin de montrer leur engagement, à l’image de Cate Blanchett dont la robe noir et blanche à la doublure verte subtilement dévoilée sur le tapis rouge des marches, a permis au vêtement de soudainement se transformer en étandard pro-Palestine. Idem avec Bella Hadid qui a arpenté la Croisette dans une robe Keffieh issue du défilé de Michael & Hushi de février 2001. Une façon pour elle d’afficher clairement son soutien à la Palestine mais aussi de rendre hommage à son père Mohamed Hadid, immigré palestinien aux États-Unis et victime, avec sa famille, de l’exode forcée de 1948, connue sous le nom de Nakba. Grand Prize pour la consistance et la régularité de son engagement.

Pamela Anderson à la Fashion Week de Paris
4. LE TOP MODEL DE L’ANNÉE : Anok Yai, encore et toujours
Anok Yai pour le défilé Vetements SS25

Début décembre, lors des British Fashion Council Awards, la mannequin Alex Consani a remporté le très convoité prix du modèle de l’année. Un prix hautement mérité puisqu’au delà de son accomplissement professionnel, Alex Consani est devenue à 21 ans la première femme trans à gagner ce prix. Mais pour beaucoup (et pour Mixte aussi), Anok Yai méritait autant qu’elle de gagner. À seulement 26 ans, cette dernière, qui a déjà fait trois fois la cover du Vogue Us, est seulement la deuxième mannequin noire de l’histoire derrière Naomi Campbell à avoir ouvert un défilé Prada. Si on ajoute à cela sa tenue Swarovski au Met Gala et son passage viral de “Runaway Bride” au défilé Vetements SS25, Anok est clairement le modèle de l’année. Mais en vrai, ça ne vaut pas la peine d’être déçu. Pourquoi s’embêter du prix de “model of the year” quand on est clairement la “Supermodel of the year” ?

5. LE FAIT DIVERS LE PLUS WTF : Hermès poursuivi en justice par ses client·e·s
Samantha Jones et Carrie Bradshaw dans “Sex and the City”

S’il est bien connu qu’acheter un Birkin est digne d’un parcours du combattant (liste d’attente, indisponibilité etc), jamais les client·e·s n’avaient osé faire appel à la justice pour s’en procurer. C’est désormais le cas aux Etats-Unis où Tina Cavalleri et Mark Glinoga ont déposé plainte contre la maison française qui, selon ces consommateurs déçu·e·s et lésé·e·s, ne respecterait pas la réglementation antitrust en vigueur dans le pays (votée en 1890, la loi Sherman dite “antitrust”, considère comme coupable d’un délit toute personne qui monopolise ou tente de monopoliser une partie quelconque du trafic ou du commerce, ndlr). Ajouté à cela le fait qu’il faille aussi posséder plusieurs pièces Hermès pour espérer pouvoir être sur la short list des détenteur·rice·s du sac le mieux côté du monde. Une sujet qui inspire même la pop culture puisqu’en 2001 déjà, dans l’épisode 11 de la saison 4 de “Sex and the City”, Samantha Jones, bien qu’attachée de presse méga influente, se retrouve sur liste d’attente et décide d’usurper le nom de Lucy Liu, l’une de ses clientes, pour pouvoir obtenir le fameux sac.

6. LE MEILLEUR FEUILLETON DE L’ANNÉE : les chaises musicales du mercato mode
Matthieu Blazy

Précédemment dans “Amour, Gloire et Beauté” : la semaine dernière, après plusieurs semaines de rumeurs intempestives, Matthieu Blazy a enfin été officiellement nommé directeur artistique de Chanel, quittant ainsi son poste chez Bottega Veneta, repris dans la foulée par Louise Trotter. La semaine d’avant, c’est John Galliano qui annonçait son départ de Margiela quand, début octobre Hedi Slimane partait de Chez Celine pour être remplacé par Michael Rider (un ancien de chez Polo Ralph Lauren et de Céline époque Phoebe Philo). Ça va, vous suivez ? Tant mieux parce que c’est pas fini. Alors que certain·e·s voient déjà Hedi Slimane chez Armani et Glenn Martens chez Margiela (puisque pour rappel, il a quitté cette année la direction artistique de Y/project après 10 ans), d’autres imaginent déjà le départ de Jonathan Anderson de chez Loewe pour une autre grande maison… Mais tout ça, c’était sans compter Sarah Burton (ex McQueen) qui a repris Givenchy, Peter Copping, l’ancien chef de studio couture de Balenciaga qui a été nommé directeur artistique de Lanvin en juin et Haider Ackermann nommé à la tête de Tom Ford début septembre. Et dans ce dawa, on a attend toujours de savoir qui sera nommé chez Fendi depuis Kim Jones est parti… Bref, en termes de rebondissements et de cliffhangers, c’est sans doute la meilleure saison qu’on ait eu depuis bien longtemps. To be continued…

7. LE meilleur custom made : Tyla en Balmain au Met Gala

Comme chaque année, le dress code du Met Gala a prêté à confusion et celui de 2024, “The Garden of Time”, n’a pas échappé à la règle. Outre les quelques invité·e·s hors-sujet (au hasard Kim Kardashian), la team premier degré en robe à fleurs a tapissé les allées du photo call. Et bien qu’on salue l’effort de Lana del Rey pour son interprétation de l’arbre mort en Alexander McQueen, Tyla a clairement plié le game en création Balmain. Plutôt que de partir tête baissée dans le piège du “jardin”, Olivier Rousteing a redoublé d’audace avec une robe en sable et son sac-sablier (symbole du jardin du temps). Sculptée directement sur le corps de la chanteuse, cette robe unique n’a pu être portée qu’une fois et fun fact, plusieurs assistants ont dû la porter jusqu’à ce que le créateur découpe la robe afin que l’artiste puisse se déplacer par elle-même.

8. LE MEILLEUR DÉFILÉ HORS FASHION WEEK : Le Brat Summer ex-aequo avec les J.O
Charli XCX et ses Brat Girls

Selon Mixte, impossible de départager les deux plus gros événements mode de l’année que sont le Brat Summer et les J.O. D’un côté, on a suivi tout l’été les looks et les performances de Charli XCX, fidèle à son moodboard stylistique : un débardeur blanc sans soutien-gorge (parfois taché de vinasse), un culotte et des collants opaques, le tout dégageant une étrange sensation de tabac froid et de bière chaude de fin de soirée, saupoudré d’un bump de Calvin Klein. De l’autre, on s’est carrément laissé emporté·e·s par les performances des artistes présentes lors des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques telles qu’Aya Nakamura, Céline Dion et Yseult, upgradées pour l’occasion par les tenues confectionnées par Dior. Et bien sûr, on n’oublie pas l’investissement sans faille de la jeune création française qui a habillé les différent·e·s participant·e·s : Kevin Germanier, Arthur Robert de Ouest Paris, Vincent Frédéric-Colombo de C.R.E.O.L.E ou encore Jeanne Friot dont la tenue cavalier vient de rejoindre les collections du Palais Galliera à Paris.

Création de Jeanne Friot pour les Jeux Olympiques
9. LE FASHION MEME LE PLUS Impactant : Jools Lebron et son “Very demure, very mindful”

Cet été, avec une vidéo de 38 secondes postée sur TikTok, la créatrice de contenu Jools Lebron a cassé Internet en décrivant sa routine make up pour le travail avec un désormais très célèbre “Very demure, very mindful” (qu’on pourrait traduire par “très modeste, très soucieux”). Si le contenu traite plutôt de la beauté, il s’est étendu aussi à la mode et au comportement en général, avec une touche évidente de second degré dont l’industrie a bien besoin. NB : on peut saluer pour une fois qu’une créatrice de contenu transgenre remporte un tel succès. Car grâce à sa nouvelle notoriété, Jools Lebron a pu gagner de l’argent pour effectuer sa transition, aider sa famille, conclure des contrats avec des marques et faire une grande déclaration sur sa volonté de rester positive.

10. LE COUP ÉDITORIAL LE PLUS FAB : les interviews exclusives de Dries van Noten, Maria Grazia Chiuri et Justine Picardie dans Mixte
Dries van Noten

L’année dernière Mixte avait réussi à réunir Glenn Martens et Nicolas Di Felice dans une interview croisée exclusive. Et cette année, dans le numéro fall-winter 2024 “State of Nature” paru au mois de septembre 2024, ce n’est pas une mais deux interviews exclusives qu’on a réussi à produire. D’abord celle exclusive de Dries Van Noten ainsi que celle croise et inédite entre la directrice artistique de Dior Maria Grazia Chiuri et sa best friend, l’écrivaine Justine Picardie. Pour Mixte, le créateur belge, qui a raccroché les crampons, est revenu sur ses 40 ans de carrière dans une conversation fleuve dans laquelle il raconte notamment les débuts de sa marque éponyme et sa passion pour les fleurs. Quant à Maria Grazia et Justine, elles sont revenues sur leur rapport à la nature et sur la place des femmes dans l’industrie de la mode. Read and learn.

11. La campagne la plus fierce : Whoopi Goldberg pour Ami Paris
Campagne Ami Paris avec Whoopi Goldberg

Après les options plutôt classiques qu’étaient Catherine Deneuve et Isabelle Adjani comme égéries, Ami Paris s’affirme et se démarque clairement cette année en prenant la comédienne Whoopi Goldberg dans sa dernière campagne shootée par Rahim Fortune. Au-delà du statement qui envoie balader les a priori sur l’âge (Whoopi a 69 ans), Ami offre aussi une image qui change des éternelles muses d’une mode boring. Whoopi Goldberg qui, on le rappelle, n’a jamais été considérée comme une fashion icon, reste avant tout l’une des rares artistes ayant reçu un EGOT (le combo des quatre prix majeurs américains que sont l’Emmy, le Grammy, L’Oscar et le Tony). Figure engagée, l’actrice n’a pas non plus sa langue dans sa poche, elle qui, tout au long de sa carrière, a milité pour la cause afro-américaine et la communauté LGBTQIA+.