Avant l’interview, Nadia Tereszkiewicz nous prévient, elle est “un peu à l’ouest en ce moment”. D’ailleurs, elle s’est pointée à notre interview avec une heure d’avance. La tête lui tourne, entre les rôles qui lui collent encore à la peau, la promotion de “Mon Crime”, le nouveau film de François Ozon actuellement en salle et dont elle a le premier rôle, et sa sélection pour les Révélations aux César. De quoi être déboussolée, effectivement. Même si elle a déjà tourné une douzaine de films, traversé les séries Dix pour cent, Possessions ou tiré son épingle du jeu dans Seules les bêtes face à Denis Ménochet et Laure Calamy, c’est maintenant que l’actrice de 26 ans explose. Elle vient de tout cramer à l’écran dans Les Amandiers où elle revisitait la jeunesse de Valeria Bruni-Tedeschi avant de se glisser dans le prochain film du réalisateur de 120 Battements par minute, Robin Campillo. On l’appelle de partout. On la veut. Pour son jeu entier, son feu, sa beauté nordique (une mère finlandaise, un père d’origine polonaise), son regard anthracite, sa rigueur acquise après des années de pratique de danse classique. Mais par-dessus tout, ce qu’on admire chez elle, c’est sa capacité à se jeter sans filet dans des rôles exigeants. Acrobate ou casse-cou, Nadia sait lâcher des cordes pour en attraper d’autres.
MIXTE. Plus jeune, tu ne te destinais pas à la comédie mais à la danse. Qu’est-ce qui t’a fait bifurquer ?
NADIA TERESZKIEWICZ. La danse classique exige une rigueur et une technique extrêmes. Il ne suffit pas d’être bonne ni même excellente. À 15 ans, si tu n’as pas de contrat, t’es déjà trop vieille ! Je ne m’y épanouissais pas, et c’était trop de sacrifices. Et puis, j’étais passionnée de littérature, alors me retrouver dans un studio de 7 heures à 22 heures… J’ai commencé à loucher sur les études de Lettres.
M. As-tu eu la sensation d’être privée d’adolescence ?
N. T. D’une certaine façon, oui. Même si c’était une période magnifique. À 14 ans, je traversais l’Europe seule pour passer des auditions. Très tôt, il a fallu que j’apprenne à me débrouiller. Mais je crois que je suis passée à côté de pas mal de choses. Mes premières amours étaient hyper tardives. Il a fallu attendre que j’arrive à Paris, à 18 ans. Quand j’ai découvert la vie parisienne, j’étais frénétique. J’allais danser en boîte presque tous les soirs. Mais je ne regrette rien. La danse m’a légué un énorme bagage émotionnel.
M. Plus jeune, tu avais déjà des rêves de cinéma ?
N. T. Non. Mon père me montrait beaucoup de films, mais j’étais un peu une cinéphile forcée. On n’avait pas la télé. Tu vois le genre de famille ? (Rires) On regardait les Billy Wilder, les Hitchcock, le cinéma italien… Mais ça ne venait pas de moi. Mon truc à moi, c’était de lire Les Frères Karamazov pendant les vacances de Noël, danser sur Goldfrapp ou Massive Attack. Dans ma chambre, je n’avais pas de posters d’actrices mais ceux de Pink Floyd ou du chanteur de Muse. (Rires.)