Si Paris continue de se la péter grâce à son titre de “capitale de la mode”, il faut quand même reconnaître que son nom a longtemps évoqué une industrie dominée par les vieilles et grandes maisons de luxe plutôt qu’un véritable vivier créatif. Jusqu’ici, c’était surtout Londres qui, du “big four” de la mode internationale (Paris, Londres, Milan, New York), pouvait se vanter d’être un terreau fertile pour jeunes designers, en ayant mis plusieurs d’entre elles.eux sur le devant de la scène mode française (Alexander Mcqueen, Gareth Pugh, John Galliano, etc.). Voilà près de dix ans que les choses ont commencé à bouger dans l’Hexagone pour la jeune création, dans le sillage de Jacquemus, entré par la petite porte avec des défilés sauvages comme Ouvrière, sa première collection en 2011. Les concours pour la jeune garde de la sape, tel le Prix LVMH – créé en 2013 –, et la croissance d’événements, tels le Festival d’Hyères et le Prix de l’ANDAM ont fini par convaincre l’industrie française que sa jeunesse avait un rôle à jouer dans le rayonnement à l’international. Aujourd’hui, de la scène parisienne, ont émergé de nouveaux noms qui se voient ouvrir grand les portes des fashion weeks, soufflant un vent de fraîcheur et de promesse bienvenu. Victor Weinsanto, Pressiat, Burc Akyol, Solène Lescouët, Kevin Germanier, Avellano, Ester Manas… Des designers qui mêlent avec agilité savoir-faire traditionnels et styles modernes, tout en jouant de nombreuses influences. Et qui ont indéniablement marqué la Semaine de la mode parisienne Automne-Hiver 2022/23 avec des créations misant autant sur l’esthétique que sur la diversité et l’inclusion… Sur la liberté, en somme. Ils.elles ne sont certes pas tou.te.s français.e.s mais, fidèles à l’image cosmopolite de la mode parisienne, ensemble, ils.elles sont justement devenu.e.s le symbole d’une forme de résistance à ce qui peut être considéré comme “français”.
1. Le genre multiculturel de Burc Akyol
Passé par Dior époque Galliano ou le Balenciaga de Nicolas Ghesquières, le créateur français d’origine turque Burc Akyol a débuté avec sa marque éponyme en septembre 2019. En dehors d’un fonctionnement sur mesure pour éviter la surproduction et les déchets textiles, le designer explique : “Je ne veux pas sexuer les vêtements. Il s’agit de vous sentir à l’aise avec ce que vous portez. Il a un sexe : celui que vous choisissez”. Sur ses podiums, déambulent des mannequins arborant des pièces qui alternent entre sensualité et austérité. Mais ce qui le différencie de ceux qui s’inscrivent dans une réflexion sur le genre, c’est sans doute son approche multiculturelle, reflet de son histoire familiale. “Le multiculturalisme peut être un fardeau. Les épaules et leur structure amplifiée sont un message de dignité et de courage. Elles sont inspirées de vêtements traditionnels turcs et persans qu’utilisaient les bergers pour se protéger du vent, de la neige. Ils montrent des structures osseuses renforcées, prêtes à supporter ce qui nous arrive à nous”, explique le créateur. Burc Akyol, c’est donc l’utilisation des éléments du passé pour mieux affronter les épreuves de demain. C’est redonner une voix à la mode et nous faire prendre conscience qu’elle est bien plus qu’un jeu de structures : une affirmation et une protection de soi.