Mars 2021. Alors que la France connaît un nouveau et troisième confinement dû à la crise sanitaire, Wilow Diallo, directeur de création, styliste et auteur, prend un vol direction l’Afrique de l’Est. Il s’en va à Nairobi plus précisément. Son envie : explorer cette partie du continent, sa scène artistique, ses créateurs et créatrices. Si les jeunes designers de mode de l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique australe gagnent de plus en plus à être connu.e.s de notre côté de la Méditerranée (à l’image du Nigérian Kenneth Ize et du Sud-Africain Thebe Magugu), la mode dans cette partie du continent peut encore nous paraître plus confidentielle. Son odyssée l’emmène alors à Kampala, capitale de l’Ouganda. Dirigé par Yoweri Museveni depuis 1986, le pays possède une réputation peu flatteuse. Régulièrement, il fait les titres de la presse internationale pour son climat politique instable, la pauvreté, la corruption, pour sa législation anti-LGBT+ ainsi que le traitement réservé à cette communauté. “C’est un contexte qu’on ne peut pas nier, confie Wilow Diallo. Mais durant mon voyage, j’ai découvert le visage caché du pays et surtout sa jeunesse créative, dynamique et ambitieuse, avec laquelle je n’avais au départ pas prévu de travailler.” Frappé par le savoir-faire d’une industrie mode locale “progressiste, connectée, diverse et en pleine émergence”, le faiseur d’images sénégalais et allemand décide de monter la série Ouganda For Ever avec la photographe ougandaise Michelle Isinbaeva. Formée à l’architecture et au design, cette productrice artistique habitante de Kampala s’est fait un nom depuis cinq ans dans la photographie de mode et le photo-reportage grâce à une esthétique fortement influencée par sa réinterprétation de la technique du clair-obscur, sa perception du divin et sa volonté de construire un récit qui reflète son identité et ses expériences.
Avec l’aide de personnalités créatives sur place, Wilow et Michelle ont donc monté cette série à l’image de cette scène mode. “J’ai voulu explorer les différentes formes de masculinités et de féminités, mais aussi souligner la polarité entre la notion de force et de vulnérabilité”, nous explique le styliste. Shootées dans les bidonvilles de Kampala, les photos, à l’ambiance un brin mystérieuse, sonnent également comme un commentaire sur les côtés sombres d’une société qui vit une transition majeure : “J’ai sélectionné des lieux aux caractéristiques urbaines très marquées, mais qui renvoyaient paradoxalement quelque chose de très élégant, charmant et mystérieux à la fois”, ajoute Wilow, nous rappelant par la même occasion que ce sont dans ces quartiers défavorisés que les plus grands noms du sport, de l’entertainment et des industries créatives du pays, ont émergé tel.le.s Gloria Wavamunno, fondatrice de la Kampala Fashion Week, Abbas Kaijuka et sa marque (Kai’s Divo Collection), Cecily Ophelia ou encore Ibrahim Kasoma et Godfrey Katende. Ces deux derniers, fondateurs de la marque IGC Fashion, organisent d’ailleurs des “Fashion Cypher” dans la petite ville de Kazo. Des événements lors desquels ils apprennent aux jeunes à coudre et enseignent sur la mode en général. Un travail crucial. En effet, le manque d’infrastructures et de connaissances figure parmi les principaux freins à l’essor de la création en Afrique. Ouganda For Ever apparaît surtout comme un message fort, fait d’espoir et de résilience.