Issey Miyake SS25

Malgré le contexte actuel anxiogène (les délires anti-démocratiques de l’homme orange, la montée des nationalismes et l’escalade des conflits armés, YOLO), la fashion week de Paris continue comme elle peut de parler chiffons. Entre la richesse créative de la jeune garde (Zomer, Abra, AlainPaul…), les retours de Sarah Burton et Haider Ackermann, et la constance des grandes maisons françaises (Dior, Louis Vuitton, Alaïa), retour en 16 points sur la meilleure semaine du fashion month.

1. LES SIX FANTASTIQUES
Miu Miu FW25

Le passage à l’âge adulte de Miu Miu
Miu Miu a toujours joué la ligne fine entre jeune fille impertinente et femme pleine d’assurance prête à payer ses “bills, bills, bills”. Et cette nouvelle saison ne déroge pas à la règle avec une collection réalisée avec brio. Ici les silhouettes juvéniles sont modernisées avec des pantalons de survêtement plissés plutôt formels, des tailleurs jupe en laine, des boléros structurés, des pulls zippés et fendus de manière asymétrique (comme s’ils avaient été enfilés à la va-vite) ou encore des robes d’été fleuries avec les bretelles tombant sur les épaules (comme si elles étaient un peu trop grandes et donc empruntées à une daronne). Si on rajoute à ça les cheveux en bataille tout droit sortis du lit après une courte nuit, la femme Miu Miu est décidément la go ultra-chic du 21e siècle qui rentre dans la vie active mais qui, à peine engagée dans le contrat social, se retrouve au BDR écrasée par les diktats de la société. Du génie.

Issey Miyake FW25

Le vêtement en mouvement selon Issey Miyake
Pour sa nouvelle collection automne-hiver 2025, Satoshi Kondo, le directeur artistique d’Issey Miyake, a montré plus que des vêtements en donnant à voir une véritable expérience sartoriale sous la forme d’une performance, où des danseurs·ses, au milieu des mannequins, ont illustré par leurs mouvements la métamorphose incessante du textile au travers d’une palette de couleurs vives sur des robes en maille tricotées sans couture, des superpositions, empilant chemises et pulls, ou encore plissé. Le tout avec pour seule interrogation : qu’est-ce que le vêtement ? Un simple bout de tissu immobile ou une sculpture mouvante qui façonne les corps ? Et sinon, est-ce qu’un simple sac de shopping peut aussi être utilisé comme une pièce à porter ? Vous avez quatre heures. En ce qui concerne Satoshi Kondo, il a déjà rendu sa copie et c’est un 20 sur 20.

Alaïa FW25

Les corps transformés d’Alaïa
Chez Alaïa, Pieter Mulier nous donne envie de réviser nos théorèmes de géométrie : au moment où les corps fondent sous Ozempic et que les influenceuses enlèvent leur BBL, les silhouettes “alaïennes” jouent avec les proportions. Cagoule roulottée, épaules cerclées ou tailles bordées façon Airbag couture, ou encore les tops sans manches, entre camisole et chrysalide sont les meilleurs artefacts pour mettre un peu de distance entre nous et le reste du monde.

Victoria Beckham FW25

Le less is more de Victoria Beckham
Victoria Beckham joue le Less is more avec une réinterprétation du dressing du quotidien. Ne partez pas ! On sait, ça sonne boring et pourtant, c’est une réussite. Comprendre : revisiter les basiques du vestiaire masculin féminin en sublimant le corps. D’abord avec de l’élégance hot comme les Costumes à même la peau ou les chaussures intégrées à l’ourlet du pantalon pour des jambes longues comme un lundi, mais aussi avec une bonne dose de sens de l’humour (sexy) notamment avec les robes rouleaux de papier. C’est dans la Posh !

acne studios FW25

L’urbain et la nature par Acne Studios
“La nature et les villes ont toujours entretenu une relation qui me fascine. C’est la tension et le contraste entre elles que j’ai tenté de représenter dans cette collection”, a expliqué le créateur Jonny Johansson, directeur artistique d’Acne Studios. Résultat, on a eu droit — au milieu d’un décor de buildings futuristes agrémentées de grosses pierres conçu par le duo d’artistes suédois Front — à des vêtements d’extérieur et des costumes habillés aux épaules souples, arrondies et tombantes ; des robes fluides, des pulls en maille colorée, des hauts moulants, des bas amples ou encore des ceintures en forme de cœur, le tout dans une palette chromatique avec des teintes bordeaux, rouge, violet, noir, gris et or côtoyant du blanc, du brun, de l’avoine, du miel ou encore du beige. Comme disait Alexander McQueen, “il n’y a pas meilleur designer que la nature”.

Loewe FW25

Loewe, the show must go on
Beaucoup se demandent ce qui se va se passer chez Loewe car cette saison, au lieu d’un défilé traditionnel à la Fashion Week de Paris, la marque a choisi un format présentation homme et femme, renforçant ainsi les rumeurs sur un possible départ de Jonathan Anderson de la maison. Quoiqu’il en soit, ce format n’a pas terni la créativité du designer qui a montré une collection vibrante composé de silhouettes fantaisistes façon grande exposition de musée : costumes oversize, cuissardes amples, t-shirts de baseball oversize transformés en ponchos, trenchs en cuir et robes drapées chez la femme. Côté homme, on a eu droit à sweats à capuche en mohair et des pantalons amples, portées par des mannequins (de boutiques) assis sur des chaises, le tout au milieu d’oeuvres d’art dispersées dans l’ancienne maison historique de Karl Lagerfeld, rue de l’Université. L’art jusque bout.

2. Le classico français
Christian Dior FW25

L’histoire du temps de Christian Dior
Cette saison, Maria Grazia Chiuri s’est penchée sur l’évolution de la féminité (attention gros dossier), rendant ainsi principalement hommage à Gianfranco Ferré, directeur artistique de la maison Dior de 1989 à 1996. Du coup, dans cette collection baptisée “Once upon a time”, Maria Grazia a choisi de proposer un voyage spatio-temporel en analysant la vision de Ferré : des chemises à volants, des manteaux bouffants, des tenues de soirée, des robes brodées de dentelle, des blazers corsetés ornés de fleurs, des uniformes noirs, des trenchs brillants, des vestes de moto déchirées, des bottes d’équitation à lacets… et aussi et surtout des t-shirts rétro “J’adore Dior” remis au goût du jour. Un gros gloubiboulga mode estampillé Dior comme seule Maria Grazia Chiuri sait le faire.

Louis Vuitton FW25

Le quai de gare de Louis Vuitton
On dit que l’inspiration peut surgir n’importe où. Pour Nicolas Ghesquière cette saison, le moodboard est le quai d’une gare, l’idée d’un lieu où tous les gens et toutes les émotions se mélangent. Sur le podium, cela donne de l’outdoor avec parka et ciré réinventés, de l’hommage 80’s graphique à la Kraftwerk et son Trans- Europe Express, de la bohème prête à rejoindre sa résidence secondaire ou de la bourgeoise artiste peintre en goguette. Une joyeuse sérendipité tout de même plus proche de l’Orient-Express que du Ouigo.

Chanel FW25

Les intemporels de Chanel
En attendant l’arrivée du messie Mathieu Blazy à la tête de la direction artistique de Chanel, la maison française a présenté sa collection printemps-été 2025 réalisé l’équipe créative du studio qui a choisi de se concentrer sur les codes les plus emblématiques de Coco Chanel. Résultat, on a eu droit à des nœuds en organza transparent, des bottes-chaussettes, des sacs, des colliers de perles réimaginés dans des proportions surdimensionnées, des fleurs de camélia apposées sur des costumes en tweed et des cardigans bicolores. What’s new ? Pas grand chose mais ça reste beau et chic. Quid de la direction prise par Blazy en septembre prochain ? Réponse dans six mois.

Hermès FW25

Le côté sombre d’Hermès
A la fois sophistiquée et sexy, pour la saison prochaine, Hermès s’affranchit de ses habituels codes bourgeois – ne vous attendez pas non plus à trouver des claquettes-chaussettes, la dystopie s’arrête aux actus internationales. Une majorité de looks très sombres, du marron au noir avec quelques rares incursions de vert mousse, twistés par des détails séduisants comme des zips sur la poitrine, des laçages sur le ventre ou des épaules sublimées par des jeux de manches. Hermès en total mess, on dit oui.

Saint Laurent FW25

La boss girl de Saint Laurent 
Audacieuse, forte et affirmée : c’est ce qui pourrait définir la collection Saint Laurent printemps-été 2025 puisque, comme à son habitude, Anthony Vacarello a fait des défilé des mannequins dans des silhouettes aux épaules marquées et jupes crayon façon 1980’s. Apriori rien de bien nouveau sous le soleil exceptées peut-être les teintes de couleurs primaires sur des hauts brillants, des tenues aux imprimés léopard et des lunettes de soleil oversize. Hormis ça, on retient particulièrement à la fin du show les bombers lisses aux épaules larges associés à des sortes de robes crinolines modernes qui rebondissaient à chaque pas que faisaient les mannequins. C’est comme ça qu’on va de l’avant. Merci Anthony.

3. Le bal des débutant·e·s
Givenchy FW25

Le retour de Sarah Burton chez Givenchy
Cette saison, on a observé avec attention les débuts de plusieurs créateur·rice·s de renom qui reprennent les rênes de grandes maisons, à commencer par Sarah Burton qui, après 26 ans chez McQueen, faisait ses premiers pas chez Givenchy, suivant ainsi les traces de son mentor. On rappellera qu’Alexander McQueen avait lui aussi été nommé à la tête de Givenchy à seulement 27 ans. On a retrouvé avec plaisir la maîtrise du tailleur de la designer et son style romantique et minimaliste, dans une approche plus douce et tendre que la dramaturgie “McQueenienne”. La boucle est bouclée mais l’histoire continue.

Tom Ford FW25

L’arrivée de Haider Ackerman chez Tom Ford
l’autre grand baptême du feu, c’est celui de Haider Ackermann qui a fait une entrée très attendue chez Tom Ford, tant l’élégance signature du créateur et l’ADN sulfureux de la marque semblaient faits pour s’accorder. Le créateur français d’origine colombienne ouvre un nouveau chapitre flamboyant pour la maison, signant une première collection où son raffinement et sa maîtrise du détail tempèrent l’insolence de Tom Ford, la rendant plus mature mais tout aussi captivante. Pour rappel, Haider Ackermann avait déclaré : “En rejoignant la maison de monsieur Tom Ford, j’ai été attiré par l’homme lui-même. […] Il incarne la vie nocturne, et je suis le lendemain matin : c’est ici que notre danse commence.” Il ne reste plus qu’à espérer qu’il tiendra le rythme de cette valse.

Dries van Noten FW25

Le passage de relais de Julian Klausner chez Dries van Noten 
Last but not least, le benjamin Julian Klausner a rejoint le bal en tant que directeur de la création chez Dries Van Noten. À seulement 33 ans, le créateur belge présentait sa première collection féminine sous cette bannière, rassurant les puristes puisqu’il collaborait déjà depuis 2018 avec le fondateur de la maison. Ce dernier avait d’ailleurs promis “une transition en douceur” et le résultat semble lui donner raison. La profonde compréhension de Julian Klausner pour l’héritage de Dries Van Noten garantit une approche sincère et fidèle aux valeurs de la marque. Reste à voir comment il fera évoluer cet héritage et y apposera, avec le temps, sa propre signature.

4. Les indies chéri·e·s
Zomer FW25

Le monde à l’envers de Zomer
Alors qu’ils viennent d’être annoncés comme semi-finalistes du Prix LVMH 2025, Imruh Asha et Danial Aitouganov, le duo derrière Zomer, ont présenté à Paris l’une des collections les plus funs et vibrantes de la saison. Connus pour conceptualiser le sens même du vêtement, les deux créateurs ont démarré leur défilé à l’envers (like for real) en commençant littéralement par le fin. Résultat, les mannequins ont fait le final groupé·e·s dès le début du show sous de faux applaudissements enregistrés, avant de défiler un·e par un·e. L’occasion de découvrir que la majorité des pièces composant la collection (vestes de tailoring, chemises, trenchs, parkas, robes, jupes etc) avaient été conçues pour être portées devant-derrière. Ajoutez à cela une palette de couleurs et d’imprimés vibrant·e·s, ainsi que des sacs invisibles dont on ne voyait que les anses, et Zomer s’affirme définitivement comme le chef de file d’une mode qui sait concevoir et raconter des histoires. Avec eux, c’est le monde à l’envers et on adore ça.

Abra FW25

Les vitrines de boutiques chez Abra
Abraham Ortuño, directeur artistique de la marque espagnole Abra, s’essaye à la mode depuis quelques années après notamment s’être fait un nom en tant que designer chaussures pour JW Anderson et Loewe (les escarpins avec le talon en oeuf cassé, c’est lui). Et cette saison, on peut dire que c’est vraiment sa percée vestimentaire. Pour le printemps-été 2025, s’est inspiré des mannequins, des emballages et des sacs de courses pour donner forme à son concept de “boutique de mode”. Une façon pour lui de rendre hommage aux boutiques de village des années 80 et aux rituels beauté de sa mère. La collection comprend par exemple des boucles d’oreilles encore serties dans leur emballage, des imprimés graphiques de journaux et des perruques de mannequins. La vraie bonne surprise de cette semaine parisienne.

Marie Adam-Leenaerdt FW25

Marie Adam-Leenaerdt
Cette saison, la créatrice belge Marie Adam-Leenaerdt a choisi de remettre en question les codes et la narration de la mode traditionnelle. Résultat, sa collection s’est déroulée en trois passages afin d’incarner la convergence de la structure et de la fonction, jouant sur les formes et les textures avec des silhouettes audacieuses, rigides et inflexibles. L’idée ? Montrer que chaque pièce est à la fois une enveloppe et un vêtement, offrant non seulement une valeur esthétique, mais aussi un soutien structurel et une forme de protection. Que ce soient ses manteaux en feutre gris, ses robes léopard, ses jupes à la taille surélevées et surdimensionnées ou encore ses épaules augmentées, Marie Adam-Leenaerdt s’affirme comme la digne héritière de la mode belge intello.

AlainPaul FW25

Le quotidien performance d’AlainPaul
Direction le théâtre du Chatelêt où AlainPaul a présenté sa collection printemps-été 2025. Connu pour sa culture du ballet (il a été danseur dans sa jeunesse), le créateur a choisi cette saison d’illustrer les rôles que nous jouons au quotidien au travers de nos tenues vestimentaires. Son idée ? Nous prouver que dans cette vie qui est une grosse tragi-comédie, on est tou·te·s des performers et des interprètes malgré nous. Ainsi, sa collection mêle d’un côté le formel et le théâtral, de l’autre, le décontracté et l’intime aux travers de silhouettes androgynes : costumes et manteaux confectionnés à partir de laines et cachemires traçables, des vêtements d’extérieur en nylon matelassé ainsi que des hauts, des robes et jupes sculpturaux à basques en soie épaisse, du tailoring, sans oublier deci delà les volants et les drapés, faisant d’Alainpaul l’une des jeunes marques maîtrisant autour le flou que le tailleur. Bonus : la super palette de couleurs entre rose baby, rouge vibrant, bleu roi, kaki et taupe.

Meryll Rogge FW25

Les papiers peints décrépis de Meryll Rogge
Il y a du beau partout, même dans le décrépi. C’est le parti pris de Meryll Rogge qui a présenté une superbe collection inspirée des œuvres de Gordon Matta-Clark, connu pour réaliser des installations temporaires à partir des murs de bâtiments bientôt détruits, ainsi que des imprimés de papiers peints vintage de la célèbre boutique Priem de sa ville natale de Gand. Côté vêtement, on a donc eu droit à des manteaux sharp et de la lingerie en dentelle, des mailles épaisses avec des jupes matelassées à taille basse ou encore des débardeurs raccourcis sur des chemises à carreaux. Le tout avec des imprimés automnaux, agrémentés de volants, de plis, de noeuds et de perles, et une touche de sportswear. Son point fort, c’est justement d’avoir évité le rétro kitsch et de proposer le juste équilibre entre vintage et moderne, notamment grâce à sa maîtrise de la superposition et son choix de couleurs oscillant entre douceur et austérité. Un gros coup de coeur.

Ottolinger FW25

Perception et perspective chez Ottolinger
Chez Ottolinger, les créatrices Christa Bösch et Cosima Gadient ont réfléchi à l’idée de performance. Pas celle liée au dépassement de soi mais celle lié à l’incarnation, celle qu’on présente tous les jours avec nos vêtements. “Dans la vie, tout est performance. Nous devons tous performer d’une certaine manière”, a expliqué Bösch. Ici, cette performance s’incarne par des tenues de soirées, des vestes cintrées, des blousons de motard, des robes à imprimé mesh destructuré ou des jeans surteints, le tout agrémenté de leurs fameuses excroissances en formes de boudins sur les hanches modifiant ainsi l’apparence du corps et leur utilisation de tissus gainants. Une façon pour elles de teaser leur prochaine collaboration avec Skims. Enfin, afin de poursuivre leur réflexion sur “la façon dont nous sommes perçu·e·s et dont nous voulons être perçu·e·s, la bande-son du défilé était le dialogue intérieur d’un mannequin, écrit par l’artiste, écrivaine et metteuse en scène de théâtre Calla Henkel, basée à Los Angeles. De la vraie mode performance comme on aime.

5. Les reboots gagnants
Marine Serre FW25

Le comeback de Marine Serre
À la Monnaie de Paris, dans un décor hommage à la Red Room de Twin Peaks – celle où les rêves se mélangent à la réalité -, Marine Serre a fait son grand retour au calendrier parisien (elle était absente en septembre dernier de la fashion week parisienne et avait défilé à Florence au Pitti Uomo en juin 2024). Une attente synonyme de succès puisqu’elle a poussé plus loin son ADN upcycling visionnaire avec des silhouettes à la fois glam et puissantes, entre cuir et fourrure, entre rouge, noir et jaune doux, quelque part entre la femme fatale et la tueuse à gage. Evidemment, son symbole croissant de lune reste en fil rouge, à la différence qu’il devient ici beaucoup plus discret (bijou, fermeture de sac…) et laisse tomber le fameux print all over. De quoi permettre à Marine de continuer à nous protéger du mauvais oeil tout en prenant une nouvelle direction.

Balmain FW25

La refonte de Balmain 
Cette saison chez Balmain, fini le bling, le clinquant et les épaulettes XXL avec un rebranding qui fleure bon le confort et la récession économique. La femme Balmain aussi a compris que le monde change et met un pied dans les terres du “quiet luxury”. Il était temps. Au menu, du monochrome gris, du mou, du lose, de l’angora, de la fourrure, du jersey, des cols hauts. Alors, oui on a dit cosy mais go sur les tailles marquées (ceintures, mini jupes plissées) et les cuissardes (on est chez Balmain quand même). En 2025, Olivier Rousteing nous montre que la sobriété gagne aussi le sexy.

Benmoyal FW25

La nouvelle direction de Benmoyal
Absent de la dernière fashion week parisienne de septembre 2024 afin de se concentrer sur une levée de fonds (bientôt annoncée), le créateur Benjamin Benmoyal revient cette saison avec une nouvelle identité. Désormais simplement nommée Benmoyal, sa marque adopte une nouvelle esthétique : celle d’une jeune fille d’une vingtaine d’années, fouillant dans le placard de sa grand-mère, mélangeant des pièces vintage avec sa propre garde-robe urbaine. Résultat, on a par exemple droit à des vestes en tweed 1970’s associées à des pantalons de survêtement en jersey ou des bombers en nylon brodé (en collab avec Schott s’il vous plaît). Bref, c’est frais et moderne.

6. Les newcomers
Hodokova FW25 (x3), Christopher Esber FW25 (x3)

Quatre petits nouveaux ont fait leur entrée au calendrier cette saison. D’abord il y a Hodakova et Christopher Esber qui ont chacun·e organisé leur premier défilé officiel pendant la fashion week (il·elle·s étaient respectivement en off du calendrier et en format présentation la saison passée). Hodakova, gagnante du Prix LMVH 2024, a présenté sa collection automne-hiver 2025-2026 tantôt composés de looks-expérimentaux tantôt de silhouettes plus épurées, le tout avec son expertise de l’upcycling. Christopher Esber, gagnant du Prix de l’Andam 2024, a quant à lui choisi la sobriété avec des velours côtelés, des rouleaux de soie cousus à la main, des tissus rappelant des étoffes d’ameublement patinées par le temps, de la laine ou encore des dentelles métalliques.

Matières Fécales FW25 (x3), Loulou de Saison (x3)

Les deux restants sont Loulou de Saison et Matières Fécales. Le dernier, petit protégé de Rick Owens, incarné par le duo Hannah Rose Dalton et Steven Raj Bhaskarana, a probablement signé l’un des shows les plus provocants de la saison avec des maquillages signés Daniel Sallstrom empruntant autant au théâtre No qu’aux films d’horreur, des longues tenues en maille effilochée, une silhouette d’ange portée en conclusion du show par Hannah en personne, ou encore une robe du soir en tulle rouge associée à de longs gants blancs. Le bal des vampires version BDSM. Dans un registre beaucoup plus sobre et low-key, Loulou de Saison a pu faire sa première présentation officielle dans le calendrier parisien avec une collection reprenant l’esthétique de la parisienne chic et effortless dans des tons noirs, blancs, bruns gris, taupes terreux ou anthracites.

7. Le règne animal
Duran Lantink FW25

Quand le monde part en vrille, on se reconnecte à ses premiers instincts. Pas étonnant donc qu’en ces temps délétères l’imprimé animal soit partout cette saison, histoire d’affirmer notre envie de retourner à la nature ou tout simplement de sortir les griffes et les crocs. C’est d’abord le cas chez Duran Lantink qui a présenté une collection baptisée “Duraninmal”, tout simplement. Soit une exploration de l’animalité et de l’identité mêlant imprimés sauvages et formes structurées : les vestes en poils de zèbre, le python réinventé, le cuir de vache recyclé provenant du stock de LVMH et le velours léopard ont par exemple été associés à du camouflage et du tartan.

Balenciaga FW25, Saint Laurent FW25, Valentino FW25, Balmain FW25, Marine Serre FW25

Histoire de poursuivre cette exploration de l’univers animalier, Duran Lantink a fait peindre plusieurs imprimés zèbre ou léopard directement sur le corps de quelques mannequins. Un amour de l’humain·e retrouvant son animalité qu’on retrouve aussi chez d’autres marques comme Marine Serre avec l’imprimé tigre, Balenciaga, Pressiat Vaquera et Saint Laurent avec le léopard, Nina Ricci et Balmain avec le zèbre ou encore Valentino, Stella McCartney et Ludovic de Saint-Sernin avec le serpent.

Pressiat FW25, Stella McCartney FW25, Nina Ricci FW25, Ludovic de Saint-Sernin FW25, Vaquera FW25
8. La silhouette augmentée
Comme des Garçons FW25 (x2), Undercover FW25 (x2)

Yohji Yamamoto nous donne une leçon de géométrie avec d’imposants empiècements triangulaires ultra contrastés sur fond noir, évoquant le travail de Kasimir Malevitch. Même approche cubiste chez Junya Watanabe : “je suis fasciné par la création de vêtements qui semblent irréalistes. Cette fois, j’ai conçu des vêtements du quotidien sous une perspective cubiste”, explique le créateur. Comme dans ce mouvement artistique, où l’objet se fragmente en une multitude de facettes simultanées, Junya déconstruit trenchs, bombers et blousons en cuir en une expérience plurielle.

Yohji Yamamoto FW25 (x2), Noir Kei Ninomiya (x2)

Fin du cours d’histoire de l’art, place à la récré avec Noir Kei Ninomiya : nœuds géants colorés, harnais-robes pastel entre Barbapapa et Furby, robes mobiles en perles acidulées… Un shot de sucre avant de retourner en classe avec Comme des Garçons, où la professeure Rei Kawakubo nous enseigne que SMALLER IS STRONGER — sans renoncer à ses silhouettes démesurées à l’architecture déconstructiviste organique. Chez Undercover, c’est apparté classe de neige avec ses robes-doudounes extra larges sculpturales et sensorielles qui ne sont pas passées inaperçues. Enfin, sortie des classes avec Duran Lantink, le buzz kid du calendrier qu’on saluera pour ses prouesses techniques transcendant les volumes extrêmes avec une aisance évidente.

Duran Lantink FW25 (x2), Junya Watanabe FW25 (x2)
9. Le gros trou noir
Balenciaga FW25

Parce que l’ambiance générale est aussi fun qu’un redressement fiscal, la mode passe au mode sombre et le noir est une couleur chaude. Cette saison, go sur la trend Pierre Soulages : du noir omniprésent, décliné en total look et sous toutes ses formes. Omnniprésent chez Balenciaga, le noir compose un bon tiers voire une bonne moitié de la collection allant des costumes aux manteaux, en passant les robes, les jeans et les hoodies (certainement une façon pour Demna d’annoncer la fin de l’aventure Balenciaga et son départ chez Gucci…).

McQueen FW25, Courrèges FW25, acne studios FW25, Ludovic de Saint-Sernin FW25, Stella McCartney FW25, Coperni FW25

Chez les autres, le noir se décline façon dominatrix BDSM en version cuir, vinyl ou simily comme chez McQueen, Courrèges, Acne Studios, Ludovic de Saint-Sernin, Leonard, Weinsanto, Hodakova, Stella McCartney et Coperni ; Alors que chez Atlein, Akris, Ann Demeleumeester, Christian Wijnants, CFCL, Cecile Bahsen, Kiko Kostadinov et Gabriela Hearst, il se la joue plutôt poétesse emo en pleine dépression amoureuse et saisonnière. Vous saurez désormais quoi porter pour la fin du monde. Joyeuses funérailles !

Ann Demeleumeester FW25, Christian Wijnants FW25, CFCL FW25, Cecilie Bahnsen FW25,  Kiko Kostadinov FW25, Gabriela Hearst FW25
Atlein FW25, Akris FW25, Leonard FW25, Hodakova FW25, Weinsanto FW25, McQueen FW25
10. La fourrure de vivre
Rabanne FW25

Charm régressif ? TOC de superstition ? Rite chamanique post-retraite d’ayahuasca ? La fourrure est partout. Mais vraiment partout… Que ce soit sur la majorité des silhouettes de la collection SS25 de Rabanne avec de longs manteaux ou plus simplement en mode accessoire avec des cols ou des queues.

Xuly.Bët FW25, Burc Akyol FW25, Elie Saab FW25, Chloé FW25, Marine Serre FW25, Miu Miu FW25

La fourrure se retrouve aussi ailleurs, comme chez Chloé en mode collier/pendentifs/gri-gri, chez Miu Miu posée nonchalamment sur le bras, ou encore en col chez Xuly.Bët, Elie Saab et Burc Akyol. Le tout sans oublier une fois de plus de longs manteaux de fourrure façon femme des cavernes chez Marine Serre, Schiaparelli et Sacaï, grand froid polaire chez Dior, Mcqueen, Stella McCartney et Weinsanto, ou encore grosse bourgeoise milanaise bourrée aux as chez Alaïa, Balenciaga, Pressiat, Nina Ricci, Magda Butrym et Vaquera. Bien sûr, on évite le projet DIY partie de chasse, car seule la fausse fourrure est autorisée !

Nina Ricci FW25, Vaquera FW25, Alaïa FW25, Schiaparelli FW25, Stella McCartney FW25, McQueen FW25
Magda Butrym FW25, Sacai FW25, Pressiat FW25, Balenciaga FW25, Christian Dior FW25, Weinsanto FW25
11. Elle est gonflée celle-là !
Christian Wijnants FW25, AlainPaul FW25, Issey Miyake FW25, Lacoste FW25, Mame Kurogouchi FW25

Dans ce monde de brutes, on cherche tou·te·s un peu de (ré)confort. Alors quoi de mieux qu’un bon vêtement bien gonflé pour nous envelopper ? Vu chez AlainPaul, Christian Wijnants, Issey Miyake, Lacoste, Mame Kurogouchi, Undercover, Balenciaga ou encore Sacaï, la silhouette molletonné vous permettra de vous réchauffer mais aussi d’amortir votre choc la prochaine fois que vous tomberez de votre chaise en entendant les énormités racistes et complotistes proférées par Éric Ciotti.

Sacai FW25, Balenciaga FW25, Undercover FW25, Mame Kurogouchi FW25, Christian Wijnants FW25
12. Tout ce qui brille
Valentino FW25

La vie est-elle encore une fête ? Oui à en croire certaines collections qui mettent en avant le glitter, le brillant et les sequins sur le devant de la scène, parfois même dans des décors de teufs euphoriques. C’est le cas du show Courrèges avec un set design de confettis façon bal des pompiers du 14 juillet ou encore Valentino qui a reconstruit des toilettes publiques de club. Pas étonnant donc qu’on ait vu chez la marque italienne dirigée par Alessandro Michele tout une salve de silhouettes ultra-brillantes façon Studio 54 sous LSD.

Ludovic de Saint-Sernin FW25, Lacoste FW25, Rick Owens FW25, Courrèges FW25, Rabanne FW25, Coperni FW25

Heureusement, Valentino n’est pas la seule marque à se taper un délire teuf et soirées. En témoignent les silhouettes glitter argentées aperçues chez Ludovic de Saint-Sernin, Lacoste, Rick Owens, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood, Courrèges, Rabanne et Coperni, tout comme celles noires brillantes vues chez Off-White, Niccolò Pasqualetti, Akris, Weinsanto, ou encore celles dans des tons plus chauds et colorés repérées chez Schiaparelli, Elie Saab, Giambattista Valli et Zomer. En ces temps de crises économique et politique, autant se la donner à fond avant que la fête ne soit gâchée par — au hasard — un crash boursier suivi de l’arrivée du fascisme ? It’s giving les Années Folles version 21e siècle.

Schiaparelli FW25, Off-White FW25, Christopher Esber FW25, Niccolò Pasqualetti FW25, Zomer FW25
Elie Saab FW25, Weinsanto FW25, Akris FW25, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood FW25, Giambattista valli FW25
13. Heures de cols
Pressiat FW25, Balmain FW25, Alaïa FW25, Ottolinger FW25, Duran Lantink FW25,

Vu que chez Mixte on soutient coûte que coûte les petit·e·s dévergondé·e·s habitué·e·s aux 400 coups et donc à la remontrance, on valide fort le concept de tirer son col de manteau, pull ou chemise sur la tête comme si on venait de se faire prendre après avoir voulu faire le mur. Vive la désobéissance (civile ou pas). Vu chez Pressait, Ottolinger, Balmain, Duran Lantink ou Alaïa.

14. Hard sur la cuissarde
Christian Dior FW25, Acne Studios FW25, Stella McCartney FW25, Balmain FW25, Shiatzy Chen FW25

Alors que la juste marche du monde s’organise pour peu qu’on sache la regarder (des Tesla cramées par exemple), cette saison, il est temps d’enfiler ses plus belles bottes pour bien écraser le patriarcat d’un pas lourd et décidé. À savoir, avec des cuissardes : gris clair voire blanc (Stella McCartney, Balenciaga), rouge sang dégoulinant sur la cheville (Balmain), ou tout simplement noir chez Courrèges, Marie Adam-Leenaerdt, Nina Ricci, Marine Serre ou Shiatzy Chen.

Courrèges FW25, Stella McCartney FW25, Marie Adam-Leenaerdt FW25, Ludovic de Saint-Sernin FW25, Nina Ricci FW25
Marine Serre FW25, Louis Vuitton FW25, Kiko Kostadinov FW25, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood FW25, Shiatzy Chen FW25
15. Les néo-cultes
Courrèges FW25

Entre obscurantisme rampant (coucou les platistes), les tirages de tarot TikTok et deux rétrogradations de Mercure, le besoin de rejoindre un culte se fait de plus en plus sentir si on croit une bonne partie des marques ayant défilé à Paris. D’abord chez Courrèges, où les lignes épurées et drapées ainsi que les mannequins recouvertes de lunettes-masques fleurent bon le culte rétro-futuriste entre vibe Raëlienne et secte clubbing.

Balenciaga FW25 (x3), Rick Owens FW25 (x3)

Un mood qu’on retrouve forcément chez Rick Owens. Habitué aux processions néo-païennes en mode ordre du temple solaire, il a cette saison créé des toges immaculées, à l’image de Rokh avec ses silhouettes beiges aux corps métamorphosés, tout comme Atlein et ses drapées et Alaïa et ses têtes couvertes rappellant le Bene Gesserit, l’organisation féminine et matriarcale de pouvoir politique, spirituel et religieux dans la saga “Dune”.

Alaïa FW25 (x2), Atlein FW25 (x2), Rokh FW25 (x2)
16.  La it-girl british Y2K
Marine Serre FW25, Rabanne FW25, Miu Miu FW25, Chloe FW25, Nina Ricci FW25

Si vous avez cédé au Botox depuis déjà quelques années, vous avez vécu l’era des British it girls des années 2000. Archétypes du cool pré-Instagram, de Cocaïne Kate en passant par Sienna Miller ou Alexa Chung, elles promenaient leur nonchalance sur toutes les couv’ de magazines comme Nylon ou Glamour (pré-Instagram on vous dit). Comme elles, on prend les longues nuisettes en satin façon retour de puces de Camden (Chloé, Rabanne, Marine Serre, Nina Ricci, Miu Miu), les fourrures héritées de leur grand-mère aristo zinzin à la Grey Gardens et les chaussettes aux genoux (Miu Miu, Christian Dior) pour l’inspi Margot Tenenbaum rencontre Edie Sedgwick. Le reste du moodboard pour compléter la réf ? Du romantisme éthéré et bohème (Chloé, Zimmerman, Louis Vuitton), du rock chic (Givenchy) mixé à des pièces pour aller pécho du rocker à mèche supplément problème d’addiction (Ann Demeleumeester).

Louis Vuitton FW25, Zimmerman FW25, Chloé FW25, Christian Dior FW25, Ann Demeleumeester FW25, Givenchy FW25