M. Tu es une personne plutôt humble et honnête. Est-ce que la sincérité peut jouer des tours dans ce milieu ?
P. D. D’une certaine façon, je pense qu’être honnête dans la mode crée forcément des difficultés. Cette industrie vit beaucoup dans le non-dit. Le genre de conversation que nous avons depuis qu’on se connaît toi et moi est assez rare pour moi. Il n’y a pas beaucoup de journalistes avec qui je me sente vraiment en confiance.
M. As-tu l’impression que les gens ont une fausse idée de ce métier ?
P. D. Ils ont sûrement tendance à l’idéaliser, mais je ne vais pas commencer à vendre une image glamour de ma profession pour satisfaire qui que ce soit. Et puis, certain·e·s journalistes ne font pas leur travail de recherche avant de te rencontrer, ce qui peut rendre l’exercice de l’interview assez laborieux. J’ai tellement l’impression de me répéter, que c’est parfois comme jouer un disque rayé… En même temps, je dois redire certaines choses sans cesse, pour être sûr qu’on les publie.
M. Selon toi, est-ce qu’aujourd’hui, avec le rythme effréné d’une mode soumise au rendement et au profit, on attend trop des designers ?
P. D. Il faut bien reconnaître qu’un designer doit aujourd’hui savoir faire beaucoup de choses, et même certaines qui n’ont rien à voir avec le design… Il faut penser marketing, être populaire, aimer les événements et faire la fête, gagner des prix, être engagé aussi et surtout savoir s’exprimer avec élégance ! La vérité, c’est que peu de personnes s’intéressent réellement à tes vêtements.
M. Tu as raison. Tout est célébrité, opportunisme et réseaux sociaux. Le danger, pour beaucoup de designers, est de perdre pied en pensant pouvoir échapper à la réalité. D’autant plus quand beaucoup de gens les poussent
à croire qu’il·elle·s sont absolument géniaux·ales afin de les conforter dans leur ego.
P. D. Tout le monde a ses bons et ses mauvais moments, dans ce milieu. Si tu acceptes les compliments, tu dois aussi pouvoir gérer les critiques négatives. En ce qui me concerne, je les lis et les prends en compte, j’essaie juste de ne pas considérer les opinions de manière trop subjective car, au final, il est impossible de faire plaisir à tout le monde. Je fais aussi ce métier pour m’améliorer, et surtout apprendre de plus en plus. La mode est quelque chose de très personnel pour moi, comme pour d’autres qui travaillent dans ce milieu et qui critiquent mon travail. Ce dont je suis sûr, c’est que mon but est de rendre les gens heureux avec mes vêtements.