Marine Serre SS25

Chaque saison entre les fashion weeks homme de Londres et Milan, Florence se démarque avec le salon Pitti Uomo. Entre Marine Serre, invitée spéciale de cette édition, et le retour de Paul Smith, retour en 5 points sur cet événement incontournable de la mode masculine italienne.

Comment s’habilleront les hommes en 2025 ? Et quelles seront leurs envies vestimentaires les plus surprenantes ? Avant les plus grandes capitales de mode, le salon du Pitti Uomo donne le ton pour les collections masculines, tout en partageant le travail de designers iconoclastes avec une industrie en quête de sens, d’émotion, mais aussi d’innovation. Si l’on se penche sur les moments clés du salon florentin — qui se clôture aujourd’hui — ce sont surtout la sensualité et le désir de plaire, allié à une certaine nonchalance, qui nous frappent dans les plus belles collections. On aurait tendance à oublier ces derniers temps que la mode est aussi une affaire de plaisir et Florence demeure une ville inspirante, sublime et profondément épicurienne, mêlant artisanat, éclat et joie de vivre. Il est certes très compliqué de satisfaire le public mode de nos jours mais le Pitti Uomo parvient à trouver un bel équilibre entre créativité, produit et originalité. Plus le monde devient dur et violent, plus la mode aspire à s’approcher d’une certaine légèreté, qu’elle a sans doute perdu depuis la pandémie. Analyse des chapitres marquants d’un Pitti Uomo à la recherche de sensations nouvelles.

1. LE NÉO-COUTURE DE MARINE SERRE
Marine Serre SS25

Notre Marine nationale, Française rebelle de la mode, se serait-elle assagie ? Sélectionnée par le Pitti Uomo comme Guest of Honor, Marine Serre choisit la Villa di Maiano pour présenter une collection harmonieuse et sophistiquée qu’elle dédie au tailoring et à sa vision intime de la Haute Couture. Pour elle, Florence rime avec beauté, équilibre et élégance. Si ses coupes sont impeccables, ses proportions justes et ses couleurs bien choisies, ce défilé solennel manque bizarrement quelque peu de nouveautés, mais aussi d’énergie.

Marine Serre SS25

On retrouve bien sûr son imprimé croissant de lune, devenu un logo à part entière- sur des pièces en cuir et accessoires statement, évoquant la finesse et le savoir-faire de l’artisanat italien. Les drapés sont sensuels et les transparences soulignent le corps. Serre prouve également que sensualité et durabilité peuvent s’associer. S’il manque cependant une part d’émotion (et de provocation) dans une collection qui se veut plus pragmatique qu’inattendue, ses pièces upcycling faites à partir d’anciens sacs en toile restent ingénieuses et désirables. NB : La styliste française clôture son show avec des passages blancs, qu’elle envisage comme une parenthèse de paix, à l’image de sa dernière robe sur laquelle on a pu entre autres observer un message pro-Palestine. Un engagement rare ces temps-ci dans la mode qui mérite d’être mentionné et célébré.

2. LES HIPPIES DÉSINVOLTES DE PIERRE-LOUIS MASCIA
Pierre-Louis Mascia SS25

Il aura fallu attendre 16 ans pour que le designer français Pierre-Louis Mascia défile pour la première fois à Florence. Connu pour ses imprimés poétiques, ses associations de couleurs particulières et l’allure aristocrate de ses pyjamas chics, Mascia s’est toujours inspiré du vêtement d’intérieur pour finalement l’amener dans la rue. Son défilé présenté au Tepidarium Giacomo Roster (une magnifique serre dans un parc florentin) suscite l’engouement des acheteurs et de la presse. On a envie de faire partie de sa bande de danseurs, de mannequins et de ménestrels, vêtus de vêtements précieux et habités, semblent déjà avoir vécu une toute autre vie.

Le vestiaire opulent et bohémien de Mascia mélange époques et références de façon spontanée et anachronique pour obtenir un résultat d’une fraîcheur inattendue : baroque, new wave, art abstrait, renaissance et mouvement hippie peuvent enfin se tutoyer dans une collection marquée par l’optimisme et une envie pressante de liberté. Au-delà de la logique de genre — et des codes classiques de la garde-robe masculine — l’homme de Pierre-Louis Mascia poursuit sa quête spirituelle d’absolu, empreinte d’individualité et d’un désir manifeste de pouvoir tracer son propre chemin.

3. LES DANDYS DÉCONTRACTÉS DE PAUL SMITH
Paul Smith SS25

Rien de tel que l’humour pétillant de Paul Smith pour nous redonner l’envie d’un vêtement ludique, décontracté et décomplexé. À 77 ans, le styliste britannique continue d’affranchir les hommes de vêtements tristes et sans saveur pour leur proposer des looks inspirés, confortables, et surtout faciles à vivre. Véritable pionnier de la mode masculine, Smith avait été l’un des premiers à faire un défilé au Pitti en 1993. Présenté dans le cadre unique de la somptueuse Villa Favard, son “Bar Paul” offre de précieux moments de détente à des hommes aussi à l’aise dans leurs costumes cintrés qu’avec un bermuda large, une chemise à rayures, des sandales de cuir et des chaussettes imprimées.

Évoquant la garde-robe printanière de la ‘Queen Mum’, des tons pastels so British se mélangent à des bleus intenses et des blancs lumineux, évoquant la palette de prédilection d’un Yves Klein en pleine action. Paul Smith a toujours aimé les artistes peintres et leur élégance excentrique, à la fois intime et anti-conventionnelle. Il a aussi gardé une jeunesse et une sympathie qui font de lui un créateur à part. Smith dévoile également sa collaboration avec Lee, 18 pièces inspirées par des codes historiques du work wear et les grands classiques d’un vestiaire denim entièrement retravaillé.

4. LA CRÉATIVITÉ MULTIPLE DE CHINA WAVE
Raxxy SS25

Même si la scène menswear de la mode chinoise explose depuis plusieurs années, on connait encore relativement peu ses principaux protagonistes et nouveaux designers. En partenariat avec Pitti Uomo, China National Garment Association et CHIC (China International Fashion Fair), 8 marques émergentes sont mises en avant au sein de la Fortezza di Basso, aussi qualitatives qu’innovantes. On aime VALLEYOUTH, la collection bucolique imaginée par Li Wenjie et Geng Hualiang, mixant jeunesse fleur bleue et une touche de romantisme empreinte de poésie. Plus radicale et futuriste, RAXXY — dessinée par Christopher Raxxy — prend la doudoune comme point de départ dans le but de reformuler une garde-robe contemporaine. Graphique et efficace, RAXXY délaisse la nostalgie ambiante pour se concentrer sur des pièces résolument fortes et quotidiennes. Côté accessoires, la collection de bijoux BLACKHEAD, créée et produite à Shanghai, étonne par son esthétique punk et moderniste, ainsi que sa forte empreinte identitaire.

5. L’APPROCHE CONSTRUCTIVE DE S/STYLE
Florania SS25

Depuis 8 saisons déjà, le Pitti Uomo développe des projets clés autour du durable et de l’écoresponsabilité. Le showroom S/STYLE, situé dans un espace du salon dédié aux nouvelle marques, met en avant le travail de 10 designers internationaux pour qui la mode contemporaine doit forcément s’inscrire dans une optique respectant la nature et notre environnement. La journaliste italienne Giorgia Cantarini, pour qui le durable est un véritable cheval de bataille, s’occupe du scouting et de la sélection des marques pour le Pitti Uomo, tout en travaillant étroitement avec le Kering Material Innovation Lab (Kering Mil) qui fournit des tissus aux designers sélectionnés qu’ils peuvent utiliser dans leurs collections. Ils bénéficient aussi d’un stand gratuit au sein du salon, leur donnant un maximum de visibilité auprès de la presse et des acheteurs internationaux. Dans cette toute dernière édition du S/STYLE, on retient le work wear urbain de la marque britannique Denzilpatrick, et le streetwear coloré de Florania lancé en 2021 par Flora Rabitti, ainsi que les manteaux pièces uniques de Unsung Weavers, dessinés et produits en Grèce. Au final, le durable sait faire preuve d’innovation