Choisi pour concevoir les tenues des athlètes français·es aux Jeux Olympiques de Paris 2024 avec Le Coq Sportif, le créateur Stéphane Ashpool revient pour Mixte sur son processus créatif et la genèse de cette collection inédite dévoilée en intégralité ce mercredi 13 mars.

À moins de vivre comme un·e ermite isolé·e du monde au fin fond d’une grotte depuis des mois, vous n’êtes pas sans savoir que Paris accueillera les Jeux Olympiques 2024. À l’occasion, la lourde tâche consistant à créer et confectionner les tenues des athlètes français·es a été confiée à la marque française Le Coq Sportif sous la direction du créateur pluridisciplinaire Stéphane Ashpool, connu pour avoir lancé Pigalle en 2008, son propre label streetwear ayant remporté le Prix de l’ANDAM et ayant notamment collaboré avec des marques de renoms comme Nike, Stüssy, Patta ou encore Beats.

Après plusieurs mois de teasing, l’intégralité de la collection olympique signée Stéphane Ashpool X Le Coq Sportif vient d’être dévoilée ce mercredi 13 mars. Un projet pharaonique qui a nécessité deux ans de travail acharné et qui comprend au total 150000 pièces pour habiller les quelques 3200 personnes de la division française parmi lesquels 840 athlètes français·es. On y retrouve ainsi les tenues “performance” portées au cours des épreuves, les tenues hors du terrain prévues pour les entraînements, celles pour les cérémonies de remise de médailles, ou encore celles pour les conférences de presse. À peine dévoilée, la collection a déjà marqué les esprits avec sa varsity jacket arborant l’emblème de la flamme olympique ou encore son fameux drapeau tricolore en dégradé décliné sur de nombreuses pièces. Pour Mixte, Stéphane Ashpool revient sur son processus créatif et la genèse de cette collection qui marquera sans doute l’histoire de la mode et du sport en France.

Mixte. Comment t’es-tu retrouvé sur le projet des JO de Paris 2024 ? Comment as-tu été approché ?
Stéphane Ashpool.
On m’a contacté il y a deux ans environ pour me parler d’un projet avec Le Coq Sportif et l’équipe de France. C’était en pleine Fashion Week, je me rappelle. On a fait un rendez-vous dans mon atelier pendant deux heures. Deux semaines après, je signais le contrat et c’est là que tout a commencé.

M. La réalisation totale du projet et de la collection a donc pris deux ans au total, c’est bien ça ?.
S.A.
Exactement. Au départ, l’idée était de bien comprendre le cahier des charges car les JO, c’est quand même un projet bien costaud. Il fallait que je comprenne où j’étais car c’était très différent des collaborations que j’avais pu faire par le passé. Il fallait que je sache quels étaient les moyens dont je disposais et dans quelles conditions je pouvais concevoir tout ça. Ça, c’est pour la partie plus technique. Ensuite, il y a toute une partie beaucoup plus fun où j’ai pu échanger et passer du temps avec différents athlètes qui m’ont fait part de leur envie et de leur désir concernant les tenues qu’il·elle·s allaient devoir porter. Ce qui ressortait de ces échanges, c’était une volonté de paraître frai·che·s lumineux·ses, chic et modernes. Ensuite j’ai pris deux à trois mois avec mes équipes pour travailler librement et faire des essais de teinture, de print, de broderies etc.

M. Qu’est-ce qui est ressorti de ces essais ? Qu’as-tu voulu transmettre et créer absolument ?
S.A.
On a vite vu qu’on voulait utiliser un blanc cassé pour le côté héritage et justement éviter un blanc optique trop connoté sport et assez difficile à porter sur le corps. Surtout, il fallait réinterpréter le drapeau français avec ce bleu et ce rouge qui ne sont pas très évidents à porter. On les a mélangés pour créer de nouvelles couleurs en créant ce fameux bleu blanc-rouge dégradé qui permettait de faire écho à la diversité des corps, des disciplines sportives et des cultures. Ce qui représente bien la France d’aujourd’hui.

M. Quel a été ton plus gros challenge ?
S.A.
Je dirais que ça a été de produire et confectionner majoritairement en France et à proximité. La majeure partie de la collection a été réalisée dans les ateliers de la marque Le Coq Sportif en France et le plus loin qu’on ait produit pour le reste, c’était au Maroc. C’est un quasiment un exploit d’avoir pu produire de cette façon aujourd’hui. On en est très fier·ère·s. Dans un cas plus précis, il a aussi fallu par exemple trouver des artisans capables de réaliser en France des tenues de Judo qui ont dû ensuite être homologuées. Tout ça est très politique. En fait, chacun des sports avait son propre challenge.

M. Est-ce que tu as fait face à des réticences ou à des réserves par rapport à tes créations ?
Bien sûr.
Notamment avec le fameux dégradé bleu-blanc-rouge. Quand on propose ce genre d’idée avec des nouveaux coloris comme du turquoise ou du rose, tout le monde n’est pas forcément d’accord au départ. Il y a un chemin à parcourir. Mais c’est normal. Avec ce genre de projet à envergure internationale et qui suscite énormément d’espoirs et d’attentes, c’est presque normal de faire face aux critiques. Ça n’est pas toujours très agréable à encaisser, je dois le reconnaître, mais ça fait partie du jeu. De toute façon, on voit bien en France que dès qu’on touche au drapeau ou à des symboles de ce type, ça inquiète. Mais au final ce qui m’intéresse et ce qui m’importe, c’est l’ensemble du projet qui est beaucoup plus complet. D’ailleurs, cette semaine, toutes les images de la collection ont été dévoilées et elles montrent bien la richesse et la diversité des tenues et de notre processus créatif.

M. Justement, quelle est la pièce dont tu es probablement le plus fier dans cette collection ?
S.A.
C’est difficile si je devais en choisir qu’une, ce serait certainement la tenue podium prévue pour recevoir les médailles. Elle ressemble un peu à un costume de sport. Elle est très simple mais se démarque grâce à ses nombreux détails de confection, notamment avec ses fils double-teint : un fil brillant, un fil mat, des surpiqûres en zigzag, des bords-côtes. C’est très discret et neutre mais quand on le porte, on est super chic.

M. À travers ta marque Pigalle et tes projets annexes, tu as toujours été proche de l’univers du sport. Est-ce que tu vois cette collaboration avec les JO comme un accomplissement personnel et professionnel ?
S.A.
Je dois dire que je n’ai pas encore assez de recul par rapport à ça. Évidemment, le projet est sans égal mais je suis encore en plein dedans, très concentré et discipliné avec tout ce qu’il me reste à faire. Avec mon équipe, on va encore devoir fignoler des tenues jusqu’au début de l’événement afin de faire face à tous les aléas liés à la compétition, étant donné que tous les athlètes n’ont pas encore été sélectionné·e·s. J’ai jamais été autant occupé de ma vie. Cela dit, au-delà de ça, je me rends bien compte que c’est cool et je pense que je pourrais pleinement me rendre compte pleinement de la portée de ce projet dans quelques années.