2. Le concept d’influence et de tendance
Louis XIV était l’ultime arbitre du style. Passionné de théâtre, il a pris son sobriquet auto-sélectionné « le Roi Soleil » de ses performances de jeunesse en tant qu’Apollon dans les ballets de la cour, et son amour de l’artifice dramatique et de la splendeur rococo a imprégné sa garde-robe hors-scène. En gros, les modes qu’il a introduites étaient colorées, volumineuses et ornementales. Camp à souhait. Camp as fuck. Soit l’antithèse totale d’un style espagnol austère digne d’une sévère dépression saisonnière hivernale. Les représentations idéalisées du roi sont alors apparues dans les gravures de mode et ses looks ont été rapportés dans les magazines de couture de l’époque. Avec sa crinière bouclée distinctive et ses chaussures hautes à talons rouges emblématiques (werk missy !), Louis a combiné l’autorité incontestable d’une Anna Wintour avec le talent d’entertainer d’un Ru Paul. C’est aussi comme ça qu’il a réussi à imposer la fameuse “étiquette”, ce code vestimentaire strict et absurde imposé à la cour qui, au-delà d’obliger les courtisans à s’habiller et à se comporter suivant leur rang, assurait un marché stable pour les vêtements et les bijoux de fabrication française.
En bons Poutine et Kim Jong Un de leur époque, Le Roi Louis XIV et Colbert ont ainsi utilisé toute la gamme des médias disponibles au service de leur campagne de propagande de mode. Comme l’écrivait l’historien de l’art Maxime Préaud dans le catalogue de l’exposition du Getty Research Institute “A Kingdom of Images: French Prints in the Age of Louis XIV”, “dès le tout début de son règne, Louis XIV a compris que les images avaient le pouvoir de façonner la perception”. Or, on reproche souvent à Louis XIV d’avoir essayé de contrôler ses nobles en les forçant à se ruiner sur les modes françaises (ce qui n’est pas faux), mais, en réalité, il a souvent lui-même couvert ces dépenses, estimant que le luxe était nécessaire non seulement à la santé économique du pays mais aussi au prestige et à la survie même de la monarchie (une sorte d’état-providence avant l’heure mais uniquement pour les riches, sinon c’est moins drôle).