Qui dit mois de Juin, dit été et… fierté. Alors qu’on assiste comme tous les ans à un assaut des marques sur le rainbow flag, motivées par des intentions plus ou moins honnêtes, Mixte vous propose une petite liste d’indispensables – documentaires, films et livres – classiques et nouveautés mélangées ayant pour objet la communauté LGBTQIA+ et ses combats.

« PS : Burn This Letter Please » – Documentaire de Michael Seligman et Jennifer Tiexiera · 2020 (États-Unis)

 

Diffusé à la Mutinerie à Paris le 5 juin dernier, ce documentaire réalisé par Michael Seligman et Jennifer Tiexiera retrace l’histoire de Lennie, Robbie, George, Michael, Jim, Henry, Claude, Tish et Terry, un groupe de drag queen newyorkaises dans les années 50, à partir d’archives : un paquet de lettres tenues secrètes pendant près de 60 ans et leurs récits. Elles racontent leur quotidien, entre survie et flamboyance, à une époque où le drag était puni par la loi et les drag queens pas toujours accepté dans la communauté gay. Dispo sur Discovery +.

« Paris is Burning » – Documentaire de Jennie Livingstone – 1990 (Etats-Unis)

 

« Get off the floor. Get off the floor. Learn it and learn it well. » Le docu de Jennie Livingstone reste la référence incontournable pour tout novice qui souhaiterait prendre une bonne leçon de fierceness et surtout comprendre comment est née la scène ballroom, subculture créée dans les années 70 à New York par les communautés LGBTQI+ afro et américaines, le voguing, la danse qui en est issue, et connaître les superstars de cette scène comme Willi Ninja ou encore Angie Xtravaganza qui ont donné leur noms à des « houses » devenues incontournables. A la camera de Jennie, alors qu’elle était encore étudiante en production, les légendaires mothers racontent leur histoire et le rôle des balls, qui étaient à l’époque un véritable lieu de résistance dans un contexte où se mêlaient luttes contre l’épidémie de sida, contre la violence de l’administration raciste, transophobe et homophobe de Reagan et boom de la gentrification de NYC, excluant les plus précaires. Si « Paris is Burning » reste une très bonne ref, les adeptes de la scène ballroom constateront très certainement que les codes ont radicalement changé. A commencer par le voguing en lui même, qui est passé des lignes angulaires mythiques de Willi Ninja inspiré des arts martiaux et des poses de mannequins, à des mouvements comme le duckwalk, le floor ou encore le dip. Certaines figures de la scène ballroom parisienne actuelle, comme Habibitch, ont également émis des réserves autour du white gaze et de l’appropriation culturelle dont le docu pouvait faire l’objet. On peut effectivement se demander quel est le degré d’objectivité que porte Jennie Livingston, une documentariste blanche, lesbienne, cis de classe moyenne sur une communauté racisée, queer et précarisée. Ce qui nous amène à notre 3ème reco…

« Kiki », réalisé par Sara Jordeno et Twiggy Pucci Garçon, 2016, Etats-Unis/Suède.

 

25 ans après « Paris is Burning », la suédoise Sara Jordeno co-réalise avec Twiggy Pucci Garçon, figure éminente de la scène ballroom new yorkaise, un reportage sur la scène kiki – scène ballroom où les jeunes LGBTQI+ issu∙e∙s des communautés noire et latinx s’adonnent à l’art du runway et du voguing ndlr- de New York, sur fond de protestations Black Lives Matter et Trans Lives Matter. Plus engagé, plus underground, plux actuel, « Kiki » est une plongée sans concessions dans l’univers des ballrooms en tant que lieux d’expression artistique et des combats de la communauté LGBTQI+ noire et latinx.

« Flee » – film d’animation Jonas Poher Rasmussen, 2021, Danemark.

Moins flamboyant que « Kiki » mais non moins prenant aux tripes, « Flee » raconte l’histoire vraie d’Amin, immigré afghan homosexuel ayant fui son pays adolescent pour rejoindre non sans peine le Danemark à 16 ans et devenu un éminent professeur d’université par la suite. Un récit où s’entremêlent exil, politique et acceptation de soi, « Flee » a reçu une flopée de prix dans les festivals du monde entier et 3 nominations aux Oscars. Diffusé sur Arte en prime time le 30 mai dernier, il est encore dispo en replay sur le site de la chaîne franco-allemande.

« La petite dernière », Fatima Daas, Noir sur Blanc, 2020.

 

« J’écris des histoires pour éviter de vivre la mienne. J’ai fait quatre ans de thérapie. C’est ma plus longue relation. L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. Je me croyais polyamoureuse. Lorsque Nina a débarqué dans ma vie, je ne savais plus du tout ce dont j’avais besoin et ce qu’il me manquait. Je m’appelle Fatima Daas. Je ne sais pas si je porte bien mon prénom. » Histoire de ne pas finir les yeux tout rouges faute d’un temps d’écran excessif et aussi parce que c’est un vrai coup de coeur, on vous recommande le premier roman de la jeune romancière musulmane et lesbienne Fatima Daas – qu’on avait rencontré pour une interview à lire ici  -. Saluée par la critique, « La petite dernière », traite des questions d’identité et d’intersectionnalité en pointant du doigt les paradoxes de la société française et la violence des discriminations.

« Archives des mouvements LGBT+ : Une histoire de luttes de 1890 à nos jours », Antoine Idier, Textuel, 2019.

 

PMA, GPA, reconnaissance des personnes trans et intersexes, lutte contre les violences homophobes : tout n’est pas encore rose au pays de l’arc-en-ciel. Quelle est la place pour les décennies à venir des combats LGBT+ ? Antoine Idier, sociologue et historien spécialiste de l’homosexualité et auteur de Archives des mouvements LGBT+ : une histoire des luttes de 1890 à nos jours, donne dans cet ouvrage plusieurs éléments de réponse.  Avec beaucoup d’humour et sans jamais rien taire de la violence sociétale sous-jacente, il retrace dans ce livre illustré plus d’un siècle de combats à coups de subversions, pavés, provocations et créativité. Tracts, fanzines, photos, affiches : ces archives, soutenues par les interventions et réflexions d’une vingtaine d’invités (militants, professeurs, conservateurs de musées, chercheurs, sociologues…) jalonnent les époques tout en témoignant des luttes et des mentalités du moment.

« Orlando », Virginia Woolf, 1928.

 

Au delà du fait d’être l’un des plus beaux romans de la littérature, « Orlando » est aussi un vrai manifeste LGBT+ en mettant en scène le premier personnage transgenre célèbre de la littérature classique. Inspiré par et dédié à la charismatique Vita Sackville-West, avec qui Virginia Woolf a entretenu une relation amoureuse, « Orlando » suit un.e protagoniste tour à tour homme, puis femme durant trois siècles d’Histoire jusqu’à devenir une poétesse célèbre à l’aube du vingtième siècle. Tout comme Orlando durant sa quête d’identité et de vérité à travers les siècles, le livre de Virginia Woolf n’a pas pris une ride et se (re)lit toujours aussi facilement.