Marche nationale des homosexuels et lesbiennes, le 19 juin 1982, à Paris. Photo archive de l’exposition “Sous les paillettes, l’archive !”. 

Qui dit mois de juin dit mois des Fiertés. L’occasion pour Mixte d’établir une check list de docus, films, livres, ouvrages, événements et programmes (qu’ils soient des classiques ou des nouveautés) reflétant la richesse créative et l’âme combattive et militante de la communauté LGBTQIA+. Read, watch and learn.

Cette année en France, on célèbre les 10 ans du mariage et de l’adoption pour tous (#TeamTaubiraForEver). Mais ce n’est pas une raison pour croire que tout est rose au pays désenchantée des LGBT. Alors qu’aux États-Unis, les parlements du Texas et du Nebraska ont voté une loi interdisant les transitions médicales pour les mineur·e·s trans, que l’état du Montana a lui interdit aux Drag Queens de lire des livres à des enfants dans les écoles et les bibliothèques et que la Floride a tout juste adopté une proposition de loi permettant d’enlever les enfants trans à leurs parents si ces derniers les aident à réaliser leur transition, en Ouganda le parlement a récemment fait passer un texte anti-LGBT dans laquelle une disposition fait de “l’homosexualité aggravée” un crime capital, passible d’une condamnation à mort.

Dans ce contexte plus qu’inquiétant, inutile de vous préciser en quoi le mois des Fiertés est encore aujourd’hui un événement politique et culturel indispensable en soutien à la communauté queer. Une communauté qui continue de subir au quotidien la violence d’une société cis-hétéronormée, capitaliste et patriarcale, pour ne pas dire homophobe, duh ! (le pinkwashing et le rainbow capitalism, ça vous dit quelque chose ?). En france, on pourrait naïvement se croire un peu plus respecté·e·s et protégé·e·s, mais en fait non. Il suffit de voir les dernières infos liées au sujet pour se rendre compte d’une évolution extrêmement préoccupante. Selon un récent rapport de l’association SOS Homophobie, les agressions physiques homophobes ont augmenté de 28 % sur le territoire français entre 2021 et 2022, soit une tous les deux jours. Malheureusement pas si étonnant que ça quand on voit que le 26 mai dernier, le groupe Les Republicains (LR) au Sénat a créé un groupe de travail sur la « transidentification des mineurs » afin de s’attaquer aux droits des personnes trans en France. Un mois plus tôt, c’est le Rassemblement National qui fondait une association parlementaire transpartisane pour combattre “la propagande LGBT” dans les écoles et mettre fin à la “menace transgenre” dans le sport féminin.

La diffusion décomplexée de cette idéologie d’extrême-droite liberticide a aussi récemment envahi les bancs de l’éducation nationale. Il y a deux mois, à Pont-Sainte-Maxence (France), le lycée privé Saint-Joseph-du-Moncel a annulé un atelier autour des questions LGBT+ qui avait été prévu dans le cadre d’une « semaine de l’égalité », après les contestations du collectif d’extrême-droite « Parents vigilants ». Idem au lycée Jean-Paul-II (Compiègne, France) qui a interdit à ses professeurs de montrer aux élèves un film sur un couple lesbien au Kenya ; le proviseur ayant déclaré que le film « banalise l’homosexualité » alors que « ça reste une minorité et heureusement pour notre humanité ». Le genre de bad news qui fait drôlement penser à la récente déprogrammation d’une pièce de théâtre à Béziers par son maire Robert Ménard (pour rappel, élu en 2014 avec le soutien du RN) car cette dernière évoquait l’homosexualité du résistant Jean Moulin. Pendant ce temps, c’est Lou Bailly-Biichlé, une autre maire (celle du village de Vandelans en France), qui elle  a démissionné le 19 mai dernier après avoir notamment reçu des insultes lesbophobes et une menace au couteau.

Histoire de ne pas s’avouer vaincu·e·s et se dire que tout est foutu, Mixte vous a préparé une check-list culture qui atteste en 11 points l’engagement politique tenace et la créativité foisonnante et cathartique de la communauté LGBTQIA+, ainsi que son immense capacité de résilience grace à l’art, la musique, l’écriture ou le témoignage. We’re here. We’re queer. Get used to it.

1. Essai – “Pédés”, sous la coordination de Florent Manelli, Collectif, Éditions Points, Juin 2023.

Comment se libérer des normes établies par la société, tout en faisant partie d’une communauté teintée, elle aussi, de carcans patriarcaux, coloniaux et classistes ? Comment combattre les discriminations à l’extérieur comme à l’intérieur de la communauté gay ? Telles sont les problématiques auxquelles l’écrivain et illustrateur Florent Manelli tente de répondre avec cet ouvrage, qui reprend fièrement un stigmate pour titre. Réunissant à sa table huit militants LGBTQIA+, journalistes, écrivains et artistes – dont Anthony Vincent, fidèle collaborateur de Mixte – Florent Manelli, livre ici une proposition collective, pour une nouvelle solidarité au sein des luttes gays.

2. Essai – “Queer Theory, une identité graphique”, de Meg-John Barker et Jules Scheele, Éditions La découverte, Mars 2023.

“Queer » : est-ce une identité de genre ? Une orientation sexuelle ? Un mouvement politique ? Une théorie académique ? Meg-John Barker, activiste et universitaire et Jules Scheele, illustrateur, analysent et illustrent la notion Queer dans un ouvrage pédagogique et humoristique, afin de la démocratiser et de la rendre abordable pour tous. En retraçant la généalogie du terme “queer”, de l’insulte homophobe utilisée contre Oscar Wilde en 1894 au marqueur identitaire ou politique un siècle plus tard, cet ouvrage passionnant fait état des pensées et des luttes féministes et antiracistes qui ont abouti à identifier le genre comme une construction sociale. A must-read.

3. Documentaire – “Sortir de l’ombre”, réalisé par Anna Roch et diffusé sur FranceTV, 2023.

Ce documentaire poignant nous rappelle que s’il y a des progrès, la route est encore longue aux Antilles-Guyane, pour faire valoir les droits des personnes LGBTQIA+ et faire évoluer les mentalités. À travers les récits de Brice, Léon, Angel et Alan, et l’artiste Noam Sinseau, tous originaires des Antilles, “Sortir de l’ombre” nous plonge directement dans la réalité des combats, des souffrances et des passions pour l’affirmation de la légitimité de la communauté LGBTQIA+ martiniquaise. L’analyse de Nadia Chonville, docteure en sociologie, vient accompagner et compléter la lecture de ces témoignages. Elle souligne notamment que l’homophobie, en Martinique, trouve son origine dans l’histoire de la colonisation et dans l’importance culturelle des stéréotypes de genre qui valorisent la virilité. Le documentaire est disponible ici sur France TV.

4. Documentaire – “Guet-Apens, Des crimes invisibles”, Médiapart, David Perrotin, Sarah Brethes et Mathieu Magnaudeix, avril 2023.

Quarante ans après la dépénalisation de l’homosexualité en France, ce documentaire signé Médiapart, nous rappelle que c’est dans ce même pays que les gays sont encore et toujours la cible de violences. “Guet-Apens” se penche particulièrement sur les pièges homophobes tendus par des hommes à d’autres hommes, gays, via internet et les applis de rencontre, qui font de nombreuses victimes, souvent silencieuses, humiliées et parfois brisées, des morts aussi. Un fléau face auquel les réponses policière et pénale ne sont pas encore à la hauteur. Les journalistes David Perrotin, Sarah Brethes et Mathieu Magnaudeix décortiquent avec soin ce phénomène de guet-apens homophobes, illustré par de nombreux témoignages, glaçants mais nécessaires à entendre pour prendre la mesure de l’homophobie toujours existante en France.

5. Biographie – “Zami. Une nouvelle façon d’écrire mon nom”, Audre Lorde, Éditions Mamelis, 2001.

Dans ce classique de la littérature queer, la poétesse afroféministe américaine Audre Lordre remonte le fil de sa vie dans ses mémoires qu’elle qualifie elle-même de “biomythographie”. Elle raconte avec humour et tendresse son amour pour les femmes – “Chaque femme que j’ai aimée a laissé en moi son empreinte”, écrit-elle –, ses années passées au sein de la communauté lesbienne du Village new-yorkais dans les années 1950, et ses réflexions essentielles sur l’intersectionnalité.

6. Lectures – “L’Opoponax” de Monique Wittig, Mairie du 10ème, jeudi 8 juin de 19h à 21h.

Le temps d’une soirée, la mairie du 10ème arrondissement de Paris, accueille une représentation de lecture-mise en espace de “L’Opononax”, le premier roman de la romancière et militante féministe Monique Wittig, écrit en 1964, qui a reçu le prix Médicis la même année et qui est considéré comme le premier ouvrage moderne sur l’enfance et la construction du genre.

7. Exposition – “Sous les paillettes, l’archive !”, du 5 au 30 juin 2023 à l’hôtel de la Métropole à Lyon.
Archives de « Mémoires Minoritaires ».

Cette expo explore près d’un siècle et demi du mouvement LGBTQIA+ en France, des premiers engagements en 1868 à maintenant, à partir de documents collectés par l’association Mémoires minoritaires. Elle revient sur des moments clés de l’histoire de la lutte des droits LGBTQIA+ comme les mobilisations lyonnaises de 1981-1982 pour la garde des enfants d’un couple de femmes, qui avait reçu le soutien de Gisèle Halimi à l’époque. Au-delà des évènements phares qu’elle célèbre, cette expo met en lumière l’importance du travail de mémoire qui nous aide à mieux comprendre le présent et nous permet de transmettre les ressources des luttes passées à celles d’aujourd’hui et de demain.

8. Émission – “Drag Race France : saison 2”, France TV. Animée par Nicky Doll, Daphné Bürki et Kiddy Smile.

Après l’énorme succès de la saison 1 qui a révélé au grand public les fabuleuses Paloma, Soa de Muse ou encore la Grande Dame, entre autres, Drag Race France revient pour une deuxième saison qui s’annonce LÉ-GEN-DAIRE. Toujours animée par Nicky Doll, Daphné Bürki et Kiddy Smile, la saison 2 sera diffusée sur France 2 en deuxième partie de soirée et sur la plateforme France TV slash. La diffusion du premier épisode est prévue pour le 24 juin 2023, jour de la Marche des fiertés à Paris. Et à l’heure où même en France les Drag Queens sont victimes d’une chasse aux sorcières insoutenable de la part des lobbys d’extrême droite, cette saison aura davantage le goût de la résilience et du combat.

9. Essai – “Manifeste pour une démocratie vivante – Amours queers face au fascisme.”, Costanza Spina, Édition Trouble, Mai 2023.

Dans cet essai, la journaliste Costanza Spina, fondatrice du média Manifesto XXI et co-créatrice du podcast “Lesbiennes au coin du feu”, démontre la filiation entre démocraties capitalistes et régimes autoritaires et comment les personnes queers, dans l’ombre de ces systèmes productivistes et violents ont appris à s’aimer, à prendre soin, à rendre justice autrement. Là où le fascisme et le capitalisme estiment que seules certaines vies sont dignes d’être vécues, la pensée queer et féministe nous enseigne que toutes les vies comptent. Costanza Spina théorise ici la révolution romantique queer comme une lutte radicale, et met au défi de se réinventer par les imaginaires révolutionnaires de l’amour.

10. Documentaire – “How do I Look”, réalisé par Wolfgang Busch, 2006.

Signé par le réalisateur allemand Wolfgang Busch, “How Do I Look”, nous plonge dans la communauté ballroom de Harlem à New York au milieu des années 2000. Derrière la flamboyance des scènes de danse, des costumes et des trophées, Wolfgang Busch n’oublie pas le contexte social et politique (homophobie, transphobie, sida, sérophobie…) dans lequel évoluent les membres de cette scène incarnée ici par plusieurs “legends” telles que Willi Ninja, Kevin UltraOmni, Octavia St. Laurent, Pepper LaBeija and Jose Xtravaganza. Pour info, “How Do I Look” est pour beaucoup considéré aujourd’hui comme le véritable documentaire dédié avec honnêteté et respect à la culture Ballroom. Certainement pas comme “Paris is burning”, cet autre célèbre documentaire controversé tourné en 1990 par la cinéaste Jennie Livingston et qui a été accusée des années plus tard d’avoir fait le jeu d’un certain voyeurisme malsain en ayant exploité des membres de la ballroom pour son film. C’est d’ailleurs ces révélations d’accusations d’exploitation qui ont inspiré le tournage de “How Do I Look”, avait déclaré le co-assistant réalisateur Kevin Omni au média The Daily Dot en mai 2015. Justice et bonne nouvelle : “How Do I Look” est désormais disponible dans son intégralité sur Youtube.

11. Livre – “Rainbow Music, les 103 albums qui ont contribué à l’émancipation de la culture LGBTQ+”, Romain Burrel, sortie le 13 juin chre GM Éditions.

On ne vous apprendra rien si on vous dit que la communauté LGBT a eu une influence majeure dans l’histoire de la pop culture et plus particulièrement dans celle de la musique. Afin tout de même de le notifier pour celleux qui l’auraient oublié, le journaliste et auteur Romain Burrel, également collaborateur de Mixte (big up !), sort le 13 juin aux éditions GM son livre “Rainbow Music, les 103 albums qui ont contribué à l’émancipation de la culture lgbtq+”. Tout est dans le titre : l’ouvrage propose donc de redécouvrir quelques évidences – de Marlene Dietrich à Beyoncé, en passant par Freddie Mercury et Lil Nas X – mais aussi de s’instruire sur quelques joyaux injustement oubliés ou peu célébrés, comme la compositrice trans Wendy Carlos ou la blueswoman Bessie Smith. Au-delà des artistes queers en tant que tel·le·s, le livre rend aussi hommage à certain·e·s artistes hétéros qui ont fait leur part du boulot en chantant les amours queers. Enfin, on en apprend un peu plus sur comment certaines chansons ont fini par devenir des classiques incontournables au sein de la communauté LGBT, comme par exemple le titre “Young hearts run free” de Candi Staton, dont les paroles racontent à l’origine l’histoire d’une femme battue mais qui a fini par se transformer en un hymne gay de résilience. C’est clair, sans l’oreille musicale queer, le monde serait vachement plus chiant. On a de quoi être fier·ère·s.