Fidèle à une longue tradition de soutien envers la jeune création (il a notamment révélé Yves Saint-Laurent et Karl Lagerfeld), le prix Woolmark est l’un des prix les plus anciens et les plus prestigieux de l’industrie de la mode. Maqué avec certains des plus grands organismes de la mode, il vise à identifier les nouvelles pépites parmi la jeune création en les soumettant à l’épreuve… de la laine mérinos. Avec 200 000$ à la clé, les finalistes doivent développer 6 looks en laine mérinos, tout en soulignant l’adaptabilité, le caractère innovant et l’intérêt écologique de celle-ci.
« Le secteur de la mode et du textile continue à évoluer dans un environnement en changement permanent”, explique John Roberts, le directeur exécutif de la marque. Nous espérons que notre soutien à travers le prix international Woolmark va inspirer les designs et nourrir les stratégies commerciales des finalistes.” Pour développer leur collection de 6 looks, les créateurs et créatrices en lice ont été conseillés par des personnalités majeures du milieu comme Gabriella Karefa-Johnson, rédactrice mode pour Vogue et styliste, Holli Rogers, directrice de marque chez Farfetch ou encore Sara Sozzani Maino, conseillère en recrutement et formation chez Vogue Italie et ambassadrice internationale de la Chambre nationale de la mode italienne. Cette année, le thème était “Dialogue”, perçu à la fois comme un élément central du processus de la création et une lettre à la prochaine génération. Le jury, composé entre autres du photographe Tyler Mitchell, a décidé de récompenser hier soir le label nigérian Lagos Space Programme.
Fondé par Adeju Thompson, 31 ans, originaire de Lagos, la mode façon LPS est enracinée dans l’idée de la décolonisation. Chaque pièce imaginée par Lagos Space Programme s’inspire des attitudes genderfluid du peuple indigène nigérian, les Yorubas. Les looks de Thompson, quelque part entre tradition et modernité, lui ont d’ailleurs valu de se retrouver à deux reprises en finale du prix LVMH pour les Jeunes Créateurs de Mode. « Au Nigeria, il n’y a aucun soutien du gouvernement pour la jeune génération. Recevoir le prix Woolmark signifie énormément », a déclaré le créateur après avoir été sacré hier soir. « Je veux préserver et réinterpréter la culture nigériane. » Dans ses créations, Adeju Thompson explore les parallèles entre les codes genderfluid du peuple Yoruba et ceux des sous-cultures contemporaines. La collection imaginée par Lagos Space Programme pour le prix Woolmark réinterprétait le textile “adire”, ce tissu teint à l’indigo fabriqué par les femmes Yoruba.
“L’idée centrale de cette collection est de préserver et célébrer la culture nigérianne, mais aussi de mettre en avant l’activisme dans mon travail. En tant que personne queer nigérianne, il est très important de communiquer qui je suis”, explique le créateur. “Pour autant, je veux aussi en finir avec les clichés sur le design africain”, poursuit-il. “ Je ne veux pas être défini comme ‘designer africain’, car je veux créer des vêtements qui, peu importe le contexte dans lequel ils se trouvent, puissent être appréciés par tout le monde.” Alors que le président nigérian fraîchement élu en mars dernier, Bola Tinubu, se prépare à supprimer le mois prochain une subvention au carburant – déjà hors de prix pour son peuple – Adeju Thompson a déclaré que l’enveloppe de 200000$ du Prix Woolmark lui permettrait, entre autres, d’investir dans l’infrastructure du studio de Lagos Space Programme, notamment dans l’installation d’un panneau solaire afin d’être indépendant du réseau national nigérian.