3. Big Dick Energy
Subversif, le pénis l’est donc en sortant de plus en plus à découvert dans les séries (parce que prime time tv, parce que s’invitant dans les foyers et donc regardées en famille, contrairement aux films qui se font mater en douce dans les salles obscures, t’as capté ?). Pour autant, à la question : y’a-t-il vraiment du nouveau sous le capot ? Nope. L’espace public s’est depuis longtemps acclimaté à la présence de pénis, entre les pissotières improvisées dans les rues, les dessins de bites dans les toilettes et bancs d’écoles et ceux tagués sur les murs et le bitume de nos villes. On le retrouve glorifié depuis des lustres en déco – le vase Shiva d’Ettore Sottsass créé dans les années 70, la sculpture Rocking Machine en forme de pénis d’Herman Makkink vu dans Orange Mécanique en 1971, et plus récemment la décoration murale Memorabilia Mvsevm de Seletti ou encore la moquette des couloirs de l’hôtel Amour à Paris. Des boulangeries-pâtisseries qui ont pignon sur rue n’hésitent pas à mettre la main à la pâte et à sortir de leur four des pénis comestibles et richement fourrés (Legay Choc, la Quequetterie…). Ajoutons à cette liste la pratique de l’envoi de dick pics (consenti ou pas) et dont la dérive condamnable, le revenge porn, a tristement engendré l’un des derniers souvenirs communs pré-Covid en France (on parle bien de l’affaire Griveau)… Finalement quand on y repense, le pénis a toujours été à la mode. On pense à Rick Owens qui fait défiler des pénis la truffe au vent en 2015. Ce nu frontal en front row a insufflé #freethepeen sur les réseaux sociaux, comme une prolongation du mouvement de demystification #freethenipple. On a également aperçu le pénis sous forme de broche chez Vivienne Westwood à l’automne-hiver 2017, de bijoux brodés à la main dans des coffrets “célébrant la liberté d’aimer qui on veut” chez Macon&Lesquoy en 2018, de porte-clés chez JW Anderson en 2020. Et que dire de tous ces “bulges”, ces paquets moulés affichés en grand dans des campagnes pubs qui marque depuis toujours notre paysage mental, de Mark Wahlberg pour Calvin Klein dans les années 90 à David Beckham pour Emporio Armani en 2008 ? En remontant le fil à coudre de l’histoire de la mode, on se rend compte que l’entre-jambe masculine a toujours eu droit à un traitement cousu main. Et comment ne pas mentionner les oeuvres photographiques de Robert Mapplethorpe, particulièrement celle baptisée Man in Polyester Suit qui montre un penis sortir d’un costume trois pièces et qui a été vendue pour la modique somme de 500000 dollars lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s en 2015 ? Comme le soulignait Denis Bruna, commissaire de l’exposition Tenue Correcte Exigée en 2017 au Musée des Arts Décoratifs de Paris, dans une interview au Monde : “Dans l’histoire du vêtement, le pénis avait déjà été mis en valeur. Par les pantalons serrés du XIVe siècle, les bragues du XVIe, sortes d’étuis péniens décorés de rubans ou de tissus, les culottes ¬moulantes du XIXe…”. N’oublions pas non plus la tendance de la Merkin, apparue en 1450. Aussi appelée “pubic wig” (perruque pubienne), elle était utilisée à l’origine par les prostituées pour éviter les maladies, peut-on lire dans l’Oxford Companion to the Body. L’ouvrage ajoute que cette parure féminine est devenue une pièce de la garde-robe drag, tout comme l’objet d’un certain fétichisme sexuel.