Il a joué au côté d’Amy Winehouse et de John Legend avant d’exploser à la télévision anglaise dans l’émission « Britain’s Got Talent ». À 39 ans, Tokio Myers vient de créer la bande-originale d’un show à la demande de l’horloger Jaeger-LeCoultre. Une nouvelle collaboration artistique pour la marque suisse s’inscrivant dans « Made of Makers », son programme réunissant une série de collaborations avec des artistes, designers et artisans issus de diverses disciplines créatives. L’occasion de poser quelques questions au pianiste et compositeur anglais sur son univers et ce projet inattendu.
MIXTE. Ta musique mélange classique, hip-hop, électro… Comment la définirais-tu ?
TØKIO M¥ERS. Bien sûr, le classique et le piano sont au cœur de tout ce que j’entreprends. Mais, je me suis toujours demandé comment les grands compositeurs comme Chopin ou Beethoven travailleraient aujourd’hui. On dispose de tellement de ressources — de machines, de samples, de musiques différentes — qu’ils n’avaient pas à leurs époques ! Ça a planté les bases de mon travail : allier le nouveau et l’ancien.
M. Tu viens de dévoiler une collaboration avec l’horloger suisse Jaeger-LeCoultre. Comment met-on une montre en musique ?
T.M. Me rendre à Genève dans les manufactures de Jaeger-LeCoultre a été une grande source d’inspiration. Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais trouver là-bas. Ce qui m’a étonné, c’est le temps, la minutie et la passion que déploient les horlogers de Jaeger-LeCoultre pour fabriquer une montre. Finalement, ce n’est pas si éloigné de ma façon de travailler. Très tôt, je me suis dit que j’allais mettre en musique les lignes et les formes du mouvement Art déco, période durant laquelle la Reverso a été créée. Aussi, chaque chapitre de cette œuvre correspond à un coin du cadran de cette montre rectangulaire. Puis, je me suis employé à traduire le “Golden Ratio” — la formule mathématique 1,618 — en un tempo agréable pour l’auditeur. J’ai opté pour un beat assez dansant à 161,8. Même évidence pour la mélodie. Je suis synesthésique, c’est-à-dire que je vois les sons. J’ai écrit une mélodie en Sol mineur car, pour moi, c’est la tonalité dorée. Tout, depuis le tempo à la tonalité, rappelle ce fameux “nombre d’or”. Ici, chaque détail a un sens, une raison d’être.
M. On va te voir sur scène avec ce projet ?
T.M . Oui. En ce moment, je bosse sur les arrangements. On va avoir un orchestre de 26 instruments. Moi je jouerai sur un très beau Steinway mais je serai aussi entouré de quelques machines. Il y a aura également des jeux de lumières, ça va être fou.
M. Tu as explosé en Angleterre grâce à l’émission “Britain Got Talent”. Ce genre d’émission laisse-t-il vraiment de la place à la créativité des artistes ?
T.M. Faire cette émission était un énorme défi pour moi. Les temps de tournage sont très longs et on voit à peine 10% du travail fourni à l’écran. Si je participe à un projet, que ce soit un show télé ou une collaboration comme celle avec Jaeger-LeCoultre, c’est que je m’y retrouve totalement. “Britain Got Talent” a changé ma vie. Ça m’a ouvert des opportunités incroyables.
M. On a vu sur ton instagram que tu étais très ému par la disparition récente de Ryūichi Sakamoto. Le compositeur japonais était une source d’inspiration pour toi ?
T.M. Il était un de mes héros. Un pionnier. Dès les années 1970, il intégrait déjà de la musique électronique à ses compositions ! Quand j’ai découvert son travail, je me suis littéralement plongé dans sa musique pour la comprendre. Quels accords utilise-t-il ? Comment aborde-t-il les machines ? Il m’a aidé à trouver mon propre langage musical. D’une certaine manière, j’essaie de reprendre une toute petite partie de son héritage : repousser les limites entre musique classique et l’électronique.