Texte :  Nina Boutléroff

Trustée par le deuil national et les funérailles de la Reine Élisabeth II ce lundi 19 septembre, la semaine de la mode londonienne a vu son calendrier bousculé. Certains comme Burberry ont annulé leur défilé et les événements jugés “non nécessaires” ont été supprimés. C’est dans ce contexte particulier que les designers ont présenté leurs nouvelles collections, entre hommages à la Reine et mode du futur super sexy parsemée de pop culture.

1. La mode Save The Queen
SS Daley SS23, Erdem SS23, JW Anderson SS23, Richard Quinn SS23

Qu’ils ouvrent ou ferment les défilés, les looks rendant hommages à la Reine ont rythmé les défilés londoniens. Chez Erdem, l’un des créateurs favoris de Kate Middleton, le show s’est ouvert sur une silhouette voilée de noir, chez S.S. Daley, gagnant du LVMH Prize 2022, avec une procession de chandelles. Chez Paul & Joe, on salue le style iconique de la Reine avec des tailleurs bleus et des fichus fleuris. Quant à Harris Reed, chouchou du moment et dont la collection à l’extravagance couture risque de squatter les futurs tapis rouges, a ajouté à sa mariée-ballerine un bouquet composé uniquement de brins de muguet, la fleur favorite de la Reine Élisabeth II. Imaginée dans l’urgence, la silhouette hommage de JW Anderson arborait un sweat shirt noir reprenant sobrement le slogan des condoléances : “Her Majesty The Queen 1926-2022 Thank you”. Enfin, Richard Queen, petit protégé de la couronne, a charbonné pour créer dans l’urgence une partie de la collection dédiée à la Reine : de lourdes robes drapées de broderies et dentelles noires, rendant hommage à l’artisanat anglais et inspirées des tenues de deuil de famille royale lors des funérailles du Roi George VI.

2. La fashion geek de JW Anderson
JW Anderson SS23

Présentée à Soho, quartier dont le créateur écumait les bars quand il était étudiant, la collection de JW Anderson interroge notre rapport aux nouvelles technologies. Dans un décor digne d’un casino de Las Vegas, éclairé par les néons des machines à sous, le designer a fait briller son sens du détournement et son goût pour le surréalisme. Tenues parées de touches de clavier de PC, combinaisons aux imprimés Getty, robes sac en plastique qui transportent un poisson rouge ou encore cette création boule dont le miroir à effet déformant renvoyait leur reflet déformé au front row. « Sommes-nous en train de tomber dans l’écran ? Sommes-nous en train de devenir nos téléphones ? Est-ce lié à l’endroit où nous nous trouvons dans la société ? J’ai aimé cette idée que la prise de la photo est parfois presque plus importante que la photo elle-même. » Questionne Jonathan Anderson à la fin du show. Vous avez quatre heures.

3. Ça va couper chérie
Rejina Pyo SS23, Fashion East SS23, KNLWS SS23, Nensi Dojaka SS23.

Londres conserve son titre de « reine du cut out ». Le nouveau step ? Faire acte de transparence pour une sensualité exacerbée. Chez Nensi Dojaka, la fusion de la lingerie et de la robe de soirée est à son paroxysme. Idem chez Poster Girl où la dentelle vient révéler encore plus de chair. Les shows Fashion East, Rejina Pyo ou encore KNWLS, tous célèbrent les corps en parant les découpes de mousseline et de bijoux comme ces éléments en argents des robes asymétriques de Karoline Vitto qui viennent souligner les formes des mannequins plus size. Côté Christopher Kane, l’un des pionniers du cut out, la découpe se fait façon scalpel chirurgical avec des corsets transparents qui reproduisent la forme du squelette ambiance “six packs”.

4. Les premiers pas de S.S. Daley
S.S Daley SS23

Steven Stokey Daley, lauréat du LVMH Prize 2022 qui succède à Nensi Dojaka, a présenté sa toute première collection dans le cadre du calendrier officiel. Pur produit de Liverpool, le jeune créateur a proposé un show dans toute sa splendeur british : des références botaniques et des lapins des jardins et des contes anglais, des imprimés bleu et blanc évoquant la vaisselle Wedgwood, le tout animé par une lecture de textes par des comédiens du National Youth Theater. Chez S.S. Daley, la diversité est aussi au rendez-vous avec des mannequins plus size, et notamment chez l’homme, fait assez rare pour être souligné.

5. Le détail qui tulle
Erdem ss23, Huishan Zhangs SS23, Molly Goddard SS23, Simone Rocha SS23.

En matière de tulle, c’est deux salles, deux ambiances. D’un côté, le mood historico solennel de Simone Rocha et Erdem (inspiré par les dessous de la collection du musée V&A Museum) ; de l’autre, la fiesta colorée de Molly Goddard et les robes monochromes de Huishan Zhang Leur point commun ? Une volonté de gonfler les silhouettes, de superposer les épaisseurs pour gagner en richesse et en volume. Si Simone Rocha a voulu cumuler broderie anglaise, dentelle et tulle, pour célébrer l’artisanat, Molly Goddard, elle a misé sur le clash des tissus, des textures et des couleurs, dans un jeu de superposition pour un effet feu d’artifice qui soulève la rétine. À vous de choisir votre camp.

6. Voir plus grand
Feben SS23, Dilara Fındıkoğlu SS23, Karoline Vitto SS23, Sinead ODwyer SS23

Si le phénomène a pu être observé à New York, à Londres il fut plus flagrant : les mannequins grande taille sont de plus en plus représentées. Sur le défilé de la brésilienne Karoline Vitto du Fashion East, les robes drapées ornées de découpes aux hanches et à la poitrine ont été désignées pour tous les corps, idem chez Sinéad O Dwyer où les robes filet semblent extensibles. La vraie nouveauté ? La représentation des grandes tailles masculines, notamment sur le show S.S.Daley, lauréat du LVMH Prize 2022. En parallèle de ces initiatives inclusives, persistent pourtant des shows où la maigreur reste le mètre étalon. Faudra-t-il imposer aux designers la mixité des corps ?

7. Montée d’acide
Mark Fast SS23, Molly Goddard SS23, David Koma SS23.

Quand le Burning man rencontre Ibiza, ça donne des tenues fluo, lacées, moirées voire psyché. La créatrice Molly Goddard évoque “une fête à la période pré-Internet” avec des jeux de transparences et des associations de couleurs méga contrastées. Chez Mark Fast où le mélange de fluo est à son apogée, l’esprit Y2K semble maîtriser l’ambiance de la fête. Quant aux silhouettes de David Koma, elles ondulent comme des créatures aquatiques perdues en after : imprimés “essence”, cuissardes holographiques et lunettes de soleil pour tenir jusqu’au bout de la nuit… et au-delà.