Acne Studios SS25

Pour finir le fashion month en beauté, quoi de mieux que Paris ? Avec ses 66 défilés et ses 40 présentations dispersé·e·s sur 9 jours — sans compter les événements hors calendrier officiel (toujours plus), la capitale française s’est imposée une fois de plus comme le centre névralgique de la mode où la folie créatrice de la jeune garde (Duran Lantink, Luis de Javier, Hodakova…) est venue se confronter aux traditionnelles grandes maisons (Dior, Chanel, Louis Vuitton…). Récap’ en 16 points.

1. LE QUINTÉ GAGNANT
Acne Studios SS25

Le fun décomplexé d’Acne Studios
Parlons clairement. Cette saison, Acne a killé le game avec une collection à la créativité débordante, riche et joyeuse, comme une ode sincère à l’expression de soi sans limite et sans compromis. En témoignent les silhouettes à l’allure gonflée surréaliste, les jeans et jupes amples sculpté·e·s, les ensembles en cuir lisse et structuré, les grosses mailles colorées, les imprimés à carreaux surdimensionnés ou encore les bustes et les bretelles exagéré·e·s ; le tout donnant l’impression qu’un livre d’habillage pour poupées en papier avait servi à habiller les mannequins, ou que ces dernières s’étaient précipitées hors du placard en assemblant rapidement différentes pièces pour en faire des tenues. Bref, la mode est toujours mieux quand elle s’amuse et qu’elle ne se prend pas (trop) au sérieux. Et ça, Jonny Jahansson l’a bien compris.

Issey Miyake SS25

Les petits papiers d’Issey Miyake
Pour son défilé Printemps/Été 2025, Issey Miyake a décidé d’explorer les racines naturelles du papier avec une collection intitulée “La beauté du papier”. CQFD. Résultat, la note d’intention du défilé a été remise aux invité·e·s sur un morceau de washi, un type de papier japonais traditionnel fabriqué à partir d’arbustes et de buissons. Côté vêtements, la marque a poussé la recherche et le développement sur l’histoire, la fabrication et l’artisanat du papier. « Ces découvertes ont inspiré les matériaux, les techniques et les designs à travers une variété d’études vestimentaires expérimentales », a déclaré la marque. Sans doute l’une des collections les plus belles, aériennes, poétiques et diaphanes de la maison japonaise.

Loewe ss25

L’art de porter selon Loewe
L’un des meilleurs mariage ever du fashion game reste sans doute l’union entre Jonathan Anderson et Loewe. Si vous en doutiez encore, il vous suffit de regarder la dernière collection que le créateur irlandais a imaginé pour la marque espagnole : cette saison, il a par exemple décidé d’exploiter le floral et la légèreté avec des robes crinolines 3.0 redéfinissant les lois de l’apesanteur grâce à un travail d’armature sublime. Sans oublier les ponchos ballons, les mini-jupes gonflées, les costumes bicolores larges, les hauts en fourrure et surtout les portraits et peintures de Mozart, Bach, Chopin et Mane transformé·e·s en œuvres d’art portables. Une façon pour Anderson d’associer une fois de plus mode et art avec brio.

Victoria Beckham SS25

L’esprit de corps de Victoria Beckham
Cette saison, Victoria Beckham nous aura certainement délivré l’une de ses meilleures collections à date en décidant d’explorer “l’acte et l’art de s’habiller” avec une collection célébrant à la fois la façon dont on choisit de porter nos vêtements et la façon dont notre corps interagit avec ces mêmes vêtements. Du coup, la collection exagérait les formes et les mouvements du corps humain et jouait avec l’idée de nudité (corset, armature, échancrure, transparence, fente, voilage etc), avec en particulier des robes drapées, des ensembles (dé)coupés et des sous-vêtements pensés et portés comme vêtements d’extérieur. Victoria prend des risques et ça paye.

Miu Miu SS25

Les normes revisitées de Miu Miu
En termes de mode intello qui véhicule un vrai propo tout en restant ancré dans la modernité, on peut toujours compter sur notre mère à tou·te·s, Miuccia Prada. Cette saison, la papesse de la mode a eu envie de nous faire réfléchir aux normes acceptées par la société au milieu des réalités désorientantes du présent (rien que ça). Résultat, les premiers looks ont illustré une approche aléatoire de la superposition. Un parti pris qui s’est ensuite répandu dans toute la collection, comme en témoignent les robes blanches longues jusqu’aux genoux confectionnées avec de délicates bordures festonnées rappelant l’innocence de l’enfance et qui ont été progressivement déconstruites et juxtaposées à des coupe-vent amples, des sweats à capuche à cordon et des tracksuits. Bref, venir chez Miu Miu, c’est faire état du monde à travers le vêtement tout en révisant sa réflexion mode. Le meilleur combo ever.

2. C’est Show !
Coperni SS25

Le conte de fées de Coperni
Pour Le dernier jour de la fashion week et du fashion month, Coperni a décidé d’emmener toute la plèbe mode à Disneyland Paris (merci le partenariat avec Uber). C’est donc sous le château de la Belle au Bois Dormant que la marque parisienne, connue pour son sens du spectacle démesuré et sa recherche de viralité, a rendu hommage à l’univers Disney avec une collection nostalgique composée de t-shirts Disney vintage (aka la story time de la vente sur vinted), de tenues inspirées des méchant·e·s et de robes de princesse à grosse crinoline (coucou Kylie Jenner). C’était “on point” jusqu’au bout puisque même un rat grandeur nature façon Ratatouille a fait son apparition avant le début du show. Seul bémol peut-être : à force de chercher le grandiose et le spectaculaire, n’en oublions-nous pas les vêtements eux-mêmes ? Vous avez quatre heures.

Christian Louboutin SS25

Le splash de Christian Louboutin
En pleine Fashion week, Christian Louboutin a dévoilé sa nouvelle collection au travers d’une performance artistique hypnotique co-créée avec le directeur artistique David LaChapelle et chorégraphiée par Blanca Li. Célébrant la danse avec l’équipe de France olympique de natation synchronisée au sein de l’emblématique Piscine Molitor de Paris, le spectacle a été l’occasion de montrer pour la première fois l’escarpin Miss Z, nouveau modèle iconique de la Maison. Christian Louboutin était tellement heureux qu’il a fini par sauter dans l’eau comme un gamin à la fin du show.

Rick Owens SS25

La procession de Rick Owens
À l’image de son défilé “White Satin Army of Love” présenté en juin dernier, Rick Owens a demandé à plusieurs mannequins de différentes écoles de mode parisiennes de défiler sur son podium aux côtés d’ami·e·s fidèles de la Maison et d’employé·e·s de sa société Owenscorp. Des centaines d’entre elles·eux ont donc descendu, en groupes divisés par tenues, le grand escalier du parvis du Palais de Tokyo : certain·e·s étaient en latex et en cuir, quand d’autres avaient pris des allures d’extraterrestres ou de bédouin·e·s, le tout dans une procession qui semblait presque sacrée, alors d’autres personnes installées sur le toit de l’édifice jetaient à tout de rôle des pétales de fleurs. Entre cérémonie funéraire pour la fin du monde et procession religieuse raëlienne, la collection s’intitulait “Hollywood”, faisant ainsi référence à Hollywood Boulevard, ce “Boulevard du Vice” où Rick Owens a traîné dans sa jeunesse.

Vetements SS25

Le mall abandonné de Vêtements
Entre la surenchère et le toujours plus, c’est bien là que le défilé printemps-été 2025 de Vetements s’est positionné. Travis Scott a ouvert le show, suivi de Gigi Hadid, Destroy Lonely, Heidi Klum et Law Roach qui lui ont emboité le pas. Le tout pendant que J Balvin, Normani, Ice Spice et Nabilla regardaient tout ce beau monde dévaler le catwalk. Ah oui, et c’est Marcia Cross, la Bree van de Kamp de “Desperate Housewives” qui a fermé le défilé. En clair, le designer Guram Gvasalia n’est pas venu pour jouer avec ce show intitulé “Time To Clean Up The Mess” (“Il est temps de nettoyer ce bordel”). Un show qui s’est déroulé dans le centre commercial parisien semi-abandonné de la tour Montparnasse, où une énorme pile de vêtements colorés invendus était là pour accueillir les invité·e·s. À voir bien sûr comme une critique de la surconsommation et de la surproduction.

Pressiat SS25

La “Burning Era” de Pressiat
C’est rue de Montmorency que Vincent Pressiat a décidé de présenter sa dernière collection “Burning Era”. Un show présenté littéralement dans la rue où le jeune créateur de la scène underground parisienne avait fait installer une cadillac noire, histoire de faire incarner par cette objet à la fois le féminin et le brut, à l’image de sa collection. Résultat, cette dernière se composait de hauts et de robes léger·ère·s et structuré·e·s en coton supima, de traînes et de trench-coats, ainsi que de méga bottes en cuir. Tout ça pendant que la chanteuse Rebecca et Max du groupe Lulu Von Trapp se produisaient en live pendant le défilé.

Germanier SS25

Le zodiaque de Germanier
Pour son sixième défilé, Kévin Germanier continue de redéfinir les codes de la mode contemporaine avec audace et flamboyance. Avec sa dernière collection inspirée des signes du zodiaque et intitulée “Les Désastreuses”, Germanier a présenté des pièces innovantes et spectaculaires réalisées à partir de matériaux inattendus, comme des rideaux en plastique et des restes de cassettes VHS, notamment portés par Alain Roche lors de sa prestation suspendue à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris. Pour couronner le tout, c’est le danseur et chorégraphe Arthur Cadre qui a marché et performé pendant le défilé, animant le runway de ses mouvements.

3. Le classico Français
Christian Dior SS25

Christian Dior
En pleine gueule de bois post-JO, Paris se remet doucement de ses émotions (la Phryge reine du monde, le ticket de métro à 4 euros). Et côté mode, c’est la même chose avec Maria Grazia Chiuri qui reste fidèle à sa grammaire : célébrer les femmes puissantes, de la mythologie à aujourd’hui. Pas étonnant donc qu’elle ait choisi de prolonger la teuf olympique avec un hommage à la Grèce et aux Jeux antiques, aux justaucorps et silhouettes d’Amazone prêtes à tirer des flèches sur le patriarcat ; comme Sagg Napoli, championne de tir à l’arc, venue sur le show façon Diane la chasseresse. On retient particulièrement l’épaule dénudée avec le col de chemise sous l’aisselle, présente sur une partie de la collection. Et du côté sport, on gardera aussi les bottes Gladiateur aux genoux ou encore l’hommage à la Formule 1, avec des imprimés damiers et des vestes motardes, parfaites pour rouler sur les rageux.

Louis Vuitton SS25

Louis Vuitton
Nicolas Ghesquière remonte le temps et s’inspire de la Renaissance (pas l’album de Beyoncé, l’autre) avec des vestes à manches bouffantes et tailles péplum mais aussi des vestes poético-intello, réalisées en collaboration avec l’artiste Laurent Grasso, inspiré par les peintres italien·ne·s et flamand·e·s du XVème siècle. Du tweed twisté par des broderies, de la dentelle bling… Une ambiance Médicis punk, augmentée par des manteaux capes, de la transparence noire en all-over, mais aussi des superpositions de sautoirs, colliers et breloques façon ferrets de la reine. Ça a l’air bien intense et chargé dit comme ça, mais si on réfléchit bien, l’histoire de France l’est tout autant.

Chanel SS25

Chanel
De retour au Grand Palais après quatre ans hors les murs, Chanel revient en forme, comme un comeback social post-rupture, alors que le poste de direction artistique est toujours vide. Pendant que les rumeurs bruissent pour savoir qui sera le·la nouveau·elle D.A au Camélia, l’équipe créative mise sur l’ADN de la maison avec sécurité mais tout en fraîcheur. On retiendra les pastels acidulés (rose blush, jaune beurre, baby blue), capes en mousseline éthérées, shorts en tweed, plumes légères, jupes ajourées ou veste en jean et sequins. Résultat ? Un classico(co) mais plus jeune et plus joyeux que jamais.

Hermès SS25

Hermès
Pour le printemps-été 2025, la tête pensante Nadège Vanhée fait le pari réussi du sensuel chic et dit s’être inspirée du rapport que l’on entretient l’été avec notre peau à la fois hâlée, touchée, nourrie, réchauffée par le soleil. Côté collection, cela se traduit par une mesh fine et transparente déclinée à l’envi, des pantalons aériens et zippés sur le haut de la jambe, des broderies de cuir, des crop tops ou jupes fendues… Soit un jeu de proportions hyper désirables qui jouent le color block olive, grenat, grège, bordeaux ou caramel. Tout est dans la suggestion, le sensoriel : bref, le sexy en female gaze.

4. Le tee-shirt dans tous ses états
Marie Adam-Leenaerdt SS25

S’il est un indispensable du vestiaire, le tee-shirt reste pourtant souvent relégué à un basique sans grand intérêt. Mais pour la saison printemps-été 2025, il a droit a une place particulière et regagne ses lettres de noblesse en étant utilisé comme l’élément déterminant d’un look voire même de la confection d’une pièce. Celle qui illustre au mieux cette tendance est sans doute la créatrice Marie Adam-Leenaerdt qui a choisi de se pencher sur le tee-shirt, puis de s’emparer de ses codes pour le déconstruire, le réimaginer et le décliner. Un concept aperçu aussi chez Ester Manas et Ottolinger où le t-shirt devient robe, chez Coperni, Peter Do et Ann Demeulemeester où il devient troué voire brûlé, chez Vaquera et Christian Wijnants où il prend des proportions XXL, chez Issey Miyake et AlainPaul où son col est carrément doublé ou décalé ; et enfin chez Vetements où il est littéralement porté en deux exemplaires dont un est posé sur les épaules comme une serviette.

Ester Manas SS25, Ottolinger SS25, Coperni SS25, Ann Demeulemeester SS25, Issey Miyake SS25
Peter Do SS25, Christian Wijnants SS25, Vaquera SS25, Vetements SS25, AlainPaul SS25
5. Le power suit
Saint Laurent SS25

Vu qu’on vit encore dans un monde capitaliste où l’égalité femme-homme ne semble pas être une priorité ni la grande cause du quinquennat (malgré ce qu’on a pu nous faire croire), la mode doit bel et bien continuer à donner du pouvoir aux femmes en leur attribuant des codes dits masculins. C’est donc le cas avec l’indémodable power suit qui revient en force cette saison, que ce soit d’abord chez Saint Laurent en mode American Psycho, chez Mugler, Coperni et Balmain en noir façon amazone dominatrix ou encore chez Stella McCartney, McQueen et Casablanca respectivement dans des versions plus fluides, torsadés ou à boutons dorés.

Balmain SS25, Mugler SS25, McQueen SS25, Coperni SS25, Casablanca SS25, Stella McCartney SS25
6. Dresscode Tanaland
Luis de Javier SS25, Vaquera SS25, Vetements SS25, Balenciaga SS25, Rick Owens SS25

Parti de l’insulte sexiste et masculiniste “c’est une tana”, (une aphérèse apposée à cette insulte d’origine italienne dont on taira le nom), Tanaland est le territoire imaginé par les filles cunt de TikTok. En opérant un fabuleux retour de stigmate, elles ont pu proposer un pays imaginaire version Brat(z) où les hommes sont interdits et le sexy est le seul mantra. Et pour le rejoindre, pas de problème, il suffit juste de suivre les quelques silhouettes ultra sexy et kinky observées à Paris , comme le full set lingerie et lacets de corsets XXL vu chez Balenciaga, la robe scotch vu chez Vetements ou le string qui dépasse chez Luis de Javier. Pour mixer les genres, il y a aussi la brassière cut out et bottes façon attelle de Rick Owens, la robe transparente avec traits soulignant les seins chez Nina Ricci, la lingerie transparente chez Ester Manas et Schiaparelli, ou les chaps sur culotte façon Dirrrty de Xtina vu chez Vaquera.. Plus dominatrix encore, go pour le bandeau bra spotté chez Courrèges et Heliot Emil qui laisse apparaître tout ce qu’il faut de peau.

Ester Manas SS25, Nina Ricci SS25, Schiaparelli SS25, Courrèges, Heliot Emil SS25
7. Cuisine au beurre
Lacoste SS25

Avec déjà quelques prémices observés la saison dernière, le jaune beurre s’impose sans doute comme l’une des couleurs phares du printemps-été 2025. D’abord en force chez Lacoste où il domine un bon tiers de la collection puis ici et là avec quelques petites noisettes chez Acne Studios, AlainPaul, Giambattista Valli, Atlein, Maitrepierre et Marie-Adam Leenaerdt. Cela dit, attention au rancissement. La tendance peut vite tourner.

Acne Studios SS25, AlainPaul SS25, Giambattista Valli SS25, Atlein SS25, Maitrepierre SS25, Marie Adam-Leenaerdt SS25
8. L’avènement du “corslay”
Weinsanto SS25, Loewe SS25, Mugler SS25, Nina Ricci SS25, Victoria Beckham SS25, Schiaparelli SS25

Le monde actuel vous donne probablement envie de crier et de mordre à tout va mais malheureusement, vous n’êtes pas le mignon hippo Moo Deng et les gens vous conseillent de vous reprendre. Heureusement, si vous avez besoin de soutien, il y a un nouveau mantra à respecter ce printemps prochain : “une armature et un rêve”, puisqu’à en croire les collections les baleines twistées se déclinent un peu partout. Imaginez un moodboard de crinolines second Empire, d’abat-jours fleuris (Loewe) et de corsets sexy (Mugler, Schiaparelli, Victoria Beckham, Weinsanto, Nina Ricci) et vous aurez un avant-goût de la saison. Le bon détail ? Des armatures oui, mais déviées et inattendues. En 2025, on ne fait pas dans le premier degré.

9. La nouvelle garde
AlainPaul SS25

AlainPaul
Alors qu’AlainPaul avait présenté la saison dernière en off, la marque a enfin intégré cette saison le calendrier officiel de la Fashion Week parisienne. Et autant dire que la collection n’a pas déçu. Ici, AlainPaul a voulu explorer la relation instinctive entre le danseur et le mouvement. C’est pourquoi certains vêtements étaient comme tirés, étirés, allongés et/ou comprimés et qu’ils s’inspiraient pour la plupart du vestiaire du ballet avec un focus sur les fuseaux qui accompagnaient des vêtements d’extérieur, des tailleurs, des chemises, des robes et de jupes étirées autour du pied. De quoi parfaitement illustrer sa réflexion tout en mettant en lumière la fluidité des mouvements.

Duran Lantink SS25

Duran Lantink
Au cours des dernières saisons, Duran Lantink a réussi à s’imposer comme l’un des designers à suivre de prêt grâce à ses créations sculpturales intelligentes et distinctes. Et cette saison, il a encore plus poussé sa réflexion avec de nouvelles silhouettes audacieuses, gonflées et exagérées : inclinaison vers le haut des os de la hanche et des genoux, renforcement des omoplates ou exagération des formes du crâne. De quoi accentuer le port des mannequins de façon élégante et avec juste ce qu’il faut de weirdo et de camp, sans jamais tomber dans l’indigeste.

Abra SS25

Abra
Vous connaissez peut-être Abraham Ortuño Perez, créateur de la marque Abra, puisque c’est lui qui qui est à l’origine de la conception de modèles de chaussures camp et cultes telles que les escarpins ballon de LOEWE et les mules mocassins à chaîne de JW Anderson. S’il s’est mis depuis peu au prêt-à-porter, il vient enfin d’intégrer le calendrier officiel de la Fashion Week de Paris avec une collection qui l’installe parmi les jeunes noms à suivre. Cette dernière était d’ailleurs inspirée de l’esthétique de la plage et d’Hannah Montana avec des mannequins portant des robes en maille imprimée, des bottes en forme de sac shopping et des vestes de plongée. Bref, c’était léger, c’était pop et c’était fun. À l’image d’Abraham.

Hodakova SS25

Hodakova
Grande gagnante du dernier LVMH Prize, Ellen Hodakova Larsson a présenté sa collection SS25 en off du calendrier. Mais ça ne l’a pas empêché de faire un retour spectaculaire dans la capitale française avec une collection pensée comme un manifeste audacieux sur la durabilité et la créativité. Cette collection en question a mis en lumière l’engagement de d’Hodakova en faveur de la responsabilité environnementale, puisque chaque pièce qu’elle a créée a été méticuleusement confectionnée à partir de matériaux recyclés et réutilisés. Ou comment la mode peut passer du simple vêtement à une puissante déclaration de possibilité, tout en transformant l’ordinaire en extraordinaire.

Luis de Javier SS25

Luis de Javier
Petit protégé de Riccardo Tisci, Luis de Javier a présenté pour la première fois à Paris (et hors-calendrier officiel) une superbe collection sexy et subversive en hommage à ses racines espagnoles, avec par exemple des bodys en dentelle et des touches rappelant les éléments de la corrida, des boléros matador brodés qui surmontaient des leggings en dentelle et des bas cuissardes, ou encore des chapeaux montera traditionnels modernisés avec un swoop Nike et élaborés avec des franges. Un Pari(s) plus que réussi.

10. Purée mousseline
Chloé SS25

Ce printemps, attendez vous à voir flou. Littéralement, puisque la mousseline est absolument partout. De Stella McCartney en passant par Chloé (la reine du genre), jusqu’à Loewe, Zimmerman, Alexander McQueen, Victoria Beckham, Dior ou Chanel, la liste non-exhaustive donne un seul mot d’ordre : on fait taire les relous en misant sur la légèreté.

McQueen SS25, Ester Manas SS25, Loewe SS25, Victoria Beckham SS25, Stella McCartney SS25, Christian Dior SS25
11. Florals for spring ? Groundbreaking !
Zomer SS25

Porter des fleurs ou un imprimé fleuri pour le printemps, c’est tellement à côté de la plaque selon cette ordure de Miranda Priestley dans “Le Diable s’habille en Prada”. Et c’est sans doute pour cette raison que Imruh Asha et Danial Aitouganov, les deux créateurs prodigieux derrière Zomer, ont décidé de prendre le contre-pied de cette règle absurde en jouant à fond la carte des fleurs pour le printemps : imprimé floral, tenue bouquet de fleurs, parapluie à pétales. Le tout dans un côté crafty et enfantin assumé. Une tendance qu’on retrouve de façon plus légère chez Acne Studios, Chloé, Christian Wijnants, Loewe, Rabanne, Léonard, Miu Miu, Rokh, Schiaparelli ou encore Vetements.

Acne Studios SS25, Chloé SS25, Christian Wijnants SS25, Loewe SS25, Rabanne SS25
Léonard SS25, Miu Miu SS25, Rokh SS25, Schiaparelli SS25, Vetements SS25
12.  Jeu, mix and match
Dries van Noten SS25

En astrologie mode, vous êtes du signe Main character ascendant Aléatoire ? Pas la peine de choisir entre toutes vos personnalités, la saison est au mix d’imprimés comme le prouve la collection de Dries van Noten dans son entièreté qui mixe fleurs, perles, imprimé serpent ou panthère. Pour les plus soft, on peut opter pour la superposition de camaïeu de rayures comme chez Rabanne. Et pour un cran au-dessus, direction Louis Vuitton où le tweed flashy se mélange aux rayures. Mais si vraiment vous voulez en mettre plein les yeux jusqu’à faire péter la rétine, go chez Saint Laurent qui n’hésite pas à y aller à fond sur le mélange d’info : brocart scintillant, dentelle flashy, volants primaires. Bref, on brouille la vision et les pistes.

Rabanne SS25 x2, Louis Vuitton SS25 x2, Saint Laurent SS25 x2
13. Les reines du front row
Keiona chez Coperni SS25, Pressiat SS25, Luis de Javier SS25, Atlein SS25, Acne Studios SS25 et Lacoste SS25 / (Look Lacoste photographié par © Roman Gorbun)

Cette saison aura particulièrement été marquée par des front rows bourrés à craquer de personnalités et influeuceur·euse·s dont les tenues ont aussi peu à dire que le contenu qu’il·elle·s produisent. No shade. Mais heureusement, on a pu compter sur deux vraies stars et deux fashion queens nommées Cardi B et Keiona pour relever le niveau et redonner du sens au mot slay. Habillées respectivement par les stylistes Kollin Carter et Liam Derouiche, Cardi et Keiona ont arpenté chacune de leur côté les défilés de Rick Owens, Mugler, Coperni, Pressiat, Lacoste, Vivienne Westwood ou encore Acne Studios comme si elles étaient propriétaires des lieux. La prochaine fois, vous saurez à qui il faut payer le loyer.

Cardi B chez Rabanne SS25, Balmain SS25, Vivienne Westwood SS25, McQueen SS25, Rick Owens SS25
14. Le Paris nippon
Comme des Garçons SS25

L’espoir selon Comme des Garçons
Si la collection intitulée “Uncertain Future” portait un message d’espoir, elle nous a également sorti·e·s de la bulle de la Fashion Week en nous rappelant l’état actuel du monde. Organisée en plusieurs scènes, elle débutait par un triptyque de silhouettes blanches immaculées, mais si rigides que leur progression sur le podium en devenait laborieuse. À la manière de colonnes corinthiennes, ces looks ont servi de fondement à l’ensemble de la collection. Ainsi, lorsque Rei Kawakubo nous emmenait trop loin, à la frontière entre la mode et l’art, flirtant avec l’abstraction totale du vêtement, elle nous raccrochait avec ces volumes répétitifs, évoquant les trois piliers fondamentaux. Faut-il mentionner les imprimés photographiques représentant des détritus cachant le visage d’un mannequin, ou le collage rappelant des manifestations ou des scènes de migration ? Des silhouettes rouges, marquées d’éclaboussures de sang, étaient ensuite recouvertes progressivement de tulle, pour se conclure par trois silhouettes blanches évoquant des nuages. Bref, un espoir oscillant entre répulsion, poésie, cynisme et légèreté.

Noir Kei Ninomiya SS25

Noir Kei Ninomiya, la lumière au bout du tunnel
Assister au défilé SS25 de Noir Kei Ninomiya, c’est un peu comme plonger dans le terrier du lapin blanc d’Alice au pays des merveilles. Bienvenue dans une collection qui repousse encore un peu plus les frontières entre mode, costumes, art et fiction. Des textiles-fleurs cannibalisent les corps, des vestes inspirées du kink/BDSM, entièrement composées de ceintures (coucou Jeanne Friot), et des accessoires mi-chapeaux mi-théières qui rappellent la dégaine farfelue d’un certain Chapelier fou. On y découvre aussi des robes ajourées, faites exclusivement de bouches rouges assemblées entre elles, le tout dans une palette principalement noire et rouge. Puis, soudain, des silhouettes blanches apparaissent, ornées de fleurs délicatement trempées dans une sorte de silicone rouge, ressemblant étonnement à des lys araignées, la “fleur de l’au-delà” qui, selon la légende, pousse le long des chemins menant aux enfers. Les lumières s’éteignent, et des robes en fleurs métalliques s’illuminent. Que vient-il de se passer ? Sommes-nous entré·e·s ou sorti·e·s des enfers ?

Junya Watanabe SS25

Les titane queens de Junya Watanabe
Le dernier défilé de Junya Watanabe s’est ouvert comme une fête, sur le rythme envoûtant du titre “I Feel Love” de Donna Summer. Les silhouettes argentées aux volumes exagérés donnaient l’impression d’une parade sci-fi à la fois étrange et fascinante. Mais au fur et à mesure les looks sont devenus complètement noirs, donnant à l’ensemble un ton plus inquiétant et mystérieux. Cette saison, Junya Watanabe semble s’être laissé emporter par la tendance du gorpcore et des équipements outdoor, avec des premiers looks mêlant sacs à dos et vêtements. Ces hybridations ont donné naissance à des robes maximalistes, tout en défiant la fonctionnalité du vestiaire technique. Du sommet argenté des montagnes, Watanabe nous a ensuite transporté·e·s dans l’univers de la moto, en détournant les accessoires de protection pour créer des robes-armures aux symétries hypnotiques.

Anrealage SS25

Les sky dancers d’Anrealage
Si le vêtement climatisé, ou Kūchōfuku (空調服) en japonais, se perfectionne tranquillement depuis les années 2000 dans l’archipel, il s’est largement démocratisé ces dernières années, notamment dans le secteur de la construction et les industries exposées aux conditions climatiques de plus en plus extrêmes. Ces petits ventilateurs permettent de faire circuler l’air à l’intérieur du vêtement, évacuant rapidement la transpiration et régulant la température corporelle. Les marques Hidesign ou Meanswhile l’ont déjà intégré dans l’univers de la mode, mais Anrealage est peut-être la première à y consacrer une collection entière, détournant ses propriétés pratiques à des fins purement esthétiques. Kunihiko Morinaga a fait défiler 24 silhouettes, toutes équipées de ces petits ventilateurs, qui gonflaient les vêtements à l’extrême sur les corps des mannequins, les transformant en sculptures évoquant celles de Niki de Saint Phalle. Ces créatures mi-fantastiques, mi-comiques, voyaient leurs volumes rebondir de manière cartoonesque avec chaque pas des modèles.

Sacai SS25

Sacai, back to basics
Cela fait maintenant 25 ans que Chitose Abe a fondé la marque Sacai. Pour cette collection SS25, la créatrice est retournée aux origines de la maison, en réinterprétant ses pièces iconiques, telles que le trench-coat déstructuré, les bombers hybrides et les volants ou plissés aux volumes inattendus. En revenant aux codes d’un vestiaire plus classique et élégant, Chitose Abe a pris le risque d’une collection sur le fil, flirtant dangereusement avec l’esthétique de la parisienne rive gauche BCBG des années 80. On y retrouvait le traditionnel blazer bleu marine à boutons dorés estampillés d’ancres, la petite marinière bien sage, des lavallières omniprésentes, une pincée d’imprimé léopard, une touche de tartan, et beaucoup de fourrure. Évidemment, Chitose Abe ne s’est pas arrêtée là. Elle a su transformer l’ensemble de la collection grâce à des jeux d’hybridations, de trompe-l’œil, et d’asymétries. Le trench-coat devenait ainsi une robe qui s’effeuillait sensuellement sur le corps des mannequins, la fourrure semblait presque se métamorphoser en cheveux, et le tartan paraissait vernis grâce aux broderies de paillettes transparentes.

15. Crise de gouttes
Miu Miu SS25, Coperni SS25, Lacoste SS25, Sacai SS25, Stella McCartney SS25

Avec 352 jours de pluie ressentis depuis le début de l’année, un été réduit à peau de chagrin, un déficit en vitamine C collectif et une bonne dépression saisonnière qui s’annonce plus tôt que prévue, les maisons anticipent les dérèglements climatiques saisonniers et proposent pour le printemps-été prochain leurs meilleur·e·s coupe-vents et parkas. Imprimé (Lacoste), coloré (Miu Miu), structuré (Sacai), gonflé (Coperni) ou carrément cuiré (Stella McCartney), le Kway fait la pluie et le beau temps sur tous les shows du printemps. De quoi se prendre un vent et une bonne saucée.

16. Noué·e·s comme jamais
Acne Studios SS25, Loewe SS25, Miu Miu SS25, Balenciaga SS25, Chloé SS25

Vous avez l’impression d’être attaché·e pieds et mains lié·e·s à votre condition sociale et vous vous levez tous les jours avec le ventre noué ? Rien de mieux que de le concrétiser par le vêtement en nouant votre top, tee-shirt ou veste autour de vous. Une fois libéré·e, vous pourrez toujours déjouer et dénouer le destin.