Avant-dernière semaine du fashion month, la fashion week Fall-Winter 2023 de Milan s’est distinguée cette saison par une volonté affichée de célébrer l’élégance milanaise mais aussi par son envie de s’ancrer dans le quotidien et la réalité. Le tout sans oublier d’y apporter une touche de fun et de liberté. Récap’ en 5 focus marques et 7 tendances. 

1. L’élégance minimaliste de Prada

Cette saison, Prada a joué la carte du minimalisme et de la modestie avec une collection composée de vêtements plus épurés, des silhouettes réduites sans embellissements manifestes ni logos signifiant le statut, comme une réponse à l’état actuel du monde qui part en vrille : guerre, incertitude économique, montée du fascisme, catastrophe environnementale… you name it. L’occasion aussi pour la marque de célébrer les héroïnes du quotidien — infirmières, enseignantes, soldats, ouvrières — ces femmes, première de corvée qui font tourner le monde et qui restent trop souvent inaperçues. « Ce qui m’importe principalement maintenant, c’est de donner de l’importance à ce qui est modeste, de valoriser les emplois modestes, les emplois simples, et pas seulement la beauté extrême ou le glamour », a expliqué Miuccia Prada après le défilé. « Nous nous concentrons sur la réalité pour des raisons politiques ». Quand la mode a quelque chose à dire sur la société, c’est un grand oui. Werk Raf. Werk Muccia.

2. Les uniformes twistées de Fendi

Après Prada, c’est Fendi qui a aussi choisi de proposer une collection plus casual et légère, comme une ode aux vêtements du quotidien. L’idée ? Créer une garde-robe de vêtements de jour ancrée dans la réalité et moins uniquement dans le glamour fantasmé. Pour ce faire, Kim Jones a revisité les uniformes de nos vies en les twistant légèrement comme il sait le faire. Les silhouettes d’apparence austère sont réinventées dans une splendeur luxueuse grâce aux choix des couleurs et des matières, offrant ainsi quelque chose de plus complexe à l’ensemble. « C’est déconstruit, mais luxueux », a expliqué Kim via les notes du défilé. « Il y a un petit clin d’œil au punk et à mon admiration pour le DIY, mais dans une version plus chic. » Et pour ça, il s’est une fois de plus inspiré de sa muse Delfina Delettrez Fendi, cinquième génération de la famille Fendi qui travaille avec Kim et sa mère, Silvia, sur la partie joaillerie de la maison. « Le premier jour où Delfina est entrée au travail, elle portait du bleu et du marron, et je trouvais qu’elle était si belle. Il y a une élégance mais une perversité dans la façon dont elle tord Fendi, c’est ce que j’aime », a ajouté Kim.

3. Une nostalgie nommée Gucci

Pour sa deuxième collection conçue en studio, la maison Gucci a présenté un défilé éclectique, mélangeant des références phares de la maison issues de différentes époques. Avec des silhouettes plus propres, plus pétillantes et plus sexy que les saisons précédentes, Gucci a par exemple dévoilé une multitude d’éléments d’archives de l’ère Tom Ford, quand le couturier était à la tête de la maison dans les années 2000. Après tout, rien d’étonnant quand on sait que la tendance Y2K fait des ravages dans l’industrie depuis plusieurs saisons. Le show s’est d’ailleurs ouvert avec une proposition audacieuse, sans doute inspirée du porno-chic à la Tom Ford avec un modèle dans une longue jupe en satin noir, des gants d’opéra en cuir et quelques monogrammes GG en strass couvrant ses têtons. Aussi, pour la première fois depuis longtemps, il y avait des visages familiers sur le catwalk : Amy Wesson, Guinevere Van Seenus et Liisa Winkler qui ont toutes défilé par le passé pour les shows Gucci période Tom Ford. On a aussi pu remarquer une petite nostalgie du studio pour l’héritage laissée par Alessandro Michele avec des manteaux en fausse fourrure, des monogrammes scintillants, des robes à paillettes fines, des plumes à gogo et des chaussures à semelles hirsutes. Bref, un condensé de ce que Gucci a fait de mieux depuis des décennies. On attend impatiemment de voir ce que le nouveau directeur artistique Sabato De Sarno va proposer de neuf pour la maison.

4. La consécration de Diesel

Diesel, c’était le règne du jean et d’un sexy très années 90 frôlant même un certain mauvais goût que l’on soupçonne avoir été la raison de son succès. Bref, un terrain de jeu dans lequel Glenn Martens allait forcément s’amuser. Depuis plusieurs collections, celui qui a fait de Y/Project une des marques les plus en vue de la fashion sphère, a réussi à offrir un souffle nouveau à la marque italienne. Un challenge pourtant. Car habitué à une mode de luxe, il lui a fallu comprendre le fonctionnement d’une mode mass-market, grand public, avec des productions en bien plus grandes quantités. Même si l’on nous fera la remarque que Diesel version Glenn n’a plus vraiment rien d’une marque de moyenne gamme tant le belge l’a rendu ultra-fashion, niche, et engagée. Bien plus que ce qu’elle était, même si le terrain était là.

Avec son set design en collaboration avec Durex, Glenn Martens défend un mode de vie urbain, festif, et surtout, un amour libre et protégé. Mais le re-branding réussi de la marque ne doit pas pour autant faire oublier que les pièces, malgré un style pour le moins osé, sont aussi preuve du savoir-faire propre à Martens. L’industrie du jean est connue pour ses innovations, dont notamment les découpes ultra-précises au laser très présentes ici. Même chose pour les découpes, dévorés et jacquards que l’on aperçoit sur des coupes années 2000, alternant entre costumes au tombé étonnamment précis, jupes longues et taille basse, et autres vestes en cuir. Une collection stylistiquement engagée, mais qui réunit toujours tous les ingrédients de la réussite.

5. Le coup de maître de Bottega Veneta

Troisième collection pour le directeur artistique Mathieu Blazy qui une fois de plus ne nous a pas déçu. Il nous a même ébloui. À l’image de sa présentation SS23, Blazy a joué à nouveau avec son concept de « personnages », présentant une collection jouant sur différentes typologies et archétypes du quotidien, allant du trader boosté du financial district à la bourgeoise en manteau de fourrure (dont les tâches sont réalisées en 3D. Mood). Mais Bottega Veneta c’est surtout l’expertise du craftmanship et du concept vestimentaire qui fait péter le cerveau : ici les costumes classiques sont entièrement réalisés en constructions tricotées, jusqu’à la cravate. Les chaussettes se révèlent être des chaussures en cuir tricotées. Et ce qui ressemble à un autre débardeur blanc classique en coton et à un pantalon en denim s’avèrent être des pièces réalisées en cuir trompe-l’œil. Le tout avec des silhouettes encore plus fun et plus audacieuse qu’auparavant : hauts “popcorn”, robes-pulls pour hommes, poils longs, plumes… Et bien sûr, la maison n’a pas oublié de revisiter ses codes traditionnels comme ses célèbres concepts d’intreccio et d’intrecciato, comme en témoignent la nouvelle offre de cuissardes et de sacs. Chic, fun et élégant. C’est tout ce qu’on demande.

6. L’obsession du monochrome
MSGM FW23, Prada FW23, Jil Sander FW23, GCDS FW23, Fendi FW23.

Ça a beau être l’hiver, la guerre, la crise climatique, Milan voit la vie en couleurs et capitalise comme jamais sur les silhouettes colorées avec une prépondérance pour les looks monochromes. Ils sont présents chez toutes les marques (ou presque). De quoi vous prendre pour un nuancier pantone dernière édition. Vu chez MSGM, Prada, Jil Sander, GCDS, Fendi…

7. Faux Fur for sure
Bottega Veneta FW23, Gucci FW23, Blumarine FW23, Trussardi FW23, Giorgio Armani FW23, MSGM FW23.

Qui dit Milan dit grande bourgeoise à fourrure. Un cliché que les créateurs se sont fait un malin plaisir de détourner. Déjà en proposant l’utilisation de fausse fourrure mais aussi en détournant le manteau d’origine : taille, volume, couleur, longueur des poils etc. Bref, la bourgeoise milanaise se la joue pimp sous acide et on aime ça. Vu chez Bottega Veneta, Gucci, Blumarine, Trussardi, Giorgio Armani, MSGM, Sunnei…

8. Fifty shades of grey (like literally)
Emporio Armani FW23, Bottega Veneta FW23, Fendi FW23, Prada FW23, Tod’s FW23, Gucci FW23.

Milan, c’est la mode et le glamour, ok. Mais ça reste surtout la capitale économique de l’Italie, ne l’oublions pas. Et qui dit économie, dit forcément business, finance, costumes, tailleurs. Et donc du gris, la couleur par excellence de n’importe quelle business person qui se respecte. Un classique remis au goût du jour et décliné dans différentes teintes par Emporio Armani, Bottega Veneta, Fendi, Prada, Tod’s, Gucci…

9. Animal Crossing
GCDS FW23, Ferragamo FW23, Bottega Veneta FW23, Jil Sander FW23, Blumarine FW23, MSGM FW23.

On ne sait pas trop si c’est une critique de notre société actuelle en mode “La Ferme des Animaux” ou simplement une envie de se grimer comme un enfant de CE2 le jour de Mardi Gras. Quoiqu’il en soit cette saison, les marques milanaises ont choisi de nous habiller avec des imprimés zèbre, vache, léopard, serpent etc. Vu chez GCDS, Ferragamo, Bottega Veneta, Jil Sander, Blumarine, MSGM, Giorgio Armani…

10. T’imprimes ou bien ?
MSGM FW23, Missoni FW23, Prada FW23, Diesel FW23, Bottega Veneta FW23, Jil Sander FW23.

Tracé grossier, dessin brouillé, motif en 3D, taille démesurée : Histoire de montrer que Milan ce n’est pas que du sérieux ou du glam, certaines marques ont choisi de détourner des imprimés, apportant ainsi un peu de fun et de dérision qui manquent parfois, pour ne pas dire souvent, à la mode milanaise. Vu chez MSGM, Missoni, Prada, Diesel, Bottega Veneta, Jil Sander…

11. Rise and Shine
Blumarine FW23, Alberta Ferretti FW23, Ferragamo FW23, Jil Sander FW23, MM6 Maison Margiela FW23.

Milan ne serait pas Milan sans un peu de show off. Voilà pourquoi c’est toujours bien d’avoir une pièce clinquante qui va vous permettre d’être bien vu·e et remarqué·e la prochaine fois que vous irez faire vos courses. Cette saison, on shine mais version argent chromée. Vu chez Blumarine, Alberta Ferretti, Ferragamo, Jil Sander, MM6 Maison Margiela…

11. Dites-le avec des fleurs
Jil Sander FW23, Bottega Veneta FW23, Prada FW23, Etro FW23, Moschino FW23.

Un peu de romantisme ça n’a jamais fait de mal à personne. Surtout quand la fin du monde se fait étrangement sentir. Alors pour véhiculer l’amour, l’abondance et la quiétude, autant porter des fleurs. De toute façon, avec les sécheresses à répétition, on pourra bientôt plus en faire pousser. Heureusement, la mode est toujours là pour nous offrir une alternative au désastre annoncé. Yolo. Vu chez Jil Sander, Bottega Veneta, Prada, Etro, Moschino…