2. POUR LA MISE EN SCENE EBLOUISSANTE DE LUCA GUADAGNINO
C’est le cinéaste italien Luca Guadagnino qui a été choisi pour assurer la direction artistique de l’exposition. On connaît le goût du réalisateur pour les décors qui ont une âme, et ses lieux de tournage participent souvent à ancrer ses films dans la mémoire des spectateurs. On se souvient de la villa Necchi où se joue l’intrigue familiale du film “Amore”, de la maison en pierre sèche typique de l’île de Pantelleria dans “A Bigger Splash”, remake de La Piscine, et bien sûr de cette maison de vacances au charme suranné et noyée dans la végétation de la campagne italienne dans “Call Me by Your Name”. Un talent et une appétence pour la décoration qui l’ont poussé à ouvrir son propre studio d’architecture intérieur à Milan, signant des projets résidentiels et commerciaux. Pour embarquer les visiteurs de l’exposition HOMO FABER, Luca Guadagnino, secondé par Nicolo Rosmarini, a conçu un parcours allégorique de la vie, intitulé “The Journey of Life” (“L’Odyssée de la vie”). “Un thème abstrait, presque littéraire”, racontait le réalisateur au Vogue Italia quelques jours avant l’ouverture. “Au cours de nos discussions, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions transformer ce thème en quelque chose de plus symbolique, en mettant au centre non pas une narration, mais une forme, dont le contenu serait l’artisanat et ses savoir-faire”.
On est ainsi transporté dans cette trajectoire de vie, de la naissance à la vie après la mort, en passant par l’enfance, les voyages, l’amour ou les rêves, dans une mise en scène joyeuse qui n’écrase jamais les objets, mais au contraire les met au centre de l’attention, les accumulant pour mieux les révéler. “Chez les visiteurs, j’aimerais susciter à la fois un sentiment d’émerveillement, d’intimidation et d’intimité. La rencontre entre une dimension large, la Fondation, et une dimension intime, c’est-à-dire le microcosme des artisans. En entremêlant l’espace, l’art et l’artisanat, nous espérons inviter les visiteurs à embarquer pour une expérience contemplative”. Les objets, tous faits main avec maîtrise et précision, deviennent ainsi des symboles de chaque étape de notre vie. Une sorte de souvenirs précieux, qui subliment le quotidien, et font de notre existence un voyage à travers la beauté, la délicatesse, et la créativité.
Dans ce parcours quasi initiatique à l’artisanat d’art contemporain, la salle de l’ancien réfectoire du monastère est particulièrement saisissante. Face à la reproduction des Noces de Cana de Véronèse, célèbre tableau dont l’original est exposé au Louvre, se dresse une longue table présentant un accumula de pièces délicates dédiées à l’art de la table, et c’est comme si le tableau lui-même prenait vie et que ses personnages s’invitaient au grand banquet. Un peu plus loin, la piscine désaffectée a été remise en eau pour l’occasion et plongée dans une quasi-obscurité. Dans son bassin se dressent des silhouettes sans visage faisant écho aux dizaines de masques confectionnés par des artisans des quatre coins du monde, symboles de nos rêves tout autant que des rituels et de la spiritualité qui régissent notre condition humaine.