“Celebration”, Giulio Ghirardi, © Michelangelo Foundation

HOMO FABER, l’exposition célébrant l’artisanat d’art à l’échelle internationale, revient à Venise pour une troisième édition éblouissante. Voici trois bonnes raisons de faire le voyage pour découvrir cet évènement en passe de devenir incontournable.

1. POUR LA MAGIE DE LA SERENISSIME

 

Initiée par la Michelangelo Foundation for Creativity and Craftsmanship, organisation célébrant et accompagnant les artisans à travers le monde, tout en prônant un avenir plus humain, plus inclusif et plus durable, HOMO FABER s’est choisi Venise comme port d’attache. Un choix qui s’inscrit dans la tradition séculaire de la Sérénissime connue pour son artisanat d’exception (verre de Murano, céramique, masques, tissus et dentelle précieuse…), mais aussi à ses nombreux évènements artistiques de renommée mondiale, de la Mostra à ses biennales alternant architecture et art contemporain. L’écrin de l’exposition est lui aussi exceptionnel. Avec ses cloîtres, ses jardins et ses bâtiments historiques généralement fermés au public, la Fondation Giorgio Cini occupe toute l’île de San Giorgio Maggiore et se dresse fièrement en face de la Place Saint Marc et des célèbres Giardini où se tient depuis le mois d’Avril la Biennale d’art contemporain. Et ce n’est pas un hasard. HOMO FABER entend en effet prouver que l’artisanat, lorsqu’il atteint un tel niveau de virtuosité et de créativité, n’a rien à envier à l’art contemporain pourtant bien plus valorisé.

Hypno Chief Mask OLK Manufactory Manufacture, Alexandre Vazquez © Michelangelo Foundation.
Hypno Chief Mask OLK Manufactory Manufacture, Alexandre Vazquez © Michelangelo Foundation.

Il s’avère même plus pérenne que certaines œuvres contemporaines, étonnantes sur le moment et témoin de nos faits de société, mais qui ne passeront pas forcément à la postérité. Ce que souligne Johann Ruppert, co-fondateur de la Michelangelo Foundation : “C’est la créativité, l’individualité, le caractère fort et les perspectives de l’humanité qui perdurent véritablement à travers les siècles et deviennent un héritage. Dans un monde où les machines éliminent des emplois chaque jour et où l’intelligence artificielle est en train de transformer nos vies, il est essentiel de reconnaître le talent exceptionnel et purement humain ainsi que son potentiel à apporter équilibre et beauté”. Pour prolonger cette découverte de l’artisanat d’art, HOMO FABER invite aussi à visiter Venise autrement, et à pousser les portes de 70 ateliers couvrant une palette fantastique de métiers d’art ‘’in città’’, soit en ville. Des jeunes artisans comme des grands ‘’maestros’’ dévoilent ainsi au public leurs techniques intimement liées à la ville

2. POUR LA MISE EN SCENE EBLOUISSANTE DE LUCA GUADAGNINO

 

C’est le cinéaste italien Luca Guadagnino qui a été choisi pour assurer la direction artistique de l’exposition. On connaît le goût du réalisateur pour les décors qui ont une âme, et ses lieux de tournage participent souvent à ancrer ses films dans la mémoire des spectateurs. On se souvient de la villa Necchi où se joue l’intrigue familiale du film “Amore”, de la maison en pierre sèche typique de l’île de Pantelleria dans “A Bigger Splash”, remake de La Piscine, et bien sûr de cette maison de vacances au charme suranné et noyée dans la végétation de la campagne italienne dans “Call Me by Your Name”. Un talent et une appétence pour la décoration qui l’ont poussé à ouvrir son propre studio d’architecture intérieur à Milan, signant des projets résidentiels et commerciaux. Pour embarquer les visiteurs de l’exposition HOMO FABER, Luca Guadagnino, secondé par Nicolo Rosmarini, a conçu un parcours allégorique de la vie, intitulé “The Journey of Life” (“L’Odyssée de la vie”). “Un thème abstrait, presque littéraire”, racontait le réalisateur au Vogue Italia quelques jours avant l’ouverture. “Au cours de nos discussions, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions transformer ce thème en quelque chose de plus symbolique, en mettant au centre non pas une narration, mais une forme, dont le contenu serait l’artisanat et ses savoir-faire”.

Luca Guadagnino et Nicolo Rosmarini, Giulio Ghirardi © Michelangelo Foundation.

On est ainsi transporté dans cette trajectoire de vie, de la naissance à la vie après la mort, en passant par l’enfance, les voyages, l’amour ou les rêves, dans une mise en scène joyeuse qui n’écrase jamais les objets, mais au contraire les met au centre de l’attention, les accumulant pour mieux les révéler. “Chez les visiteurs, j’aimerais susciter à la fois un sentiment d’émerveillement, d’intimidation et d’intimité. La rencontre entre une dimension large, la Fondation, et une dimension intime, c’est-à-dire le microcosme des artisans. En entremêlant l’espace, l’art et l’artisanat, nous espérons inviter les visiteurs à embarquer pour une expérience contemplative”. Les objets, tous faits main avec maîtrise et précision, deviennent ainsi des symboles de chaque étape de notre vie. Une sorte de souvenirs précieux, qui subliment le quotidien, et font de notre existence un voyage à travers la beauté, la délicatesse, et la créativité.

Dans ce parcours quasi initiatique à l’artisanat d’art contemporain, la salle de l’ancien réfectoire du monastère est particulièrement saisissante. Face à la reproduction des Noces de Cana de Véronèse, célèbre tableau dont l’original est exposé au Louvre, se dresse une longue table présentant un accumula de pièces délicates dédiées à l’art de la table, et c’est comme si le tableau lui-même prenait vie et que ses personnages s’invitaient au grand banquet. Un peu plus loin, la piscine désaffectée a été remise en eau pour l’occasion et plongée dans une quasi-obscurité. Dans son bassin se dressent des silhouettes sans visage faisant écho aux dizaines de masques confectionnés par des artisans des quatre coins du monde, symboles de nos rêves tout autant que des rituels et de la spiritualité qui régissent notre condition humaine.

Dreams, Giulio Ghirardi © Michelangelo Foundation
3. POUR DECOUVRIR DES OBJETS EXCEPTIONNELS

 

Plus de 800 objets sont présentés dans cet évènement, témoignant de la virtuosité de 400 artisans des quatre coins du monde, certains déjà bien connus comme le français Pierre Salagnac, designer et sculpteur sur bronze, d’autres plus émergents sur la scène internationale. Tous représentent une grande diversité de savoir-faire et de matériaux incluant le verre, l’ébénisterie, la sculpture en bronze, la laque, les textiles, le papier, le cuir… Certaines des œuvres ont été réalisées spécifiquement pour l’évènement, à l’instar de celles présentées dans le premier espace qui accueille les visiteurs. Pour symboliser la naissance, le duo Luca Guadagnino et Nicolo Rosmarini a choisi la métaphore du Jeu de l’Oie à partir d’une idée du curateur et critique d’art français Jean de Loisy. Chacune des 60 cases a été illustrée par l’artiste nord-irlandais Nigel Peake, puis brodée à la main par des artistes venus de vingt pays différents. D’autres œuvres sont le résultat du programme Homo Faber Fellowship. Soutenu par la maison Jaeger-LeCoultre, ce programme lancé en septembre 2023 vise à aider des jeunes diplômés des métiers d’art à lancer leur carrière, notamment en finançant leur intégration pendant six mois auprès de maîtres artisans reconnus en Europe. Durant cet apprentissage, ces duos maîtres-élèves ont conçu et réalisé un objet inspiré par l’Art déco, dont sept sont présentées dans cette biennale.

Comme pour les éditions précédentes, de grandes maisons de luxe dont Piaget, Cartier, IWC Schaffhausen ou encore la Maison Lesage Paris, résidente du 19M ont été invitées à ponctuer la visite d’ateliers où leurs propres artisans partagent leur savoir-faire avec les visiteurs. On y découvre aussi quelques pièces d’exception, comme l’automate Fée Ondine de Van Cleef & Arpels, fruit de sept années de travail et d’une étroite collaboration avec l’artiste suisse fabriquant d’automates François Junod. Cet objet unique, alliant tradition joaillière et horlogère a réuni les talents d’artisans aux techniques variées (lapidaires, joailliers, sertisseurs, émailleurs, ébénistes…), enferme un mécanisme d’une grande complexité qui permet à la fois l’animation des différents éléments et la lecture de l’heure. La technique s’efface cependant devant la poésie de l’instant : mouvement et légèreté, beauté de la nature et grâce d’une fée qui s’éveille, nuances des pierres précieuses et de l’émail.

Un peu plus loin, la maison de maroquinerie milanaise Serapian présente une malle sur mesure extraordinaire en Mosaico, une technique de travail du cuir unique inventé par Stefano Serapian en 1947 et Panerai dévoile une installation lumineuse inspirée par la luminescence, conçue par Blackstudio, évoquant l’architecture modulaire des mécanismes d’horlogerie. Autant de preuves s’il fallait encore le préciser au terme de ce formidable voyage auquel nous invite Homo Faber à travers la créativité et le savoir-faire, que l’artisanat d’art n’a pas fini de nous éblouir, nous inspirer et rendre plus beau notre quotidien. Ou comme le dit Franco Cologni, co-fondateur de la Michelangelo Foundation for Creativity and Craftsmanship : “Si le David de Michel-Ange peut encore nous couper le souffle, c’est parce qu’il est imprégné d’esprit humain et de maîtrise. Il est temps pour une nouvelle Renaissance, de nous rassembler et de forger un mouvement culturel dynamique centré sur la signification profonde et les valeurs de l’artisanat”.

HOMO FABER, Jusqu’au 30 Septembre à la Fondation Giorgio Cini à Venise, www.homofaber.com