Jean en denim bleu imprimé “Toile de Jouy”, collier “Dior Animals” en perles de résine, cristal noir et doré antique Dior, bagues en laiton et cristaux blancs et boucles d’oreilles en argent Gucci, chevalières “Médusa” en argent, chevalière “éclipse” en argent et nacre blanche Tant d’avenir, Tee-shirt personnel

Après des années d’absence sur la scène musicale, la chanteuse et comédienne queer Soko revient avec un troisième album romantique et réflexif où elle dit (enfin) accepter tous ses sentiments. Soit un arc-en-ciel d’émotions et de valeurs à prendre dans sa globalité, à l’heure où, en plein Pride Month 2020, la lutte pour les droits LGBTQIA+ est plus qu’actuelle quand il s’agit de faire accepter la multiplicité des identités.

Installée dans le quartier de Silver Lake à Los Angeles depuis une douzaine d’années, Soko, née à Bordeaux en 1984, en a maintenant chopé l’accent, les préoccupations et les codes. Elle se déplace en voiture hybride et fréquente le farmers market. Elle y passe des castings et multiplie les babies parties LGBT. Exit les rôles d’adolescentes qui lui ont fait traverser le cinéma de Xavier Giannoli et de Virginie Despentes, Soko tourne aujourd’hui entre l’Europe et les États-Unis et ne choisit que des rôles marquants : une patiente hystérique traitée par le professeur Charcot dans Augustine d’Alice Winocour ou la pionnière américaine de la danse moderne Loïe Fuller dans La Danseuse de Stéphanie Di Giusto. Excellant dans ce dosage complexe que l’époque chérit, avec ce qu’il faut de glamour mode et de selfies random, Soko a joué le jeu d’une histoire publique avec Kristen Stewart et s’est récemment livrée au récit détaillé de son accouchement pour le très branché magazine Garage. Égérie warholienne ou post-grunge ? Si treize années se sont (déjà) écoulées depuis son premier succès sur MySpace (I’ll Kill Her), Soko n’a cessé de se construire une place à part dans l’industrie du cinéma et de la musique. Son nouvel album, Feel Feelings, porte l’empreinte de sa voix nouvellement grave et, du fait de son équipe de production new-yorkaise, se teinte d’accents du groupe MGMT. À 34 ans, la mère du petit Indigo déclare jouir du moment présent et des émotions spontanées, endossant avec bonheur les couleurs rainbow d’une parentalité LGBT. Les tournages de ses deux prochains films terminés (Little Fish de Chad Hartigan et Mayday de Karen Cinorre), sa vie de chanteuse reprend le dessus, cinq ans après son dernier opus, My Dreams Dictate My Reality. Et presque dix après “I Thought I Was An Alien”, qui l’avait solidement installée parmi les songwriters rock & folk intimistes à suivre, décrochant au passage une place dans le top 10 du billboard américain.

Mixte. Avoir un enfant a-t-il changé les plans de ce nouvel album, Feel feelings ? 

Soko. Je suis tombée enceinte vers la fin du mix… Tout était donc déjà écrit et enregistré. Il y a juste une phrase que j’ai changée, à la fin de “Now What?”, pour faire correspondre le texte à la réalité de ce que je vis. Et, une fois l’album fini, j’ai ajouté les premiers battements de cœur d’Indigo à l’échographie. C’est un album de passage. Il se termine sur une nouvelle page à écrire.

Chemise en popeline de coton et jupe en dentelle blanches Valentino

M. Comment envisages-tu ton statut de parent LGBTQI+ ? 

S. Heureusement, je n’ai jamais souffert du regard des autres et de ce que les gens pensent. J’ai toujours été très à l’aise dans mes pompes par rapport à mon orientation sexuelle. Je n’ai pas vraiment eu à faire de coming out, y compris dans ma famille. Quant à avoir un enfant, j’ai toujours eu envie de le faire avec un pote. Et toujours su que je serais une single mom et que je fonderais une famille non conventionnelle. Il se trouve que je suis avec ma meilleure amie Stella depuis un an. On élève cet enfant ensemble… Tout est fluide. Indigo l’appellera comme il le souhaitera.

M. C’était difficile de sortir un album qui témoigne de ta vie d’avant ? 

S. Pendant que j’étais enceinte, et proche de l’accouchement, je n’arrivais plus à me connecter à la musique. J’étais dans une autre dimension. Or le titre de l’album était très important : “Feel feelings” (ressentir des émotions, ndlr)… La vie est comme un arc-en-ciel de sentiments, où chaque couleur compte. Quand j’ai eu l’impression de ne plus comprendre cet album et que j’étais un peu perdue, je me suis aperçue que Feel feelings était précisément là pour me rappeler que toutes les émotions sont les bienvenues pour avancer.

M. Cette gestion des émotions dont tu parles, on la retrouve dans la chanson “Quiet Storm” qui évoque un abus dont tu déclares avoir été victime. As-tu quelque chose à dire sur le sujet ? 

S. C’était ma première relation. Une relation très abusive. Il prenait beaucoup de drogues et j’avais l’impression que tout était normal… Tout ce qu’il ne faut pas faire dans une relation de ce genre. J’ai mis longtemps à me débarrasser de ça. Puis, à 25 ans, il m’est arrivé un truc vraiment pas bien sur un tournage. Une histoire qui m’est revenue avec le témoignage d’Adèle Haenel. À l’époque, j’avais dénoncé les faits sur Facebook sans donner de nom. Et l’on m’a mise sous silence en me demandant de faire des excuses publiques. Je suis passée pour la pire des personnes… On ne m’a ni protégée ni écoutée ni entendue. Je n’ai pas reçu de bravo pour avoir parlé et ça n’a pas ouvert de dialogue… Ce qui est pour moi le plus important maintenant, ce n’est pas de le dénoncer lui, mais de dénoncer le silence qu’il y a eu autour. Aujourd’hui, j’ai acquis beaucoup de stabilité. Et je veux la protéger.

M. Cette stabilité s’est d’autant plus concrétisée quand tu es devenue mère… 

S. Absolument. Indigo est arrivé comme un bébé magique, pour me dire quelque chose entre le soleil et la pluie, à savoir accepter, apprécier et apprendre de toutes mes émotions. Sans chercher à ressentir de la honte, ni de la culpabilité. J’essaie vraiment de développer avec lui une relation de confiance. Je l’élève selon la méthode RIE (Resources For Infant Educarers, méthode plus connue sous le nom de “respectful parenting”, ndlr), qui aide à débloquer l’autonomie des enfants et leur indépendance en évitant qu’ils aillent sans cesse chercher la validation auprès de tiers. Au lieu de lui demander : “Pourquoi tu pleures ?”, on essaie de l’accompagner dans ce qu’il ressent. On ne pas dit pas non pour dire non ; on lui explique pourquoi…

Blouse-corset en denim de coton blanc à surpiqûres noires gauchère, collier en métal et anneaux en argent Gucci

M. Tu as le sentiment de réparer quelque chose ? 

S. Je reconnecte évidemment avec beaucoup de choses de mon enfance. Et je n’arrive toujours pas à croire que ma mère ait porté quatre enfants et qu’elle en ait élevé six ! Forcément, elle n’a pas pu s’occuper de tout le monde de la même manière. Elle disait souvent : “C’est non parce que j’ai dit non !” Mais je la comprends mieux aujourd’hui. J’ai plus de gratitude. Avoir un enfant m’a rapproché de ma famille.

M. Comment est arrivée ta collaboration avec le producteur Patrick Wimberly, ex du groupe Chairlift qui a depuis travaillé avec Solange, Dev Hynes ou MGMT ? 

S. Je l’ai rencontré via Andrew VanWyngarden de MGMT, dont Patrick venait de mixer l’album. J’habitais chez Sean Lennon à New York, qui était à ce moment-là très pris. Je cherchais des gens avec qui enregistrer. Patrick m’a tout de suite répondu : “OK, on commence la semaine prochaine…” Alors que je n’avais quasiment pas de chansons, à peine cinq… Il n’en reste qu’une seule aujourd’hui sur l’album. J’ai écrit tout le reste en studio, ce qui était absolument nouveau pour moi.

M. Comment s’est formé le reste de l’équipe ? 

S. J’ai pas mal collaboré avec James Richardson, le guitariste de MGMT. J’ai écrit plusieurs chansons avec lui, comme “Replaceable Heads” ou la prod’ de “Blasphemie”. Simon O’Connor, qui est aujourd’hui aussi MGMT, a fait plein de basses sur l’album, et Patrick plein de claviers. Sean participait pour des guitares… Des potes de passage à New York venaient jouer sur deux ou trois morceaux. Ce fut la meilleure expérience studio de ma vie. Ça a pris beaucoup de temps parce qu’on était heureux de faire de la musique ensemble, avec Patrick. C’était la première fois que j’étais complètement à l’aise avec mon langage musical. Aujourd’hui, je n’ai plus le syndrome de l’imposteur. Avant, j’avais l’impression de devoir me prouver plein de choses. Là, je me disais : “OK, c’est bon, je l’ai déjà fait”, en m’appuyant sur les compétences de chacun pour exécuter ce que j’avais de plus sophistiqué en tête. J’écris parfois des arrangements très compliqués ! C’était très gratifiant de voir quelqu’un les jouer.

M. L’album frappe notamment par la place qu’y occupe ta voix, qui embrasse différentes attitudes, différents registres, et laisse une véritable impression de liberté. Comment s’est déroulé ce travail ? Est-il né d’une volonté particulière dans ton envie d’apparaître, de te montrer ? 

S. Bizarrement, j’ai voulu aller chercher ma voix la plus grave et la plus androgyne. J’ai changé mille fois la tonalité de mes chansons pour aller au plus grave possible. J’ai voulu moins chanter comme une fille.

M. Qu’as-tu changé dans ta manière de faire de la musique ? 

S. Mes précédents albums cherchaient à résoudre des conflits passés. Feel Feelings est sur le moment présent. Il cherche à casser des habitudes, comme sur “Remplaceable Heads”, qui parle de mon addiction aux mêmes schémas de relations, au fantasme, de cette manie que j’avais à tomber sur les mêmes profils, avec l’impression de toujours sortir avec la même personne. Cet album accepte davantage mes origines, d’où je viens. Cela se voit non seulement dans les thèmes que j’aborde, mais aussi dans la gestion de mon accent, par exemple, auquel je fais moins attention. J’avais envie de me sentir comme Gainsbourg. J’avais envie de sons à la Air. D’un retour aux sources. D’un album plus cohérent dans son entièreté, plus concentré.

M. Tu as d’ailleurs écrit ta première chanson en français, dans laquelle tu parles de ton ex, Sasha… 

Polo en jersey de coton Louis Vuitton, , pantalon de jogging een laine et jersey Gucci

S. En effet. On habitait à Paris quand on était ensemble. On s’est séparées et je suis restée un moment toute seule dans l’appartement. Cette chanson parle de ce moment où tu regardes le plafond et que l’autre n’est pas là… La scène étant à Paris, le français m’est venu spontanément.

M. Tu t’es fait connaître sur MySpace en 2007 et nous sommes en 2020. Quel regard portes-tu sur le temps qui passe, et notamment sur cette dernière décennie qui a profondément changé l’industrie musicale ? 

S. C’est fou… J’écoute tellement de musiques sur Spotify… Hier, on regardait un film avec Stella, et la B.O. était tellement bien que je n’arrêtais pas de shazamer. Avant, on était obligé de rester jusqu’à la toute fin du générique pour repérer un titre. Nos moyens de consommation sont devenus tellement immédiats… C’est de l’hyper luxe. Tout est à portée de main.

M. Tu es née en France, tu vis aux États-Unis, ton père était russo-polonais et ta mère d’origine italienne. Le retour aux sources dont tu parles est forcément composite… 

S. Récemment, j’ai fait l’un de ces fameux tests ADN. Je n’ai que 9 % de français et 50 % d’origines ashkénazes… Tout ça ne veut pas dire grand-chose, même si ce mélange me parle : nous sommes tous issus d’un grand melting-pot. C’est peut-être pour ça que j’ai besoin de voyager et que je n’ai pas de grands sentiments patriotiques.

M. Le thème de notre numéro est la “désobéissance”. Considères-tu que la Californie, où tu vis, est en désobéissance par rapport au reste des États-Unis ? Au reste du monde ? 

S. Sans aucun doute. La Californie est en rupture. C’est un état progressif, très en avance. Quand je rentre en France, je suis toujours étonnée qu’il y ait encore des préjugés ou des sarcasmes sur le fait d’être végan ou d’arrêter de manger des burgers. Même si on y admire Greta Thunberg, la France est beaucoup trop timide dans ses démarches vis-à-vis de l’état de la planète. En Californie, c’est notre préoccupation principale. Ici, on te demande si tu as un sac avant de t’en proposer un. Et ce n’est qu’un exemple parmi tous les gestes devenus des réflexes.

M. Comment résoudre les contradictions qui existent entre l’usage de la voiture à Los Angeles, des tournages à l’autre bout du monde et des préoccupations écologiques ?

S. J’essaie de faire des efforts dans tout ce que j’entreprends. Je conduis une voiture hybride et je condense au maximum mes déplacements dans mon emploi du temps. Je viens par exemple d’enchaîner un tournage en Croatie avec la promo pour l’album, que j’aurais aussi bien pu faire plus tard à Paris. Étant maman, il faut dire que cela s’accorde à de nouveaux besoins de stabilité. J’ai vécu douze ans avec des valises ! Et aussi, pour cet album, j’ai décidé qu’on n’éditerait pas de CD pour ne pas utiliser de plastique.

Jean en denim bleu imprimé “Toile de Jouy”, collier “Dior Animals” en perles de résine, cristal noir et doré antique Dior, bagues en laiton et cristaux blancs et boucles d’oreilles en argent Gucci, chevalières “Médusa” en argent, chevalière “éclipse” en argent et nacre blanche Tant d’avenir, Tee-shirt personnel

Coiffure : Pierre de Saint Sever. Maquillage : Massae Ito @ Atomo Management. Assistant photographe : Rodolphe Buche. Assistant styliste : Pierre Bourgeois. Opérateur digital : Edouard Malfettes @ Imag’In Paris.