M. Comment s’est formé le reste de l’équipe ?
S. J’ai pas mal collaboré avec James Richardson, le guitariste de MGMT. J’ai écrit plusieurs chansons avec lui, comme “Replaceable Heads” ou la prod’ de “Blasphemie”. Simon O’Connor, qui est aujourd’hui aussi MGMT, a fait plein de basses sur l’album, et Patrick plein de claviers. Sean participait pour des guitares… Des potes de passage à New York venaient jouer sur deux ou trois morceaux. Ce fut la meilleure expérience studio de ma vie. Ça a pris beaucoup de temps parce qu’on était heureux de faire de la musique ensemble, avec Patrick. C’était la première fois que j’étais complètement à l’aise avec mon langage musical. Aujourd’hui, je n’ai plus le syndrome de l’imposteur. Avant, j’avais l’impression de devoir me prouver plein de choses. Là, je me disais : “OK, c’est bon, je l’ai déjà fait”, en m’appuyant sur les compétences de chacun pour exécuter ce que j’avais de plus sophistiqué en tête. J’écris parfois des arrangements très compliqués ! C’était très gratifiant de voir quelqu’un les jouer.
M. L’album frappe notamment par la place qu’y occupe ta voix, qui embrasse différentes attitudes, différents registres, et laisse une véritable impression de liberté. Comment s’est déroulé ce travail ? Est-il né d’une volonté particulière dans ton envie d’apparaître, de te montrer ?
S. Bizarrement, j’ai voulu aller chercher ma voix la plus grave et la plus androgyne. J’ai changé mille fois la tonalité de mes chansons pour aller au plus grave possible. J’ai voulu moins chanter comme une fille.
M. Qu’as-tu changé dans ta manière de faire de la musique ?
S. Mes précédents albums cherchaient à résoudre des conflits passés. Feel Feelings est sur le moment présent. Il cherche à casser des habitudes, comme sur “Remplaceable Heads”, qui parle de mon addiction aux mêmes schémas de relations, au fantasme, de cette manie que j’avais à tomber sur les mêmes profils, avec l’impression de toujours sortir avec la même personne. Cet album accepte davantage mes origines, d’où je viens. Cela se voit non seulement dans les thèmes que j’aborde, mais aussi dans la gestion de mon accent, par exemple, auquel je fais moins attention. J’avais envie de me sentir comme Gainsbourg. J’avais envie de sons à la Air. D’un retour aux sources. D’un album plus cohérent dans son entièreté, plus concentré.
M. Tu as d’ailleurs écrit ta première chanson en français, dans laquelle tu parles de ton ex, Sasha…