Comment ne pas être punk dans l’Amérique post-Trump de 2022 ? Special Interest vient d’apporter une réponse limpide à cette question sous la forme d’un disque radicale et tranchant. “Endure”, leur nouvel album, est ce qu’on a entendu de plus lucide sur les Etats-Unis depuis un bail. Le groupe, formé à la Nouvelle-Orléans (patrie de Lil Wayne et de Big Freedia) et composé de la guitariste Maria Elena, du bassiste Nathan Cassiani, Ruth Mascelli aux synthés et à la programmation et d’Alli Logout (chant), ne fait pas un statement de son identité queer. Leur propos va bien au-delà : « Ça n’est que qu’une partie de nos identités sexuelles et de genre avec laquelle on est parfaitement à l’aise mais ça ne va pas nécessairement plus loin. En tout cas soniquement. » Special Interest entend surtout présenter à l’AmeriKKKa un miroir cru. Pour qu’enfin, elle se regarde en face.
« Qui s’est fait refiler le rêve américain / Pour faire une OD sous fentanyl/ Dans un régime fasciste / Qui ne peut rien s’acheter / Parce que les prix sont scandaleux / On n’a même pas de maison / Le proprio nous a viré » hurle Alli Logout, chanteuse du groupe, sur Concerning Peace. De la colère, Logout en a à revendre. « Je fais une différence entre la rage et la colère, précise la chanteuse. Oui, je ressens de la rage mais pour moi, c’est une façon d’être véritablement engagée. » Cette femme noire et queer a des tas de raisons d’avoir la fièvre : racisme structurelle, violence policière, homophobie, transphobie… « Y’a de quoi en avoir vraiment marre. On en parle, on fait des manifs. Mais rien ne bouge! »