Statement ou malaise
Mais TikTok est loin d’avoir inventé la tendance squattercore. Déjà en 1989, Martin Margiela, le plus punk des designers de l’époque, présente sa collection printemps-été 90 dans un squat du XXème arrondissement de Paris. Lors de cet événement, véritable game changer de l’histoire de la fashion week, où les mannequins défilent parmi les gamins du quartier avec des robes scotchées et rapiécées avec des sacs de courses Monoprix, le gratin de la mode est aussi impressionné que gêné. Le lendemain, la sentence tombe dans une critique de Libération : “On a franchi une frontière qui n’aurait jamais dû être franchie : celle de l’indécence. (…) Après ce tourisme canaille chez les pauvres, quelques suggestions de misère pour la saison prochaine : une favela de Rio, les passages du musée à Beyrouth, un mouroir à Calcutta. Le malheur n’est-ce pas, c’est tellement pittoresque, tellement artiste.” Mais faut-il vraiment passer par l’indécence pour rendre la pauvreté plus visible ? C’est en tous cas le postulat du rappeur et artiste Tommy Cash, venu assister au défilé Diesel printemps-été 2024 habillé en SDF. Cette fois-ci la démarche est claire, l’artiste souhaite dénoncer l’hypocrisie du luxe et la tendance même du #squattercore : « Ma présence au défilé Diesel est une critique claire du cynisme généralisé qui entoure les tendances telles que le chic de la pauvreté, le cœur des sans-abri ou le style clochard. », a-t-il précisé au magazine Dazed. Si la démarche peut paraître bancale, chez d’autres, le message est limpide – quitte à mettre les mains dans le cambouis ou plutôt dans la boue.