Texte :  Florence Vaudron

L’exposition “Thierry Mugler Couturissime” a enfin ouvert ses portes au public au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Une rétrospective à ne manquer sous aucun prétexte qui donne à voir toutes les facettes du personnage Thierry Mugler et l’étendue de l’imaginaire du créateur qui a marqué la mode.

C’est l’exposition qui a été la plus visitée au Canada en 2019, autant dire qu’on l’attendait ici à Paris avec plus qu’impatience. Repoussée d’un an en raison de la pandémie “Thierry Mugler : Couturissime” a enfin ouvert ses portes au public jeudi 30 septembre, une date symbolique en plein milieu d’une fashion week parisienne qui renoue enfin avec les défilés physiques et l’euphorie qui l’accompagne. Il faut dire que dans les années 80-90, les défilés de Thierry Mugler étaient un peu l’apothéose de la FW. Le créateur avait pour habitude de prendre très au sérieux la définition étymologique du mot “show” et envoyait sur le catwalk une véritable explosion de créativité, de couleurs, de sons, bref un joyeux bordel qui donnait des frissons à tout le monde. Pas facile de rendre compte de toute cette créativité, de toutes ces inspirations et aussi de toutes les facettes du personnage de Thierry Mugler, tour à tour, créateur, photographe, yogi, danseur et même, … bodybuilder ! Le challenge est pourtant relevé haut la main par le MAD, qui parvient à nous immerger dans quasiment toute les périodes majeures du travail de Thierry Mugler en tant que couturier, photographe, parfumeur,… et à nous faire ressentir le grain de folie de cette époque avec des extraits de défilés Mugler collectors.

Le Bestiaire Thierry Mugler
On commence le parcours de l’exposition, pensée comme un opéra découpé en plusieurs actes, par une immersion dans le bestiaire fantastique de Thierry Mugler, le couturier. De la microfaune en passant par les profondeurs marines, le monde animal, inspiration majeure de Mugler, règne en maître. Chimère, pièce maîtresse de la collection Les Insectes (Printemps-Été 1997) portée à l’époque par Jerry Hall, trône au milieu de la première pièce, une robe fourreau recouverte d’écailles peintes à la main et pimpée d’une traîne de crins de cheval. A ses côtés, on trouve plusieurs pièces aux ailes de papillons ou encore des tailleurs d’où s’échappent des pattes reptiliennes brodées de cristaux. Une salle plus loin, on quitte l’univers des insectes pour pénétrer dans les abysses avec la collection Les Atlantes. Ici, les tailleurs structurés, robes métalliques et combinaisons se succèdent dans les tons blancs, bleus et argentés. Pièces maîtresses de la collection, les bustiers-coquillages en verre cranté et les bracelets assortis, réalisés par le maître sculpteur Jean-Jacques Urcun. Le monde marin laisse ensuite place à un univers de science-fiction peuplé d’héroïnes qui semblent tout droit sorties de Mad Max avec leurs bustiers “pare-choc” et ceintures “radiateurs” inspirés d’un design ultra industriel. On poursuit notre visite avec le laboratoire créatif de la “glamazone”, cette créature féminine urbaine, moderne, imaginée par Thierry Mugler à l’époque comme allant à contre-courant de la mode flower power. La glamazone Mugler porte des créations en vinyle et latex, à mi-chemin entre le fétichisme et l’érotisme. Elle est porteuse de liberté et d’émancipation, des valeurs chères à Thierry Mugler qui voulait plus que tout que les femmes se sentent empowered en portant ses créations.

Sous l’objectif de Thierry Mugler
Une salle à part est dédiée au travail de Mugler, le photographe. Polymathe, le créateur strasbourgeois a eu le déclic pour la photographie en 1976 après une boutade lancée par Helmut Newton sur un set. Réunis tous les deux sur le shooting d’une campagne, Newton aurait répliqué à Mugler de prendre lui-même ses photos au lieu d’être en permanence sur son dos ! Thierry Mugler a saisi l’idée au vol et s’est lancé dans la prise de vue de ses propres campagnes visuelles. Il a ainsi mis en scène ses muses (Iman, Jerry Hall,…) dans des lieux extrêmes comme un iceberg au Groenland, les dunes du Sahara, les aigles du Chrysler Building ou encore le toit de l’Opéra de Paris. Les clichés de Mugler s’inscrivent dans une période où la photo de mode était en train d’exploser et prenait définitivement le pas sur les illustrations dans les revues de mode. Le rôle des rédactrices en chef devenait de plus en plus important également à l’époque et elles étaient en mesure de soutenir des jeunes talents (mannequins, photographes, créateurs, …) et donc avaient le pouvoir de propulser la carrière de certains. C’est le cas de Francine Crescent qui, à la tête de Vogue France de 1968 à 1987, donna un coup de boost à la carrière de Mugler en mettant son travail en lumière dans les pages du magazine. L’exposition présente des tirages signés Mugler mais aussi d’autres photographes avec qui il a collaboré et qui ont marqué l’époque comme Guy Bourdin, Sarah Moon, Paolo Roversi, Ellen Von Unwerth,…

Ce serait vous spoiler qu’en dire plus, on vous laisse aller prendre votre shot de folie et d’exubérance Mugler au Musée des Arts Déco, vous avez jusqu’au 24 avril 2022, donc pas d’excuses.