M. C’est intéressant que vous parliez de Rick Owens, car vous restez tous les deux fidèles à vous-mêmes. Est-il un des designers que vous admirez le plus ?
T. B. Rick est quelqu’un de qui je me sens effectivement très proche à cet égard. Idem pour Hedi Slimane, qui a cette espèce de pureté et de rigueur, très inspirantes pour moi.
M. Pourquoi avoir quitté Los Angeles ?
T. B. J’avais 20 dollars sur mon compte en banque, un vieux break Mercedes-Benz en panne et je me nourrissais exclusivement de coleslaw et de poulet KFC, la seule nourriture que je pouvais me payer. Je me suis dit que je pouvais faire mieux et qu’il était temps de passer à autre chose. J’ai emménagé à New York et j’ai commencé à travailler pour Giorgio Armani.
M. Qu’avez-vous appris chez Armani ?
T. B. Qu’il fallait non seulement inventer un monde à part entière pour réussir dans ce métier, mais aussi apprendre à éduquer et à séduire les personnes, ce qui peut prendre énormément de temps. C’est pourquoi j’admire autant Ralph Lauren que Giorgio Armani.
M. Est-ce que vous coupiez déjà vos costumes à l’époque ?
T. B. J’espère sincèrement que Monsieur Armani ne lira pas cet article, mais je devais être le seul employé de sa société qui voulait porter les plus petites vestes et les pantalons les plus courts dans ses collections.
M. Aviez-vous envie de nouvelles proportions ?
T. B. Je suis très attaché au tailoring, mais j’avais aussi l’intention de présenter quelque chose de neuf. C’est vraiment à Los Angeles que j’ai commencé à développer mon propre style, qui n’a pas changé depuis d’ailleurs. Évidemment, j’avais envie de jouer avec les proportions et la façon dont les hommes envisagent le costume traditionnel.
M. Votre version “rétrécie” du costume masculin a vite fait le buzz et choqué la planète mode. Étiez-vous conscient de cette provocation ?
T. B. Détrompez-vous, il a fallu cinq ans pour que les gens acceptent cette proposition et prennent finalement mon travail au sérieux. Richard Buckley, Sarah Andelman et Margaret Spaniolo, qui travaillait chez Bergdorf Goodman à l’époque, ont été les premier·ère·s à y croire et à me soutenir. Il y avait vraiment une forme de résistance au départ et je sentais bien que les gens n’arrivaient pas à comprendre, même si l’idée les séduisait. Et j’adorais ça. Je pense que ce qui a fini par convaincre, c’est le fait que je portais moi-même ces pièces et que j’en ai fait une sorte d’uniforme. Je n’ai jamais cherché à imposer quoi que ce soit en termes de style, mais le fait que ma démarche soit honnête et sincère a sûrement fini par m’aider à trouver mon public.