Brassière en soie, Jupe et Ceinture en cuir, Soutien-gorge et Culotte en soie Miu Miu

Remarquée pour ses sets dynamiques et endiablés, la jeune Dj et productrice française Urumi incarne cette nouvelle génération de musiciennes a l’énergie débordante qui s’apprête à prendre d’assault la scène musicale internationale.

Planning chargé oblige, c’est sur Google Meets que notre rendez-vous avec Urumi a lieu. Elle apparaît un large sourire aux lèvres, celui-là même qui se dessine sur son visage à chaque fois qu’elle monte sur scène pour s’élancer dans l’un de ses DJ sets. “Il y a souvent une énergie folle durant les sets qui me fait kiffer, commente-t-elle. Je pense que c’est dû au fait que les gens qui viennent me voir jouer sont sur la même longueur d’onde que moi musicalement, et donc qu’on partage vraiment quelque chose.” Aujourd’hui cependant, lors de notre entretien, Urumi est simplement Ashley, emmitouflée dans un sweat oversize, loin des tenues explosives qu’elle arbore lors de ses performances. Depuis le début du projet Urumi en 2018, la jeune trentenaire s’est construit un véritable personnage. Il y a d’abord ce pseudonyme en référence à Urumi Kanzaki du manga GTO, à laquelle elle s’identifie. “C’est une meuf surdouée franchement psychopathe sur les bords ; et pour moi, elle est parfaite”, commente-t-elle dans un rire. Et puis, il y a cette panoplie aux airs de tenue de combat féline qu’elle enfile chaque soir, composée d’un ensemble de cuir noir structuré et d’un casque audio surplombé de deux oreilles de chat. “En fait, Urumi, c’est une espèce de Catwoman évoluant dans un monde apocalyptique, qui sauve les meufs et les chats la nuit, et fait de la prod’ le jour. C’est un peu ma vie, mais en version fantasmée.” [Rires] Ces derniers temps, la production est en effet ce qui occupe le plus clair de ses journées. Après une année 2022 passée à jouer à Paris, Barcelone, Berlin et Milan, Urumi a posé ses valises à Ibiza pour se consacrer pleinement à son envie dévorante du moment : créer des morceaux aux influences techno qui émanent tout droit de son imaginaire et qui devraient bientôt ambiancer et exciter le monde entier.

MIXTE. Avant de devenir DJ et productrice, tu as exploré d’autres domaines, dont celui de l’image – dans lequel tu continues à intervenir, puisque tu réalises régulièrement les visuels et les clips de tes singles. Comment es-tu tombée dans la musique ?
URUMI.
Il y a eu deux éléments déclencheurs, aux alentours de 2013 ou 2014. Le premier, c’est ce jour où j’ai dû organiser une soirée avec une amie pour un magazine. J’ai proposé aux mecs de Tealer, qui organisaient des soirées et que j’avais rencontrés quelque temps plus tôt, de venir mixer : j’ai tout planifié avec ma pote, en trouvant de l’argent à droite et à gauche pour que tout se passe bien. Et… la soirée a cartonné ! Mais du coup, en les payant, je me suis dit : “Mais en fait… si j’apprenais à mixer, je pourrais peut-être garder l’argent la prochaine fois !” [Rires]

M. Et le second élément déclencheur ?
U. 
C’est la fois où je suis sortie en club avec une amie pour aller voir Sam Tiba. J’ai été confrontée à un autre level de DJ et je me suis dit : ”Wow ! C’est quoi ce truc de ouf en fait ?” Et aussi, à cette même époque, il y avait plusieurs autres crews de meufs qui se lançaient à Paris : les Sheitanas, les Girls Girls Girls… Et puis, il y existait des vrais lieux de rendez-vous nocturnes, comme L’Inconnu et le Social Club. Il se passait un tas de choses dans le domaine de la musique. Ça m’a donné envie. À la suite de tous ces événements, j’ai appelé ma sœur Kendra (rappeuse et DJ, ndlr) et on s’est dit : “OK, on va apprendre à mixer.” C’est vraiment comme ça que tout a commencé.

Brassière, Jupe, Soutien-gorge et Culotte en soie Miu Miu.

M. Depuis, il s’est passé beaucoup de choses pour toi, notamment en 2022 : tu as enchaîné les DJ sets aux quatre coins de l’Europe, tu as sorti plusieurs singles et quitté Paris pour t’installer à Ibiza… Quel regard portes-tu sur cette année achevée ?
U.
 C’est vrai que 2022 a été assez intense et que je n’ai pas beaucoup dormi… Mais en vérité, je sais que c’est censé être bien pire. Quand tu es DJ, tu es en tournée toute l’année, il n’y a pas d’histoire de “faire une tournée deux fois par an et être en studio le reste du temps”. Non, tu es censée jouer du jeudi au dimanche et, au mieux, rentrer chez toi du lundi au mercredi – si tu as de la chance ! Donc j’ai appris à accepter ce rythme. Le seul truc chiant, c’est quand tu tombes malade au mauvais moment. Fin 2022, par exemple, mes dents de sagesse ont poussé alors que je m’apprêtais à réaliser mes deux performances les plus importantes de l’année : le festival de techno Impact – 3 000 personnes, je suis tête d’affiche pour la première fois de ma vie, la seule meuf programmée donc, et la seule noire dans un line up 100 % techno… – et l’événement de Colors Studio, qui organisait un genre de festival à Paris.

M. Comment as-tu géré et surmonté tout ça ?
U. 
J’ai pleuré en me demandant ce que Beyoncé aurait fait à ma place. Ce qui est sûr, c’est qu’elle y serait allée, quels que soient les aléas. Donc j’ai pris sur moi, même si mon visage avait doublé de volume. Parfois, il y a des trucs tellement importants pour toi que tu ne peux pas les annuler. Et puis aussi parce que je mesure la chance que j’ai. Par le passé, j’ai travaillé dans un kebab, en club… j’ai fait des services de malade ! Donc même si parfois je me demande à quel moment je vais pouvoir avoir un gars ou voir mon chat, je savoure tout ce qu’il se passe. Parce qu’au final, les seuls problèmes que j’ai en ce moment, c’est de savoir ce que je vais passer comme sons et ce que je vais mettre comme fringues. Donc je ne vais absolument pas me plaindre. Je travaillerai tant qu’il le faudra.

M. En 2016, ta sœur et toi lancez avec des amies Girls Do It Better, un collectif d’artistes 100 % féminines, entièrement composé de femmes noires, avec lequel vous organisez des soirées et sortez le single aux sonorités R&B “Brown Sugar”, produit par NxxxxxS et illustré par un clip réalisé par tes soins. Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans cette aventure ?
U.
Ce projet a démarré très vite, parce qu’encore une fois, il y avait une énergie assez folle à cette période. Il y avait plein d’artistes qui gravitaient autour de nous et qui ont fait en sorte que ce single puisse voir le jour. Moi, à ce moment-là, je ne faisais pas du tout de son. Je mixais simplement, j’avais un pied dans la photographie et surtout, je voulais faire de la vidéo. Donc ma sœur m’a proposé de réaliser le clip de “Brown Sugar”, ce que j’ai fait avec mon amie Nadia, photographe et réalisatrice. Et quand le son est sorti, avec ce clip fait maison… eh bien, il a buzzé de lui-même. Et à partir de là, c’est progressivement parti en couilles ! [Rires]

Pull en cachemire sur Tee-shirts en jersey, Bottes et Sacs en cuir Miu Miu.
Top et Jupe en tulle brodé de sequins, Soutien-gorge et Culotte en soie Miu Miu.

M. C’est-à-dire ?
U.
 Eh bien, au départ, l’idée était simplement de monter un petit crew et de faire nos soirées tranquillement. Mais après “Brown Sugar”, il y a eu un effet boule de neige et les demandes de booking ont commencé à pleuvoir de tous les côtés. D’ailleurs, une des membres du collectif a pris peur et a décidé de quitter l’aventure. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans l’émission d’Antoine de Caunes sur Canal+ à chanter à sa place. J’ai fait un gros playback et je n’étais pas du tout à l’aise, donc autant te dire que je n’ai jamais regardé le replay de l’émission. La performance m’a vraiment traumatisée. Mais ça a été une expérience enrichissante !

M. C’est à ce moment-là que tu t’es dirigée vers la techno, non ?
U.
En quelque sorte. Le truc avec Girls Do It Better, qui était plutôt axé hip hop, c’est que je ne pouvais pas vraiment exprimer ce côté musique électronique qui sommeillait en moi. J’ai toujours eu un penchant pour la techno, la drum and bass et la musique un peu “boum boum”, d’artistes comme Prodigy, Daft Punk, The Chemical Brothers… C’est quelque temps après ce passage sur Canal+ que Kendra et Mariah se sont lancées en solo. Et donc j’ai décidé de me concentrer sur ce que je voulais vraiment faire depuis le début. À savoir de la musique plus électronique, qui me ressemblait davantage que ce qu’on faisait avec les filles. C’est pour ça que je voulais et que je devais aller dans la prod’. C’était inconcevable pour moi de continuer à proposer uniquement la musique des autres en DJ set.

M. Comment expliques-tu ce désir de concevoir quelque chose qui émane spécifiquement de toi ?
U.
Je pense qu’à force de découper la musique dans ta tête en tant que DJ, la prod’ devient quelque chose de très attirant, quasi inévitable. À partir du moment où j’ai commencé à la comprendre, c’est devenu vital pour moi de faire ma version de la musique. Aujourd’hui, le DJing en soi m’intéresse de moins en moins. C’est pour ça que je produis de plus en plus ces derniers temps. Et c’est marrant d’ailleurs, parce que c’est à partir du moment où je me suis mise à fond dans la prod’ que j’ai compris que j’avais vraiment des goûts différents entre ce que j’écoute, ce que je produis et ce que je voudrais produire. D’un côté, j’écoute de la pop et de l’autre, alors que j’aimerais faire de la musique joyeuse, je produis… les ténèbres ! [Rires] Je suis tout le temps dans le drame. En tout cas, à terme, j’aimerais être à cheval entre le DJing, la production et le live. Mes DJ sets, je voudrais qu’ils soient un peu comme ce que fait David Guetta. C’est-à-dire des sets dans lesquels il n’y a que des morceaux originaux ou des remix. Et faire en sorte que chaque set soit unique. Ça, c’est vraiment mon objectif absolu.

M. Est-ce qu’il y a des producteur·rice·s qui t’inspirent pour créer ta musique en ce moment ?
U.
Oui, beaucoup ! Timbaland, Missy Elliott, N.E.R.D avec Pharrell Williams et Chad Hugo, Prodigy et Diplo, qui sont des gens qui me fascinent et me passionnent. Parce que quand j’ai du mal à comprendre comment c’est produit, ça me rend folle ! Il y a aussi Hans Zimmer, évidemment, qui reste le roi du monde à mes yeux. Et, bien sûr, James Blake. Je l’ai beaucoup écouté fin 2022, et je me disais que c’était quand même fou de faire des sons aussi magistraux dans la dépression !

Brassière et Jupe en denim, Caraco en pongé et Culotte en soie Miu Miu.
Pull en coton, Chemise en popeline et Jupe en soie Miu Miu.

M. Oui, lui aussi, il aime bien les ténèbres…
U.
Ah ouais, il est complètement dans les ténèbres. De prime abord, c’est un peu dur de les retrouver dans la musique que je fais, mais si tu écoutes bien ce que je produis, je pense que tu peux les déceler. Dans mon single “Les Oiseaux” par exemple, tu peux percevoir un fond de James Blake… En tout cas, tu sens que j’ai essayé.

M. Justement, parlons de la musique que tu fais aujourd’hui en tant que productrice. En 2020, tu as dévoilé “AFROCALYPSE”, un premier single aux influences afro-transe illustré par un clip aux airs de jeu vidéo de battles de twerk. Comment as-tu imaginé ce projet assez fou ?
U. 
Au début du confinement, je suis tombée sur le gameplay d’un jeu vidéo sur YouTube qui m’a fait penser à un jeu de danse que j’avais quand j’étais petite sur PlayStation 2, et dont j’avais trop kiffé l’esthétisme. Vu que j’avais déjà un pied dans la vidéo, je me suis dit que j’allais l’utiliser pour faire un clip. En voyant le résultat, mon producteur m’a dit que je devais absolument y coller un des sons que j’avais déjà produits.

M. En mai 2020, tu as aussi produit pour le chanteur Simon Atlan “PREMIÈRE DANSE”, un single à la fois planant et obscur, davantage tourné vers le R&B, qui est donc très différent de “AFROCALYPSE”…
U.
Effectivement. C’était le début de ma casquette de productrice et je ne savais pas tout à fait dans quel univers je voulais m’inscrire. Mais avec le recul, il est clair que le premier son que tu sors est toujours celui qui définit réellement ton ADN. Quand je réécoute “AFROCALYPSE”, je sens que je suis destinée à faire ce genre de musique très électronique, dans laquelle tu peux percevoir mes racines africaines…

M. D’où la sortie de “Les Oiseaux” et “Bitch Mood”, tes deux derniers singles parus en 2022, qui s’inscrivent davantage dans ton désir de musique électronique ?
U.
Exactement ! J’ai créé “Bitch Mood” en août 2022 durant un live Instagram, avec ma petite communauté. C’est elle qui m’a poussée à faire ce son, de la prod’ aux paroles. Sans mes followers et mes fans, je n’aurais jamais osé faire un truc aussi fou. Ça a été hyper intéressant comme processus.

M. C’est quoi la suite en 2023 ?
U.
Je compte sortir un EP de remix, qui a priori comprendra ceux des titres “All The Things She Said” de Tatu (sorti fin 2022), “WAP” de Cardi B, un morceau d’Alizée… Et, dans l’idéal, si j’arrivais à remixer Britney Spears, je me sentirais une femme accomplie. Ce sont beaucoup de morceaux de mon enfance finalement, que j’essaie de réadapter dans des versions plus électro et techno pour pouvoir les jouer dans mes DJ sets. J’ai également un EP de mes propres productions qui est prêt… Mais comme c’est un projet qui me tient énormément à cœur, j’attends le bon moment pour le sortir.

Veste de costume et Jupe en soie, Bottes en cuir Miu Miu.
Veste de costume en soie et Sac en cuir Miu Miu.

PHOTOGRAPHE : Jérémie Monnier / STYLISME : Franck Benhamou / TALENT : Urumi / COIFFURE : Ben Mignot @ Call My Agent / MAQUILLAGE : Khela @ Call My Agent / ASSISTANT PHOTOGRAPHE : Théophile Mottelet / ASSISTANTE STYLISTE : Léa Sanchez.

Cet article est originellement paru dans notre numéro spring-summer 2023 EUPHORIA (sorti le 27 février 2023).