M. En 2022, tu as été sacrée championne du monde de fleuret au Caire. Comment as-tu endossé ce titre ?
Y. T. J’ai été traversée par beaucoup d’émotions. J’ai crié, j’ai pleuré, j’étais soulagée aussi, car ce titre, c’était l’aboutissement de mon parcours sportif. Je savais que j’en avais les capacités depuis plusieurs années. J’avais battu une adversaire très forte et ainsi pu exprimer mon niveau en escrime. C’était la réalisation de toutes les choses que j’avais mises en place avant, cela venait fermer une boucle. Et puis, j’avais de l’expérience et la maturité pour accueillir ce titre de championne.
M. Tu es considérée comme l’un des espoirs majeurs de médaille d’or en escrime pour les JO de Paris 2024. Comment gères-tu cette pression et ces attentes placées en toi ?
Y. T. Il y a quelque chose de spécial dans la préparation de ces JO-là, d’autant plus que je m’entraîne dans l’Hexagone. Cela dit, la pression fait toujours partie de la préparation. Ce sont mes quatrièmes olympiades, donc j’ai appris à gérer cette période pré-compétition, la pression des médias, des sponsors… Pour ce qui est des attentes, je pense que la personne qui en a le plus, c’est moi-même. Je sais ce que j’ai à faire, je me concentre sur ce que je dois mettre en place pour être au maximum de mon potentiel le jour J. J’ai envie d’être prête, de donner le meilleur de moi-même et surtout, de kiffer le moment.
M. Dans le documentaire Strong, aussi forts que fragiles, diffusé sur Prime Video, tu t’exprimes, aux côtés d’autres athlètes de haut niveau, sur le rapport à l’échec et à la compétition. Comment conçois-tu l’échec aujourd’hui ?
Y. T. Il y a les échecs et il y a les défaites. L’escrime étant un sport de combat, on est amené·e·s à connaître des défaites régulièrement. À côté de cela, il y a les objectifs que l’on se met parfois et que l’on ne parvient pas à atteindre, ce qui peut être vécu comme un échec. On donne tellement de nous-mêmes dans nos performances que c’est très compliqué de distinguer qui, de l’athlète ou de la personne que nous sommes, a échoué. Comment faire pour que cela n’atteigne pas notre estime de nous-mêmes ? C’est là tout l’enjeu. Pour ma part, j’ai compris, avec l’aide d’une psychologue, l’importance de faire des pauses pour prendre du recul et gagner en lucidité. Le suivi psychologique m’a beaucoup aidée à analyser mes défaites afin de les rendre constructives pour ma carrière.
M. Tu es à moitié anglais et pourtant on t’a assez peu vu dans cette langue, contrairement à d’autres acteurs·rice·s de ta génération totalement français, mais qui sont partis à la conquête de la fiction anglo-saxonne.
F. O. C’est deux mondes différents. Quand ça marchait bien pour moi, on m’a fait rencontrer une directrice de casting en Angleterre. Il a été question de faire une formation assez lourde. Je ne sais pas si je suis prêt à ça. J’ai un pote qui s’est retrouvé dans une série Star Wars. Il a accompli des choses ici, mais une fois que tu passes de l’autre côté, ça n’existe plus, tu n’es personne, tu repars de zéro. Et tout ça pour finir par jouer le “French waiter” avec un petit accent sexy dans Emily in Paris. C’est difficile de mener les deux de front. César Domboy, par exemple, cartonne à l’international, pourtant en France on ne l’appelle pas forcément pour les premiers rôles.